Sri Lanka
Réfugiés dans les salles de classe
(Photo: Pauline Garaude/RFI)
De notre envoyée spéciale dans le nord-est du Sri Lanka.
Des nattes au sol, des matelas roulés et posés sur des chaises, des sacs de riz entreposés dans un coin, des légumes et des ustensiles de cuisine alignés sur des bancs d’écoliers, des valises empilées, du linge suspendu sur des filets tendus : nous sommes dans l’une des classes de l’école de Irakakandy où plus de vingt familles attendent d’être relogées. Alors que la rentrée était prévue lundi dernier, elles ne peuvent quitter les lieux avant que des tentes ne leur soient distribuées. Ici, le tsunami a tout emporté. Rares sont les maisons qui subsistent. Le pont a été arraché et la zone est restée longtemps inaccessible. «Les premiers secours ont consisté à soigner les gens et à les mettre à l’abri», témoigne un habitant du village. «Il y a seulement cinq jours qu’on est venu nous distribuer des matelas, des serviettes et des vêtements».
Des priorités plus urgentes
Hier matin, des volontaires d’une organisation non gouvernementale (ONG) locale leur ont fourni la Bible et des gazinières d’appoint. «Bien sûr que l’école est importante. Mais avec le tsunami, nous devons pour l’instant répondre à d’autres priorités», explique l’un des volontaires. «Nous attendons impatiemment d’être relogés. Et comme les autorités locales nous savent ici à l’abri, elles tardent à nous distribuer des tentes», déplore-t-il. John, de Médecins sans frontières, précise: «Les tentes ont été distribuées en priorité aux personnes qui n’avaient rien et qui dormaient dehors sous des arbres. Il y en a beaucoup ici. D’autre part, une école ne peut accueillir à elle seule l’équivalent de dizaines de maisons».
Lundi, jour de la rentrée scolaire, John et son équipe sont venus évaluer les besoins de cette population toujours réfugiée dans l’école. La situation ne l’a pas inquiété. «Nous allons faire notre maximum pour que la rentrée ait lieu mais, quand il y a une catastrophe comme le tsunami, on ne peut pas toujours respecter le calendrier au jour près». Il a immédiatement demandé au chef du village si des tentes allaient être distribuées. «Normalement, nous devons être fournis aujourd’hui», lui a-t-il répondu. «Je reviendrai demain pour voir si cela a bien été fait», a assuré John.
Irakakandy est loin d’être le seul village dans cette situation. A Nilaveli, à quelques kilomètres en descendant la côte, certains camps de réfugiés n’ont même pas de latrines en état. «Comment voulez-vous que l’on pense à la rentrée !», s’exclame Siva. «Nous pensons d’abord à l’eau et aux toilettes ! C’est plus urgent».
Des classes bien propres
En revanche, à Kinniya, toutes les familles ont libéré l’école. Mais il faut maintenant nettoyer et réaménager les classes. Padmandhavi, le directeur, se montre confiant. «C’est vite fait», annonce-t-il. «Il faut laver les sols puis bien nettoyer les tables et les chaises qui ont été abîmées par le sel et le sable». Plus de trente personnes s’activent à remettre les lieux en état. Les femmes jettent de grands seaux d’eau, brossent de toute leur énergie le sol noirâtre. Certaines font même la poussière sur les posters éducatifs accrochés aux murs. «Je veux une belle classe. Il est hors de question de travailler dans une classe où l’on sent encore la présence du tsunami. C’est très important», confie Sanjita, professeur de tamoul. Et elle ajoute: «Même si nous reprenons les cours avec une semaine de retard, ce n’est pas si grave».
Les hommes tentent de décaper les murs et de leur donner un nouveau souffle en y mettant une couche de peinture. Et ramassent les derniers gravats. Pendant ce temps, dans les classes irrécupérables dont le sol est toujours jonché de racines et de sable emportés par le tsunami, dont subsistent par miracle quelques mètres de muret et la charpente en bois, des enfants s’amusent. Ils s’en donnent même à cœur joie. «D’habitude, on est dans cet endroit pour travailler. Mais là, c’est chouette car on peut y faire tout ce que l’on veut !», s’exclame Sinthu, âge de douze ans.
Le sourire radieux, accroupi sur la dalle de ciment où siégeait autrefois le bureau du professeur, il joue aux billes avec son ami. Derrière lui, le tableau noir est resté accroché. Mais l’eau a effacé la craie et il ne reste de la dernière leçon qu’une traînée blanchâtre. Sanjua s’amuse avec un pneu. Des plus jeunes, assis sur ce muret épargné, soufflent dans des ballons. Un autre réunit des gravats avec une rame de bateau... Au milieu de cette vision d’apocalypse, l’humeur est pourtant joyeuse: partout on entend rire, partout on voit sourire. Ces enfants ont déjà commencé à tourner la page. Et s’apprêtent à retrouver bientôt le chemin de l’école.
par Pauline Garaude
Article publié le 11/01/2005 Dernière mise à jour le 11/01/2005 à 15:45 TU