Tsunami et séisme en Asie
Sumatra : l’aide tombe du ciel
(Photo: AFP)
De notre envoyé spécial dans la province d’Aceh (Sumatra, Indonésie)
Le grand cirque humanitaire a commencé avec l’entrée en piste des forces armées américaines. L’USS Abraham Lincoln mouille au large des côtes d’Aceh. A son bord, treize hélicoptères Seahawk. Ils décollent dès la levée du jour pour se rendre sur l’aéroport militaire de Banda Aceh qui centralise l’aide internationale qui arrive progressivement dans la province martyre depuis mercredi.
Les hélicoptères chargent 900 kilos de nourriture et de médicaments au pas de charge et foncent, cales pleines, vers les côtes ouest d’Aceh, la zone la plus proche de l’épicentre du séisme, où 90% des villages ont été détruits selon les dernières estimations. Le trajet dure une heure et le déchargement moins de dix minutes.
Les colis ne sont pas livrés directement à la population mais aux militaires indonésiens. Ceux-ci ont été déployés, dimanche matin, à l’aube, pour sécuriser ces zones et éviter que les hélicoptères soient pris d’assaut par les survivants affamés comme ce fut le cas, la veille, lors des premiers convois de ce pont militaire établi pour une durée indéterminée.
L’Indonésie dispose de moyens aériens dérisoires face à la catastropheL’intervention américaine vise à palier les carences de l’Indonésie qui a fait ce qu’elle a pu avec ce qu’elle avait immédiatement à sa disposition: deux avions Hercule C-130, deux Super Puma, renforcés mercredi par deux autres hélicoptères singapouriens du même modèle, et la bonne volonté des milliers d’Indonésiens qui ont afflué de toutes les îles de l’archipel pour se porter volontaire.
Les moyens nationaux sont dérisoires pour faire face au défi humanitaire imposé par une catastrophe qui a dévastée les trois quarts de la province et poussé 500 000 personnes dans des camps de réfugiés. Les Américains, qui se coordonnent avec leurs alliés singapouriens et australiens, également très actifs, peuvent combler ces lacunes et répondre aux situations d’extrême urgence.
«A plus long terme, tous les secours devront être coordonnés», tempère Sabine Rens, la coordinatrice de la mission de Médecins sans frontières–Belgique, une des premières ONG arrivée à Aceh. «C’est la seule chance que nous ayons de répondre efficacement à cette crise», poursuit la jeune mais déjà très expérimentée humanitaire qui reconnaît n’avoir «jamais rien vu de comparable». Or les dents grincent déjà au sein des grandes ONG (organisations non gouvernementales), qui veulent s’installer durablement dans la zone. Elles se plaignent de ne pas avoir été informées de l’opération américaine y compris Médecins sans frontières présent dès mercredi dans certains villages de l’ouest où les largages américains viennent tout juste de débuter.
«Nous manquons de tout»
Coordonnée ou seule, l’intervention américaine et des organisations internationales ne résoudra pas pour autant facilement le problème crucial des infrastructures. L’aéroport de Banda Aceh n’a qu’une piste d’atterrissage, les ports sont détruits ou trop petits pour accueillir des navires de gros tonnage et si la route qui longe la côte Est peut être empruntée, les autres voies de communications routières sont impraticables. Les ponts sont écroulés ou recouverts par des tonnes de gravats.
«Sur certains axes, nous n’avançons que d’une centaine de mètres par jour», explique le colonel Triono qui coordonne le déblaiement. Le travail des bulldozers indonésiens est donc titanesque et ne sera pas achevé avant plusieurs semaines. Même chose pour les rivières, très nombreuses dans la région, dont le flux est entravé par les milliers de troncs d’arbres. «Nous manquons de tout, d’avions, d’hélicoptères, de camions, de bateaux…», admet le lieutenant-colonel Sfari, qui coordonne la réception de l’aide internationale à l’aéroport de Banda Aceh où l’activité humanitaire n’est pas encore à la hauteur de l’urgence.
La rivière charrie toujours des cadavresEn attendant, les réserves alimentaires s’épuisent dans les foyers acehnais tandis que les hôpitaux ne sont pas équipés pour traiter les blessures provoqués par le raz-de-marrée, les infections pulmonaires notamment. «Je ramène mon neveu à Djakarta, aucun docteur n’est capable de lui enlever la boue qu’il a dans les poumons», explique cette femme, acehnaise mais résidente dans la capitale indonésienne, et qui n’a retrouvé à Aceh qu’un seul des membres de sa famille.
Dans l’un des rares hôpitaux encore debout de Banda Aceh, on s’inquiète aussi des risques d’épidémies provoquées par la décomposition avancée des cadavres qui continuent de joncher par centaine les villes et les villages de la province. La rivière qui traverse la capitale provinciale en charrie encore tandis que les habitants continuent, comme avant, de s’y laver et d’y faire leur lessive.
par Jocelyn Grange
Article publié le 02/01/2005 Dernière mise à jour le 02/01/2005 à 17:47 TU