Proche-Orient
Israël renoue avec les Palestiniens
(Photo : AFP/RFI)
Le premier geste est venu de Mahmoud Abbas. Dès l’annonce officielle des résultats de l’élection présidentielle de dimanche qu’il a remportée avec 62,5 % des suffrages, le chef de l’Autorité palestinienne a en effet appelé à la reprise des négociations de paix. «Nous tendons la main à nos voisins. Les Palestiniens sont prêts pour la paix, pour une paix basée sur la justice et nous espérons que la réponse des Israéliens sera positive», a-t-il notamment lancé. Alors que l’entourage du Premier ministre israélien se montrait plutôt prudent, multipliant les appels à la nouvelle direction palestinienne pour qu’elle lutte contre le terrorisme, Ariel Sharon a, lui, pris la peine de téléphoner à Mahmoud Abbas –la conversation n’a duré que deux minutes– pour le féliciter de sa victoire. Et même s’il a réaffirmé qu’il jugerait le président palestinien sur «la façon dont il combattra le terrorisme et démantèlera ses infrastructures», le chef du gouvernement israélien n’en pas moins souhaité à Abou Mazen –nom de guerre de Mahmoud Abbas– de «réussir dans ses fonctions».
Il est vrai qu’Ariel Sharon pouvait difficilement faire moins après le concert de félicitations qui a suivi l’élection du successeur de Yasser Arafat et surtout après l’enthousiasme affiché par l’administration américaine. Le président Bush a en effet personnellement téléphoné au président palestinien pour l’inviter à la Maison Blanche, une faveur qu’il avait catégoriquement refusée au raïs décédé. Et au cours de leur conversation, qui a duré une bonne dizaine de minutes, George Bush a également fait part de sa détermination à aider la nouvelle direction palestinienne «à s’occuper de problèmes clé tels que la sécurité, la croissance économique ou encore l’édification d’institutions démocratiques». Ce regain d’intérêt pour le dossier israélo-palestinien, qui s’est également illustré à travers la nomination de Robert Zoellick comme adjoint de Condoleezza Rice au département d’Etat –ce proche de James Baker est considéré comme un «diplomate réaliste»– a été interprété comme le signal d’une nouvelle étape de négociations entre les deux parties.
Ariel Sharon et Mahmoud Abbas doivent d’ailleurs se rencontrer très prochainement. La presse israélienne a révélé mardi que le ministre palestinien des Finances, Salem Fayyad, et le principal conseiller du Premier ministre israélien, Dov Weisglass, se sont vus à ce sujet. Aucune date n’a pour le moment été arrêtée, mais certains analystes estiment que les deux hommes pourraient se voir dans les deux semaines qui viennent.
Israël pourrait faire des gestesOfficiellement, cette rencontre au sommet pourrait permettre de coordonner l’application, prévue à partir du mois de juin, du plan de retrait de la bande de Gaza qu’Ariel Sharon semble plus que déterminé à mettre en place. Le Premier ministre, qui dispose désormais d’une fragile majorité à la Knesset depuis l’entrée des travaillistes au gouvernement, devrait également tenter une nouvelle fois de convaincre la partie palestinienne de s’attaquer au terrorisme en échange de quoi Israël pourrait bien consentir à un allègement du bouclage imposé aux Territoires palestiniens. Selon le quotidien à grand tirage israélien Yediot Aharonot, Ariel Sharon serait notamment prêt à laisser l’Autorité palestinienne assumer le contrôle de la sécurité dans la plupart des villes de Cisjordanie –que l’armée israélienne réoccupe depuis mars 2002 après une série d’attaques suicide particulièrement meurtrières– et aux barrages militaires filtrant leur accès. Les forces de l’ordre palestiniennes, qui seraient de nouveau autorisées à porter des armes, pourraient ainsi se déployer à Ramallah dans les semaines qui viennent avant de prendre successivement en charge dans les prochains mois Bethléem, Jéricho, Hébron, Tulkarem, Kalkiliya, Naplouse et Jénine.
Appuyant cette hypothèse, le ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz, a d’ailleurs estimé, dans les colonnes du quotidien Maariv, que l’armée israélienne n’avait aucune raison de se maintenir en Cisjordanie si les violences cessaient. «Nous opérons dans les villes palestiniennes, faute de choix, pour empêcher le terrorisme. Mais nous n’avons pas d’autres raisons de nous y maintenir», a-t-il notamment souligné. S’il venait à être effectif, cet allègement du bouclage israélien permettrait une rapide amélioration des conditions de vie des Palestiniens et donnerait à Mahmoud Abbas un argument de poids face aux groupes radicaux qu’il cherche à convaincre d’accepter une trêve dans les attaques anti-israéliennes. Refusant de céder aux exigences du cabinet Sharon qui réclame le désarmement des mouvements extrémistes, le président palestinien ne désespère pas d’arracher, à travers le dialogue, un cessez-le-feu. Et signe que rien n’est perdu, le Hamas et le Jihad islamique, qui avaient pourtant appelé au boycott de l’élection présidentielle, se sont engagés dès lundi à coopérer avec Abou Mazen. Et si les deux mouvements ont aussi annoncé qu'ils poursuivront leurs attaques contre Israël, leur démarche s’apparente plutôt à une volonté de faire monter les enchères avant toute négociation avec le président palestinien.
par Mounia Daoudi
Article publié le 12/01/2005 Dernière mise à jour le 12/01/2005 à 18:30 TU