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Il y a 60 ans, la libération des camps

Auschwitz : le plus terrible des camps de la mort

Le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau, en Pologne.<BR>Seuls les adultes en bonne santé avaient une chance d’être épargnés si les nazis estimaient qu’ils pouvaient être utilisés pour travailler.(Photo prise par un photographe SS en 1944)
Le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau, en Pologne.
Seuls les adultes en bonne santé avaient une chance d’être épargnés si les nazis estimaient qu’ils pouvaient être utilisés pour travailler.
(Photo prise par un photographe SS en 1944)
Dédié à l’extermination massive des juifs, le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau, en Pologne, a été le plus grand centre de mise à mort du IIIème Reich et celui dans lequel les massacres ont continué le plus longtemps. Construit en 1940, libéré en 1945 par l’Armée Rouge, il a permis de gazer et de brûler environ 1,1 million de personnes. Sans compter les prisonniers morts de faim, de mauvais traitement, de maladie. Il représente dans la mémoire collective le principal symbole de la barbarie nazie et du génocide des juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Soixante ans après la fin de l’horreur, les rescapés encore vivants continuent de témoigner pour que l’on n’oublie pas.

Près de quatre-vingt-dix pour cent des personnes exterminées dans les chambres à gaz d’Auschwitz étaient des juifs. Même si le camp a été construit au départ pour déporter les résistants polonais, puis a accueilli les soldats soviétiques capturés sur le front de l’Est et des tziganes, il a surtout été le principal instrument utilisé par les nazis pour mettre en œuvre la stratégie de la «solution finale», élaborée dans un seul et unique but : éliminer physiquement tous les juifs d’Europe.

Quand Himmler ordonne la construction du camp d’Auschwitz sur l’emplacement d’une ancienne prison de Pologne, il s’agit, semble-t-il, de créer un centre d’internement et de travail à usage régional. Les opposants politiques, intellectuels ou résistants polonais inaugurent d’ailleurs la valse des convois de déportés. Malgré tout, cet emplacement n’est pas choisi au hasard. Le site d’Auschwitz bénéficie d’une excellente desserte ferroviaire qui le relie à l’ensemble de l’Europe, un élément pris en compte dans la décision d’y implanter le camp. D’autant plus que l’accès à ces infrastructures de transport n’empêche pas le site d’être assez isolé, donc plus facile à dissimuler.

Une extermination avec des moyens industriels

Mais le passage d’un lieu de déportation à un lieu d’extermination massive est progressif. La présence de nombreux juifs dans les pays européens occupés par l’armée allemande a joué un rôle dans ce processus. Elle a convaincu les cadres du régime d’élaborer une méthode et de se donner des moyens considérables pour éliminer une catégorie de population à laquelle le Führer, Adolf Hitler, attribue la responsabilité de tous les maux de l’Allemagne. A commencer par la défaite lors de la Première Guerre mondiale. La conférence de Wannsee, le 20 janvier 1942, marque dans cette évolution une étape importante. Des responsables nazis et des officiers SS y présentent les modalités de la «solution finale» du problème juif. Un projet qui va aboutir à transformer les massacres en génocide.

Pour arriver à leurs fins, les nazis commencent à mettre en place dans les camps des chambres à gaz et des fours crématoires. A Auschwitz, l’ère de l’élimination industrielle des prisonniers juifs s’ouvre véritablement après la construction d’un deuxième camp, celui de Birkenau à partir de 1941. Peu à peu, on passe de deux chambres à gaz (Bunker I et II) à des installations énormes composées de quatre Krematorium dans lesquels se trouvent à la fois des chambres à gaz et des fours capables de brûler les corps de plusieurs milliers de victimes chaque jour. Les nazis amènent même la ligne de chemin de fer jusqu’au camp pour permettre de débarquer les juifs directement dans l’antichambre de la mort.

Travailler ou mourir

L’organisation de ce massacre à grande échelle ne laisse rien au hasard. Les convois sont pris en charge dès leur arrivée. Intervient alors une «sélection» des prisonniers. Les critères sont simples :  bébés, jeunes enfants, malades, vieillards et femmes enceintes sont mis à part dans une file destinée à subir un «traitement spécial». C’est à dire à être immédiatement gazés. Seuls les adultes en bonne santé ont une chance d’être épargnés si les nazis estiment qu’ils peuvent être utilisés pour travailler, notamment dans le troisième camp d’Auschwitz, Monowitz, situé à proximité d’un complexe industriel IG Farben. Dans ce cas, ils sont désinfectés, tatoués d’un numéro d’enregistrement et affublés d’un uniforme rayé. Avec pour toute perspective, celle d’essayer de résister à des travaux inhumains et des conditions de vie insoutenables. Il semble qu’à peine 10 % des juifs envoyés à Auschwitz se sont retrouvés dans cette situation.

Après des jours de voyage dans des wagons à bestiaux où de nombreuses personnes meurent, l’arrivée à Auschwitz ne représente pas la fin du cauchemar mais une nouvelle étape dans l’horreur. Combien de familles ont été séparées à ce moment-là ? Combien de bébés ont été arrachés des bras de leur mère et jetés dans des bennes à ordure comme des sacs de sable, à peine débarqués du train ? Les témoignages de ces scènes par les rescapés d’Auschwitz sont insoutenables. Ils ont permis de connaître les pratiques des bourreaux nazis.

Les Sonderkommandos : bourreaux pour survivre

Des membres d’un Sonderkommando, chargés du transport des cadavres de la chambre à gaz au four crématoire.
(Photographe inconnu, 1944)
D’autres déportés n’ont pas pu témoigner eux-même mais ont laissé des traces de leur calvaire : plusieurs Sonderkommandos ont ainsi écrit et souvent enseveli dans le camp des récits de leur terrible tâche. Certains de ces textes ont été retrouvés après la libération. Ces hommes étaient chargés du transport des cadavres de la chambre à gaz au four crématoire. Ils devaient aussi arracher tout ce qui pouvait être exploité sur les dépouilles (dents en or et cheveux). Choisis parmi les prisonniers les plus robustes, ils bénéficiaient pendant un temps d’un traitement de faveur et de conditions de vie moins dures mais savaient qu’au moindre signe de fatigue leur sort était scellé. Témoins gênants et devenus inutiles, ils étaient éliminés. C’est la certitude du traitement qui les attendait qui a motivé leur tentative de révolte, en octobre 1944, à la suite de laquelle un grand nombre d’entre eux ont été massacrés.

Sur environ deux mille Sonderkommandos d’Auschwitz, seuls une dizaine ont échappé à la mort. Ils ont dû vivre avec des images terrifiantes ancrées dans leur mémoire. Celles de l’entrée de milliers de personnes dans des chambres à gaz qu’on leur présentait comme des salles de douches. Celles des corps dénudés et sans vie des prisonniers qui avaient vécu des agonies lentes et douloureuses car le gaz Zyklon-B (acide cyanhydrique) mettait environ 20 minutes à tuer les détenus pris au piège de salles hermétiquement closes. Celles de cadavres peu à peu disloqués par le feu jusqu’à devenir des tas de cendres.

A Auschwitz, les exécutions de masse ont duré longtemps. Plus longtemps que dans les autres centres d’extermination comme Belzec, Chelmno, Majdanek, Sobibor ou Treblinka. Les gazages n’ont été interrompus qu’en novembre 1944 lorsque Himmler a donné l’ordre de détruire les Krematorium. Et les derniers mois ont été les plus meurtriers. Entre mars et novembre 1944, plusieurs centaines de milliers de juifs ont péri dans les chambres à gaz de ce qui restera à jamais le plus terrible camp de la mort.


par Valérie  Gas

Article publié le 24/01/2005 Dernière mise à jour le 24/01/2005 à 17:56 TU