Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Catastrophes naturelles

Des îles fragiles

Les autorités des Maldives estiment à un milliard et demi de dollars les ressources nécessaires à la reconstruction.(Photo : AFP)
Les autorités des Maldives estiment à un milliard et demi de dollars les ressources nécessaires à la reconstruction.
(Photo : AFP)
Une réunion entre les petits Etats insulaires en développement (PEID) se tient cette semaine à Maurice. Pour une fois, les petites îles devraient se faire entendre deux semaines après la catastrophe de l’océan Indien.

Alertés par les risque de changement climatique, une cinquantaine d’îles et d’archipels se sont regroupés, dans les années 90. Les spécialistes du réchauffement de la planète avaient donné l’alerte, expliquant que bon nombre de petites îles, souvent situées à un ou deux mètres au-dessus du niveau de la mer, risquent d’être submergées : le réchauffement global va provoquer une élévation générale des océans.

Tous préoccupés par la catastrophe annoncée, les petits Etats insulaires ont régulièrement demandé de l’aide aux autres pays signataires de la Convention sur les changements climatiques. Jusqu’à présent, ces petits pays n’avaient pas réussi à se faire entendre. Les pays industrialisés étaient plus préoccupés par l’entrée des pays émergents dans le processus mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

En 1997, après un raz-de-marée qui n’avait pas fait de victimes, un mur a été construit tout autour de l’île de Male.
(Photo : AFP)
Sans le mur, la moitié de la ville aurait été détruite

Aujourd’hui, après le passage des tsunamis dans l’océan Indien la sensibilité au risque de catastrophe naturelle s’est accentuée. Les 51 membres de cette association des petits Etats insulaires ont donc plus de chance de se faire entendre. Une dizaine d’entre eux appartient en plus au groupe des pays les moins avancés (PMA). C’est le cas notamment des Maldives, présentes à cette conférence de Port Louis, capitale de Maurice. L’archipel, situé au large des côtes sud-ouest de l’Inde, a subi le passage du tsunami. En 1997, après un raz-de-marée qui n’avait pas fait de victimes, un mur a été construit tout autour de l’île de Male.

Ce mur est une couronne de structures en béton, installées à une cinquantaine de mètres du rivage. Cette barrière, qui dépasse d’environ trois mètres le niveau de la mer, «est en mesure d’arrêter des vagues de deux mètres de hauteur », a déclaré Mohamed Latheef, le représentant des Maldives à l’Onu. Cependant « le mur n’a pas empêché que le raz-de-marée inonde Male. Mais sans lui, la moitié de la ville aurait été détruite », a encore indiqué le représentant des Maldives.

En fait, le mur a atténué la puissance de la vague, et personne n’a été tué le 26 décembre dans la capitale où vit un quart de la population de l’archipel, soit 75 000 personnes environ. En revanche les vagues géantes ont tué 82 personnes dans d’autres îles de l’archipel, Male étant la seule à être protégée par un mur.

La construction de ce mur a été financée par le Japon. Son coût s’élève à 4 000 dollars le mètre, un prix hors de portée des PEID. Sans compter une efficacité malgré tout « limitée »  de ce type de construction, comme le souligne Philippe Boullé, membre de l’association française de prévention des catastrophes naturelles. Le mur construit au large du Bangladesh par exemple, «n’a pas permis d’arrêter des vagues de douze mètres » au moment d’un tsunami au début des années 90, précise encore ce spécialiste. Ce type de construction doit donc s’accompagner d’un système d’alerte précoce pour informer la population de l’imminence d’une catastrophe, ajoute encore cet expert.

Un système d’alerte précoce

Après la catastrophe du 26 décembre, les Nations unies avaient annoncé qu’elles feraient tout pour que les pays riverains de l’océan Indien soient dotés d’un système d’alerte comme celui qui existe dans l’océan Pacifique. A Maurice, le secrétaire général adjoint de l’Onu, Anwarul K. Chowdhury, a déclaré que la conférence devait examiner particulièrement cette question. «De nombreuses vies auraient pu être sauvées s’il y avait eu un système approprié d’alerte dans l’océan Indien », a souligné le Premier ministre mauricien, Paul Bérenger, dans son discours d’ouverture.

La réunion de Maurice doit permettre « de décider des mesures qui peuvent être prises pour la mise en place d’un système global d’alerte précoce », a encore expliqué le secrétaire général adjoint de l’Onu. Et il a poursuivi : la conférence des Nations unies sur la prévention des catastrophes, prévue à Kobé, au Japon, du 18 au 22 janvier prochain sera « l’endroit approprié pour décider des détails de ce système. D’ici là, une mesure très simple peut être prise : la mise en place d’un réseau de tous les systèmes d’alerte précoce qui existent dans le monde pour, au moins, échanger des informations ».

Les raz-de-marée du mois dernier ont fait peu de victimes dans les archipels de l’océan Indien mais les Seychelles ou les Maldives ont subi des destructions importantes. Ainsi aux Maldives, pays classé parmi les moins avancés, les autorités estiment à un milliard et demi de dollars le coût de la reconstruction. Les autorités ont notamment l’intention de déplacer les habitants des îles les plus vulnérables pour les installer sur des îles plus sûres. Neuf îles sont devenues inhabitables. La protection de certaines îles tout à la fois contre les tsunamis et contre le réchauffement de la planète est au programme pour les dix prochaines années.

D’autres préoccupations que les risques naturels

Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies, effectue actuellement une tournée dans les pays touchés par les vagues déferlantes. Il participera mardi à cette réunion entre les petits Etats insulaires qui ont d’autres préoccupations que les catastrophes naturelles.

Eloignés des grands marchés et souvent dépendants de l’exportation d’un seul produit, les petits Etats insulaires demandent à l’Organisation mondiale du commerce un traitement à part. Une demande d’ores et déjà rejetée par les Etats-Unis. Ces dernières années, des produits d’exportation comme le sucre bénéficiaient d’accords de préférence commerciale, notamment avec l’Union européenne. Ces accords ont disparu.

Dans le même temps, en dix ans, l’aide au développement destinée à ces PEID a presque diminué de moitié. Elle est passée de 2,3 milliards de dollars à 1,7 milliard de dollars. Ces pays très plats, très isolés, demandent également aux pays riches de tenir leurs engagements et de réduire leurs rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère pour réduire la menace des changements climatiques. Le SIDA et la pauvreté sont également au menu des discussions de cette réunion à Maurice.

Protéger les barrières naturelles

Le WWF, le Fonds mondial pour la nature, profite de cette réunion de Maurice, pour redire à travers un rapport l’utilité des barrières naturelles. Si elles sont préservées, elles peuvent amortir la force des tsunamis lorsqu’ils déferlent sur les côtes. Il est essentiel, indique ce rapport publié en Suisse, de préserver tous les écosystèmes côtiers comme les récifs coralliens, les mangroves, les marais et les forêts. Juste après la catastrophe, des experts de l’Onu ont d’ailleurs remarqué que des barrières naturelles avaient, dans certains secteurs, amorti le déferlement des eaux.

La Malaisie a de son côté exprimé le souhait de protéger ses propres mangroves « parce qu’elles empêchent les grandes vagues de pénétrer trop loin à l’intérieur des terres ». C’est ce qu’a déclaré à la presse le Premier ministre malaisien Abdullah Ahmad Badaoui . Il a demandé aux agences gouvernementales de replanter la végétation naturelle côtière qui a été arrachée par les vagues. Elles ont tué une soixantaine de personnes seulement sur la côte ouest du pays. Les spécialistes ont remarqué que certains villages de pêcheurs ont été protégés par la mangrove qui a absorbé en partie l’impact de l’eau.


par Colette  Thomas

Article publié le 10/01/2005 Dernière mise à jour le 10/01/2005 à 17:16 TU