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Djibouti

L'embarras de la diplomatie française

Le président français Jacques Chirac et son homologue djiboutien Ismaël Omar Guelleh au sommet de la Francophonie, le 26 novembre 2004.(Photo: AFP)
Le président français Jacques Chirac et son homologue djiboutien Ismaël Omar Guelleh au sommet de la Francophonie, le 26 novembre 2004.
(Photo: AFP)
Une affaire de justice empoisonne les relations entre la France et Djibouti. Les autorités djiboutiennes expulsent des coopérants français et ferment l’émetteur de RFI, sans aucune riposte officielle de la France.

Depuis le 14 janvier dernier l’émetteur de Radio France internationale (RFI) à Djibouti, la capitale, a été fermé. Les responsables de la radio ont lié cet événement à la diffusion d’un reportage sur la mort du juge français Bernard Borrel, retrouvé mort à quelque 80 km de la capitale, le 19 octobre 1995. La thèse du suicide est aujourd’hui battue en brèche et l’enquête s’oriente vers un assassinat du juge français. 

Par ailleurs, l’enquête se focalise de plus en plus sur l’entourage proche du président Ismaël Omar Guelleh. « Le président djiboutien est dans l’œil du cyclone », avait déclaré l’avocat de la famille du juge français, Olivier Morice. La veuve du juge français, Elisabeth Borrel, elle-même magistrat, avait réclamé l’audition d’Ismaël Omar Guelleh, lors de son passage en France en août 2004 à l’occasion de la commémoration du soixantième anniversaire du débarquement de Provence.

Mais les autorités politiques françaises ont dû s’interposer pour rappeler l’immunité diplomatique dont jouit un président de la République en visite en France. La persévérance de la justice française à entendre certaines personnalités djiboutiennes a visiblement agacé le pouvoir de Djibouti qui a pris la décision d’expulser six coopérants français. Paris encaisse le coup sans broncher, pris entre une enquête judiciaire et les intérêts stratégiques français dans le pays et la région.

Djibouti abrite la plus importante base militaire française en Afrique, qui a aussi l’avantage de donner sur la Mer Rouge et le golfe d’Aden pour une ouverture sur l’Océan indien. La base militaire française est forte de 2 700 hommes. La position stratégique de Djibouti intéresse aussi les Etats-Unis pour les différentes opérations qu’ils mènent dans la région. Depuis les attentats du 11 septembre, y ont positionné 1 500 soldats dans cadre de la lutte antiterroriste baptisée « Liberté immuable ». L’Allemagne y a installé également 200 hommes.

Djibouti courtisé, n’hésite pas à brandir l’arme du revirement des alliances pour contraindre la France à abandonner les poursuites contre ses plus hautes autorités. L’embarras est palpable au ministère français des Affaires étrangères. Cécile Pozzo di Borgo, porte-parole adjointe du ministère des Affaires étrangères a multiplié les points de presse pour saluer la collaboration effective des autorités djiboutiennes dans « l’affaire Borrel ». Les documents classés secret-défense, déclassés et versés au dossier de l’affaire ne permettent pas de « conclure à la mise en cause des autorités djiboutiennes. Toute autre déclaration n’est pas conforme à la réalité », a-t-elle insisté. Elle s’est par ailleurs, refusée à commenter les décisions de justice et souligne que « les autorités djiboutiennes, depuis le début, ont coopéré de manière excellente avec la justice française ».

L’appréciation du Syndicat de la magistrature est tout autre. « Les autorités de Djibouti marquent une nouvelle fois leur refus de coopérer à l’éclaircissement des circonstances et des raisons de cette disparition (le juge Bernard Borrel) », déclare le Syndicat de la magistrature qui ajoute que « les réticences ne peuvent qu’accréditer l’idée que l’assassinat de Bernard Borrel a été dicté par la  par la raison d’Etat ». 


par Didier  Samson

Article publié le 26/01/2005 Dernière mise à jour le 28/01/2005 à 11:52 TU