Otages français en Irak
Chesnot et Malbrunot témoignent
(Photo : AFP)
Au lendemain de leur retour en France, Christian Chesnot et Georges Malbrunot ont été entendus par des spécialistes du renseignement français, avant de rejoindre leur village natal pour passer Noël auprès de leur famille. La journée de jeudi a été consacrée au récit de leurs quatre mois de détention. Les deux ex-otages sont pressés de parler, de raconter leurs conditions de détention et leurs angoisses liées aux menaces d'exécutions. Si de son côté, Christian Chesnot, le correspondant de RFI et de Radio France à Amman, a choisi de s’exprimer sur les antennes radio pour évoquer sa détention en Irak, Georges Malbrunot a, quant à lui, fait au Figaro pour lequel il travaille, le récit de sa captivité.
Pour commencer, les deux reporters sont revenus en détail sur les toutes premières heures de leur enlèvement en août dernier. Pour Christian Chesnot, ils ont été enlevés «un peu par hasard». «On allait vers Najaf et on s’est un peu trompés de chemin. On s'est arrêtés pour demander la route à des paysans. A ce moment, deux voitures sont arrivées en trombe. Ils ont mis Georges dans le coffre, le chauffeur et moi on est montés à l'arrière. J'ai parlé avec eux en arabe pour leur dire qu'on était français, qu'on était journalistes», a expliqué Christian Chesnot. Georges Malbrunot, souligne, quant à lui, le caractère organisé des ravisseurs: «ce n'est pas une arrestation par des brigands. L'Armée Islamique avait une espèce de compartimentation des tâches : il y a ceux qui arrêtent les gens sur la route ; ceux qui interrogent ; ceux qui gardent et ceux qui jugent».
«La planète Ben Laden»
Les premières semaines se passent dans une ferme en activité, où les ravisseurs détiennent différents otages. Parmi les détenus, selon Christian Chesnot, il y a notamment «les deux Macédoniens et leur chauffeur, le consul iranien, un garde du corps de Chalabi et le directeur d’une centrale électrique, mais pas le reporteur italien Enzo Baldoni». Sur leurs conditions de détention, les deux journalistes disent encore qu’ils ont été bien nourris. «On mangeait très rustique, des cornes grecques, des dattes et du thé. C'était sain, on a perdu un kilo par semaine», déclare Georges Malbrunot. Christian Chesnot explique de son côté:«qu’ils ont été consignés dans une chambre en général avec une petite douche. On disposait de paillasses pour dormir, mais on n’avait pas le droit de parler fort, on pouvait seulement chuchoter».
Les deux ex-otages ont rappelé que durant leur détention, ils ont été bien traités et n’ont jamais subi de violences. En revanche, les transferts étaient des grands moments de stress. Les deux ex-otages vivront six transferts, ligotés et les yeux bandés, enfermés dans des cercueils en carton à l’arrière d’une jeep. Les deux hommes évoquent également une semaine de captivité particulièrement difficile à partir du 8 novembre. Durant cet épisode, leur vie est menacée et ils sont confrontés à des bombardements américains et irakiens tout autour de leur lieu de résidence. Evoquant également leurs longues journées de détention, Georges Malbrunot estime qu’il n’a pas pu «être victime du syndrome de Stockholm» car les gardiens «même sympathiques» étaient très «versatiles». Branchés quasiment en permanence sur la chaîne de télévision Al Jazira, Georges Malbrunot évoque son séjour sur «la planète Ben Laden, où les références au cheikh Oussama sont nombreuses». En réponse aux affirmations du député Didier Julia, les deux ex-otages ont affirmé, chacun de leur côté, n’avoir jamais été approchés par Philippe Brett. «Il n’y a aucune ambiguité : nous n’avons jamais été n’ont jamais été en contact avec un intermédiaire ou un négociateur français ».
Jamais séparés l’un de l’autre, Christian Chesnot a expliqué: «Quand l'un flanchait, l'autre essayait de l'aider. On était assez complémentaire, on est collègues, on est surtout amis, c'est fondamental». Le journaliste a évoqué pudiquement le soutien apporté par la religion: «Nous avons beaucoup prié avec Georges sur notre semaine noire entre le 8 et 14 novembre». L’usage de la langue arabe fut également un élément précieux pour les deux otages: «on comprenait les dialogues de nos ravisseurs, ils nous donnaient des infos». Les deux otages ont appris de cette façon la réélection de George Bush et la mort de Yasser Arafat. Et Christian Chesnot de rappeler que «tout étranger est un espion à leur yeux. Ce qui nous a sauvé la vie, c’est d’être Français et d’être en règle. Les ravisseurs ont vérifié qu’on était des vrais journalistes et sont allés chercher sur Internet les articles que l’on avait écrit».
C’est samedi dernier que les deux journalistes ont appris leur libération. Le mardi matin, l'un des geôliers leur a fait enregistrer une cassette où ils ont dû répondre notamment à des questions sur l'Irak, la France et le voile islamique «Une ou deux heures après, on est venu nous chercher, on nous a menottés, on nous a rendu nos passeports, nos montres, on nous a encagoulés et on nous a fait monter dans le coffre d'une Mercedes», a expliqué Christian Chesnot. Vingt minutes plus tard, nous nous sommes arrêtés sur le bord d'une autoroute. On a ouvert le coffre et je suis sorti le premier. Un membre de l'ambassade de France m'a dit ‘Christian, viens, c'est fini, monte dans la voiture’».
par Myriam Berber
Article publié le 24/12/2004 Dernière mise à jour le 24/12/2004 à 15:37 TU