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Cinéma

Le cocktail masala séduit l’Occident

Danses et numéros musicaux débridés sont les principaux ingrédients du cinéma bollywoodien. 

		(Photo : AFP)
Danses et numéros musicaux débridés sont les principaux ingrédients du cinéma bollywoodien.
(Photo : AFP)
«Bollywood» est un terme né de la contraction de Bombay et Hollywood, les deux Mecque du cinéma. «Coup de foudre à Bollywood», avec un titre accrocheur qui ne manque pas de faire écho à un autre film à grand succès «Coup de foudre à Notting hill», a pour ambition de séduire le public occidental. Gurinder Chadha, réalisatrice britannique d’origine indienne, a adapté pour l’écran le roman de Jane Austen en n’omettant aucun des ingrédients qui font recette: amour, danses et chansons à la mode indienne.

«Coup de foudre à Bollywood» n’est pas un film cérébral et intellectuel. Il s’agit d’une transposition et d’une adaptation libre en sari version Bollywood du roman Pride and prejudice, «Orgueil et préjugé», de Jane Austen. Sa réalisatrice a voulu mêler les compétences des deux pôles indien et occidental, respectant à la fois les ingrédients indiens traditionnels de ce cinéma très codé, et prenant par ailleurs un ton légèrement distancié par l’autodérision. Le choix de l’argument romanesque n’est pas innocent, il rejoint les préoccupations de la réalisatrice elle-même, certes d’origine indienne mais élevée loin de la terre d’origine, dans la banlieue de Londres, et sensible à l’évolution des mentalités. Gurinder Chadha se souvient : «Lorsque j’ai eu cinq ans, ma mère est allée en Inde pour me faire confectionner un sari, en vue de mes noces. J’ai dit non au mariage arrangé».

L’intrigue compte peu, le plaisir réside davantage dans le rythme enlevé assorti de danses et de numéros musicaux débridés, dans le rejet total de toute forme de réalisme, et le désir de ne voir que de la beauté en toute chose. La trame narrative est simple, et quasiment toujours la même, il s’agit toujours d’un impossible trio amoureux qui doit déjouer les embûches semées par «les méchants». En l’occurrence, aussi belle et intelligente qu’indépendante, l’héroïne Lalita -rôle incarné par la très jolie Miss Monde et véritable icône à Bombay, Aishwarya Rai, surnommé Ash- entend bien choisir elle-même son futur époux. Elle refuse d’être «casée» comme ses sœurs. Gurinder Chadha justifie son choix : «J’ai étudié le roman à l’école, lorsque j’avais 16 ans. Je me suis identifiée à Elizabeth Bennett qui, comme moi, refusait de faire tout ce qu’on lui imposait. Elle était farouchement indépendante, tout à fait ma tasse de thé». Dans le film, comme toutes les mères indiennes traditionnelles, Mrs Bakshi est en quête de bons partis pour ses filles. Mais Lalita préfère au mariage de raison, et au mariage d’argent, le coup de foudre amoureux. Elle rejette aussi bien le bel ombrageux, riche et tout aussi snob et arrogant Darcy, un prétendant américain, que le malheureux Mr Kholi, un lointain parent à la maladresse pathétique qu’elle présentera à une amie. Au terme des incidents de parcours, le fameux happy end : l’amour est vainqueur.

«Un film qui illustre le dialogue des races et des cultures»

Gurinder Chadha  a adapté ce cinéma indien -qualifié aussi masala- au goût occidental. A commencer par sa version, plus courte que de coutume: Coup de foudre à Bollywood dure 1 h 52, alors que tout film bollywoodien qui se respecte a pour caractéristique de durer des heures, au minimum quatre, jalonné par des rebondissements extravagants; Les dialogues ont lieu entièrement en anglais. L’affrontement de la fière nationaliste Lalita avec le riche hôtelier américain se transforme en débat socio-économique sur l’arrogance de l’impérialisme américain, et sur le développement technologique du sous-continent indien. Tout spectateur peut donc trouver son compte dans les dialogues, et l’adepte de belles images est tout aussi satisfait de plans qui se promènent sur trois continents. «En Angleterre, j’ai grandi en regardant aussi bien les films britanniques que les comédies musicales américaines et bollywoodiennes. J’avais envie de m’approprier le langage des films de Bollywood. Une manière de parler de leur identité, avec ma sensibilité britannique. Mais il n’était pas question de faire un film cent pour cent Bollywood», explique Gurinder Chadha.

L’industrie du cinéma indien extrêmement florissante (qui fournit entre 800 et 1 000 films par an, soit deux fois plus que les studios californiens) serait-elle en passe de vouloir conquérir l’Occident, et de prendre la place, de plus en plus vacante, laissée par le genre de la comédie musicale américaine ? Le fait est, en tout cas, que la formule séduit un public friand d’histoires à l’eau de rose, de belles images, de couleurs et d’exotisme, et qui trouve dans le troisième degré et l’humour l’argument qui sauve la face. En février dernier, le Centre Pompidou offrait pour la première fois une vaste rétrospective de ce cinéma et programmait 47 films inédits pour la plupart, initiant le public français à ce cinéma kitschissime à souhait et flamboyant. Le succès fut indéniable, avec 30 000 entrées et près de 90% de taux de remplissage. Coup de foudre à Bollywood sera-t-il un film à gros succès ? La suite le dira. Toujours est-il que Gurinder Chadha a pris soin d’harmoniser les sensibilités de chacun, sans négliger la morale conventionnelle indienne, mais en insufflant une pincée de subversion et out en gardant une distance ironique sur la «liberté» des mariages occidentaux. Un film consensuel en somme, qui ménage la chèvre et le choux, conçu, selon la réalisatrice, «ni pour les puritains de Jane Austen ni pour les fans de Satyajit Ray : un film populaire qui illustre le dialogue des races et des cultures, comme le paradigme de l’intégration de la diaspora». Un film qui devrait plaire.



par Dominique  Raizon

Article publié le 22/12/2004 Dernière mise à jour le 22/12/2004 à 15:35 TU

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«Ce sont des reprises, des années 50 à nos jours, qui sont dans le coeur de tous les Indiens.»

[16/11/2004]

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