Aide publique internationale
Ne pas faire payer à l’Afrique le prix des tsunamis
(Photo : AFP)
Le nouveau «Plan Marshall» que la Grande-Bretagne veut proposer aux bailleurs de fonds internationaux vise à aider le monde en développement. Tout le monde en développement, à commencer par l’Afrique, un continent qui, comme le Premier ministre Tony Blair l’a rappelé, souffre «chaque semaine d’un tsunami, causé par l’homme, qu’il est possible d’éviter». Les raz-de-marée en Asie du Sud, dont le dernier bilan fait état de plus de 165 000 morts dont au moins 100 000 en Indonésie, ne doivent pas faire oublier une autre région où la misère tue tous les jours. Même si Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies, a affirmé que l’aide massive promise aux pays victimes des tsunamis ne devait pas être prélevée sur les financements destinés à l’Afrique -«Nous ne voulons pas déshabiller Pierre pour habiller Paul»-, cette mobilisation sans précédent en faveur de l’Asie a tout de même, grâce à un effet miroir avec l’Afrique, mis en valeur une solidarité à deux vitesses.
Hasard ou pas, c’est du côté de pays dont la générosité est restée délibérément raisonnable que sont venues les mises en garde sur cette question. Le secrétaire d’Etat américain, Colin Powell, dont certains ont remarqué qu’il n’avait pas annoncé d’augmentation de l’enveloppe américaine dédiée aux victimes des tsunamis à la Conférence de Djakarta du 6 janvier, a ainsi déclaré : «Assurons-nous que cette réponse sans précédent à cette crise n’opère pas un prélèvement sur d’autres comptes, utiles à des populations qui en ont tout aussi désespérément besoin». Et d’évoquer la République démocratique du Congo, le Darfour… Il s’est ainsi rangé sur la même ligne que le Premier ministre britannique, pour lequel la mobilisation financière au profit de l’Asie ne doit pas se faire au détriment de l’Afrique. Du point de vue de Londres, il est même nécessaire d’utiliser la prise de conscience provoquée dans les pays riches par les ravages des tsunamis pour donner un nouvel élan à la solidarité avec les plus pauvres et prendre des mesures décisives en faveur de l’aide au développement.
Annuler 80 milliards de dollars de detteLa Grande-Bretagne, qui assume la présidence du G8 depuis le début du mois de janvier, a donc décidé de battre le fer tant qu’il était chaud en annonçant son intention de mettre l’Afrique au programme des pays riches en 2005. Gordon Brown, le ministre de l’Economie et des Finances, a posé le premier jalon en présentant un «Plan Marshall pour le monde en développement» qui propose l’annulation des 80 milliards de dollars de dette accumulés par les pays les plus pauvres auprès du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale (BM) et de la Banque africaine de développement (BAD). Un premier geste que le Chancelier de l’Echiquier britannique voudrait bien voir précéder une annulation des dettes bilatérales entre les Etats. En guise d’incitation, la Grande-Bretagne a d’ailleurs décidé de rembourser sa part de la dette des ces pays (10 %) auprès des organismes financiers internationaux.
Ce nouveau «Plan Marshall», dont la mise en œuvre est proposée 60 ans après le premier du genre consacré à la reconstruction de l’Europe de l’Ouest à la suite de Seconde guerre mondiale, a pour objectif de créer les conditions du développement des pays, africains pour l’essentiel, où l’engrenage de la pauvreté ne pourra être brisé autrement. Au-delà de l’annulation de la dette, il envisage donc de pousser les négociations à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dans un sens favorable aux pays pauvres. L’objectif de Gordon Brown étant de «mettre fin à l’hypocrisie du protectionnisme des pays développés» qui empêche les pays pauvres d’accéder à leurs marchés. Le dernier volet du plan britannique s’intéresse aux moyens à mettre en œuvre pour mobiliser de nouvelles ressources financières en faveur de l’aide au développement, tout en finançant la reconstruction dans les pays victimes des tsunamis. Sur ce point, il demande aux pays riches de consacrer 0,7 % de leur produit intérieur brut à ce secteur et de réunir les fonds au sein d’une nouvelle institution financière (International finance facility) chargée de les gérer et de les faire fructifier.
Cette solution n’est pas la seule envisagée pour augmenter le montant des sommes disponibles en faveur de l’aide au développement. Le président français, Jacques Chirac, défend pour sa part depuis longtemps l’idée d’une taxation internationale, qui concernerait par exemple les transactions financières. Il n’a pas manqué d’évoquer à nouveau cette possibilité à la suite des tsunamis. Lors de la cérémonie des vœux au corps diplomatique, le 6 janvier, il a ainsi emboîté le pas aux Britanniques dans le débat sur le financement de l’aide, en déclarant qu’au regard des besoins énormes des populations asiatiques victimes des raz-de-marée, la nécessité de «trouver des mécanismes de financement innovants» était devenue «inéluctable». Il a aussi affirmé son désir d’aborder ces questions lors des grands rendez-vous internationaux de 2005 comme le sommet du G8, en juillet, ou celui des Nations unies sur le bilan des objectifs du Millénaire en septembre. Il lui faudra beaucoup de force de persuasion pour rallier à cette position les Etats-Unis qui ont déjà manifesté leur opposition à un telle solution.
par Valérie Gas
Article publié le 07/01/2005 Dernière mise à jour le 07/01/2005 à 17:58 TU