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Cameroun

Les avocats expriment leur grogne

Parti de Douala, le mouvement de protestation des avocats s'est étendu à d'autres villes du Cameroun. 

		(Photo :DR)
Parti de Douala, le mouvement de protestation des avocats s'est étendu à d'autres villes du Cameroun.
(Photo :DR)
Des hommes en robe ont engagé un mouvement de protestation depuis plus deux semaines dans le but de mettre fin aux humiliations que des éléments des forces de l’ordre ont fait subir à certains de leurs confrères. Face au silence du gouvernement, le mouvement de boycottage des audiences à l’œuvre depuis le 3 décembre s’est étendu à des audiences autres que criminelles et a été reconduit jusqu’au 31 décembre.

De notre correspondant à Yaoundé

Pas d’avocats ce mercredi aux premières heures à la Cour d’Appel du Littoral de Douala où Me Abraham Ndoumbé devait s’occuper d’une affaire dite de «défense à exécution». Pas davantage d’hommes en robe au tribunal de première instance de Bonanjo, situé dans le centre-ville de Douala, où des audiences civiles, commerciales et correctionnelles étaient prévues. Au palais de justice de Ndokoti à la périphérie de la capitale économique, Me Hot, une des figures influentes du barreau du Cameroun dans la province du Littoral, transmettait le mot d’ordre à ses rares confrères venus participer aux audiences programmées. A la mi-journée, il évaluait, satisfait, l’écho rencontré par le mouvement. « Pour ce premier jour du deuil des libertés individuelles, la manifestation a été unanimement suivie par les avocats dans les quatre palais de justice de la ville ».

Douala donnait ainsi le ton de la deuxième phase d’une série de manifestations décidées par des avocats, et dont les vagues ont rapidement quitté les berges du Wouri, pour déferler, de manière plus ou moins forte, sur d’autres localités. Un mot d’ordre de boycott de toutes les audiences avait été décidé à Douala dès lundi soir, et prévu pour se prolonger jusqu’au 31 décembre prochain. A Yaoundé les avocats ont décidé de circonscrire leur mouvement aux seules audiences criminelles. «Ce sont elles qui constituent le véritable baromètre de l’impact de notre mouvement, puisqu’elles ne peuvent se tenir, sans la présence des avocats, au contraire de toutes les autres», selon Me Maurice Roger Nguefack, avocat au cabinet Muna, Muna et Associés, à Yaoundé.

En vérité, la décision prise par les avocats à Douala, témoigne d’un durcissement certain du mouvement de protestation entamé depuis plus de deux semaines. Principal enjeu : un appel lancé aux pouvoirs publics, pour que cessent les humiliations et les tracasseries infligées par les forces de l’ordre aux avocats. La résurgence de ces revendications s’appuie sur un cas relativement récent, illustratif des rapports difficiles entres les hommes en tenue et les hommes en robe. Le 30 novembre 2004, Me Barnabé Nekuie, avocat au barreau du Cameroun exerçant à Douala, est passé à tabac par des éléments de la police, sur ordre d’un commissaire divisionnaire, dans les locaux de la Direction générale de la recherche extérieure (Dgre). L’avocat venait assister l’un de ses clients, convoqué à l’antenne du service de renseignement camerounais. Il se voyait confisquer son téléphone portable à l’occasion.

Un dialogue difficile

Il n’en fallait pas davantage pour émouvoir ses confrères et déclencher une levée de boucliers. Première décision : le boycott des audiences criminelles à Douala, entre le 3 et le 17 décembre. Les revendications des avocats sont claires : ils exigent que soit engagée de façon urgente une action judiciaire contre le haut gradé de police par qui tout serait arrivé et demandent le limogeage du Procureur Général auprès la Cour d’Appel du Littoral, dont les avocats ne tolèrent pas qu’il ait pu les expulser du palais de justice de Douala alors qu’ils y tenaient une réunion. Enfin, ils souhaitent le dépôt à l’Assemblée nationale- alors en session- par l’Exécutif, d’un projet de loi portant Code de procédure pénale.

Le 3 décembre, les avocats battaient le pavé à Douala, jusque dans cabinet du gouverneur de la province du Littoral, et rendaient public un mémorandum rappelant les faits et leurs revendications. Le  10 décembre, en signe de solidarité avec leurs confrères de Douala, les avocats de Yaoundé organisaient une «marche silencieuse», qui les conduisait à l’entrée des services du Premier ministre. Pendant ces deux semaines, le boycottage des audiences criminelles aura été effectif à Yaoundé et Douala. Des sources proches des initiateurs de ce mouvement faisaient même valoir qu’il s’était étendu à d’autres localités, des développements qui n’ont pas fait grand bruit. Entre temps, les pouvoirs publics sont restés silencieux et inactifs. C’est tout juste si des rumeurs font état des pourparlers engagés avec les autorités au plus haut niveau. Rumeurs confirmées par des hauts responsables du barreau. «Nous avons été reçus par des autorités qui nous ont fait des promesses Mais la base, elle, attend des signes forts », confiait Me Charles Tchoungang, avocat au barreau du Cameroun, et représentant du bâtonnier de l’ Ordre des avocats au barreau du Cameroun, dans la province du Littoral. 

Il était dès lors prévisible que les avocats mettraient à exécution la menace de radicaliser progressivement leur action, comme ils l’avaient clairement annoncé dès le début. Et cela, d’autant que un avocat aurait été physiquement malmené par les forces de l’ordre, à Kumba dans la province anglophone du sud-ouest, en début de semaine.



par Valentin  Zinga

Article publié le 25/12/2004 Dernière mise à jour le 25/12/2004 à 11:40 TU