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Tsunami et séisme en Asie

L’aide internationale s’active et s’amplifie

Distribution d'aide dans le camp de Nagapattinam (sud de Madras). L'Inde refuse l'assistance occidentale. 

		(Photo: AFP)
Distribution d'aide dans le camp de Nagapattinam (sud de Madras). L'Inde refuse l'assistance occidentale.
(Photo: AFP)
Alors que le sud de l’Asie est ravagé et manque de denrées de base, l’ONU parle de «la plus grande catastrophe humanitaire de l’histoire» et appelle aux dons. Globalement, tous les pays touchés par le raz de marée qui vient de ravager les pays de l’Indonésie au Sri Lanka travaillent dans l’urgence pour prêter secours aux survivants, et pour faire face au bilan meurtrier qui ne cesse de s’alourdir au fil des jours. Selon l’ organisation mondiale pour la santé (OMS), ce sont en effet près de 5 millions de personnes, parfois gravement blessées, souvent sans-abri, et dans le dénuement le plus total, qui n’ont pas accès aux soins et aux denrées indispensables pour rester en vie. Aide financière, aide médicale, aide alimentaire: la plus importante opération de secours jamais organisée mobilise le monde entier.
L’aide médicale

Les premières équipes de secours, gouvernementales ou d’ONG, sont arrivées dès le premier jour. Lundi, un Airbus décollait d'un aéroport parisien en début d’après-midi à destination de la capitale du Sri Lanka, Colombo, avec à son bord des secouristes: 60 sapeurs-sauveteurs des unités d’intervention de la sécurité civile, et 40 membres de la Croix-Rouge, du Samu, des organisations Secouristes sans frontières et Télécoms sans frontières, ainsi que des experts chargés d’évaluer les besoins sur place. L’Airbus, transportait outre des machines de traitement d’eau, de quoi monter des hôpitaux de campagne et 300 kilos de médicaments, de quoi faire des plâtres et des sutures. De leur côté, les Nations unies envoyaient deux mille experts dans toutes les régions concernées, parmi lesquels des spécialistes de la logistique et des communications, ayant pour mission de coordonner l’aide internationale, et d’organiser la distribution des matériels, ainsi que  les vols d’évacuation -ceux des ressortissants étrangers, et ceux des malades envoyés dans des hôpitaux ex-centrés.

L’ampleur du désastre dépassant les estimations initiales, il s’agit toujours d’agir, et d’agir vite, à la fois pour recenser et identifier le maximum de victimes, enterrer le plus rapidement possible les morts et éviter que la décomposition des corps à l’air et la chaleur n’engendre des épidémies de typhoïde et de choléra. «La situation est extrêmement sombre», déclare John Budd, un responsable du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), ajoutant: «les blessures non traitées posent problème. Même bénignes, si elles ne sont pas traitées, les risques de mort restent très élevés». Or, poursuit-il «le ravitaillement médical ne parvient pas, et les infrastructures médicales ont disparu». Le Dr Mar’iAziz, de l’hôpital général de la ville de Sigli souligne «n’avoir encore reçu aucune aide médicale (…) nous avons reçu à la place de nouveaux malades. Nous avons besoin de toute urgence de solutions salines, de gants stériles et d’antiseptiques. Un seul chirurgien opère dans tout l’établissement, et il n’y a qu’un seul hôpital dans tout le nord de Sumatra à ne pas avoir été endommagé».

Les équipes des organisations humanitaires s’activent donc pour rétablir les infrastructures hospitalières, pour pulvériser les rues et prévenir le risque de choléra, et pour vacciner les populations. Dès jeudi dernier, face aux risques d’une tragédie sanitaire, Pékin avait dépêché une équipe médicale de cent personnes et envoyé 35 secouristes dans le nord de l’île indonésienne de Sumatra, région la plus touchée. Le personnel médical chinois, composé en grande partie de spécialistes des maladies infectieuses et de santé publique, a été envoyé en Thaïlande alors que les experts cités par la presse ont mis en garde contre la possible arrivée en Chine de maladies susceptibles de se répandre en Asie du Sud-Est après les tsunamis. Des équipes médicales ont également été détachées des hôpitaux de Paris pour venir en aide aux populations victimes.

Une aide logistique

L’aide d'urgence passe par une aide logistique rationnelle. Or, c’est la panique. Pour exemple: ici ce sont des sacs éventrés de riz et d’épices à peine entamés qui jonchent des sentiers sablonneux, alors qu’ailleurs des communautés sont désespérément en quête de vivres. Quatre jours après la catastrophe, des véhicules transportant de grosses cargaisons de vivres sont arrivées dans un village où ne vivait plus qu’une vingtaine de personnes, alors que dans un autre il a fallu attendre cinq jours avant de recevoir la première aide humanitaire. Un autre exemple concerne la nature des aides apportées: à Pudhukuppam, dans l’Etat du Tamil Nadu, comme dans de nombreux autres villages du district de Cuddalore (l’un des plus touchés par le tsunami), les colis vestimentaires ont été acheminés, fruits de la solidarité des populations urbaines épargnées par la catastrophe. Mais les rescapés oscillent entre incrédulité et colère: «qu’est-ce-que je peux faire de ces étranges vêtements que portent les gens de la ville ?», déclare une femme.

«Il y a un déficit d’informations, un déficit de données précises et détaillées», explique Vinod Chandra Menon, responsable des équipes d’urgence de l’Unicef en Inde, «nous essayons de cartographier les besoins, mais la tâche est difficile». Toutefois, si l’acheminement de l’aide reste laborieux, surtout dans le Tamil Nadu, il s’organise. «Singapour ouvre ses bases navales et aériennes à quiconque apporte de l’aide à cette région de sorte qu’on puisse les utiliser comme plates-formes logistiques pour la livraison de l’aide humanitaire à cette partie de l’Indonésie», a dit le ministre de la Défense Teo Chee Hean, ajoutant: «Nous espérons que cela sera utile à l’Indonésie car nous savons que ses aéroports sont débordés. Plusieurs pays, comme la France, l’Australie, les Etats-Unis et le Japon se sont dits intéressés par la proposition», a dit le ministre lors d’une cérémonie de départ de près de 500 hommes envoyés à Aceh, dans le nord de l'île indonésienne de Sumatra, pour prêter secours aux victimes.

Des camions commencent à parcourir les routes des régions sinistrées. Des avions continuent d’arriver, chargés de plusieurs dizaines de tonnes de tentes, de couvertures de survie, de pastilles pour purifier l’eau et de stations d’épuration des eaux. Face à cette tragédie qui, au-delà des 125 000 morts recensés, a également déplacé plus de cinq millions de personnes depuis dimanche, le secrétaire général de l’ONU parle de «catastrophe globale sans précédent (qui) requiert une réponse mondiale sans précédent», une réponse qui se chiffre en millions de dollars.

L’aide financière

Les dégâts infligés par la catastrophe sont estimés à 14 milliards de dollars. L’ardoise est lourde, et c’est avant tout d’argent dont ces pays ont besoin. Cinq cent millions de dollars (dont 250 versés par la Banque mondiale) ont pour l’instant été débloqués par la communauté internationale; les initiatives et les dons privés ne cessent de se multiplier et d’alimenter le fonds d’aide aux populations sinistrées. Pour sa part, la France a proposé jeudi d’ajouter 20 millions d’euros d’aide à la prévention d’épidémie, venant s’ajouter aux 23 millions d’euros déjà proposés -qui représentaient 20% du fonds d’aide européen. Autorités, entreprises et organisations caritatives françaises multiplient les initiatives pour recueillir des fonds: «Il faut 250 000 euros pour affréter un avion, et il faudra évidemment plusieurs avions», souligne par exemple Jean-François Mattéi, président de la Croix-Rouge française.

A l’annonce du sinistre, la Chine avait tout de suite proposé une aide 2,6 millions de dollars, un montant correspondant «à une somme à peu près équivalente aux revenus de 20 000 paysans pendant un an», avait déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Liu Jianchao jeudi dernier. «La Chine va offrir une aide supplémentaire de 500 millions de yuans (ndlr: soit plus de 60 millions de dollars) pour aider les pays de l’océan Indien frappés par les tsunamis», a déclaré vendredi le Premier ministre Wen Jiabao en recevant des diplomates des pays affectés. En annonçant cette aide sans précédent, la Chine, pays en développement souvent lui-même victime de calamités naturelles, devient dès lors l’un des principaux donateurs dans cette catastrophe, en offrant plus que l’aide publique américaine (laquelle atteint pour l’instant 35 millions de dollars), mais moins que le Royaume-Uni (qui a promis 96 millions de dollars et la Suède, 75 millions de dollars).

L’Indonésie a annoncé qu’elle accueillerait le 6 janvier prochain un sommet international visant à réunir une aide d’urgence plus importante, et à étudier les besoins futurs en matière de reconstruction. Seront invités les pays membres de l’Association des nations du Sud-Est asiatique (Asean) comme l’Indonésie, la Thaïlande, la Malaisie, la Birmanie, et également la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Inde, le Sri Lanka. Seront également présents les représentants de l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les Etats-Unis, ainsi que des représentants de l’ONU, de la Banque mondiale, de l’OMS, de la Banque asiatique de développement, et de l’Union européenne.

Une conférence de pays donateurs devrait se tenir le 11 janvier à Genève: «Je suis ravi de constater que l’idée d’une conférence des donateurs avance dans la bonne direction», a déclaré Louis Michel, commissaire européen à l’Aide humanitaire, faisant part d’un «accord de principe» pour la tenue d’une deuxième réunion, centrée sur les problèmes de réhabilitation et de reconstruction dans la région, peut-être à Bruxelles à une date encore non déterminée.

De son côté le Club de Paris examinera le 12 janvier un moratoire sur un éventuel allègement de la dette publique de ces pays. Le projet, destiné à soutenir l’organisation de la reconstruction est soutenu par la France et par l’Allemagne: la dette de l’Indonésie représente 60% de sa richesse nationale et, en allégeant cette dette, l’argent pourrait alors être utilisé à la reconstruction des routes, des écoles et des dispensaires.



par Dominique  Raizon

Article publié le 31/12/2004 Dernière mise à jour le 31/12/2004 à 15:57 TU