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Elections irakiennes

Le début d'un long processus

Les élections de dimanche ne sont qu'une première étape d'un long processus politique.(Photo : AFP)
Les élections de dimanche ne sont qu'une première étape d'un long processus politique.
(Photo : AFP)
Privés pendant des décennies de leur droit de désigner en toute indépendance leurs représentants, les Irakiens ont été nombreux à se rendre dimanche aux urnes malgré la menace que faisait peser sur le scrutin la rébellion sunnite. Bien qu'imparfaites, de l'aveu même de l'administration américaine, ces élections n'en ont pas moins montré la volonté d'un peuple de prendre en main son destin, sur les plans national comme régional. Les électeurs de toutes les provinces du pays ont en effet voté pour désigner leurs représentants à l'assemblée nationale transitoire mais aussi aux conseils provinciaux. Au Kurdistan, la population, qui jouit d'une large autonomie depuis 1991, a également élu son Parlement régional. Mais ces élections ne sont qu'une première étape d'un long processus politique qui, au mieux, devrait s'achever en décembre 2005 avec la désignation d'un nouvel exécutif issu des urnes.

La tâche qui attend les 275 représentants de l'assemblée nationale transitoire irakienne est loin d'être aisée. Bien avant de s'atteler à la rédaction de la constitution, cette instance aura d'abord pour mission première d'élire son président et ses deux vice-présidents. Mais on ne devrait toutefois pas connaître sa composition définitive avant au moins une dizaine de jours car le boycott du scrutin par les sunnites a sérieusement remis en question sa représentativité et des négociations sont actuellement en cours pour y faire siéger malgré tout des représentants de cette communauté. Une fois ces négociations terminées –mais elles pourraient être plus longues que prévu tant les marchandages entre les différentes formations politiques s'annoncent d'ores et déjà ardus– l'assemblée transitoire devra élire, à la majorité des deux tiers, un Conseil présidentiel composé du chef de l'Etat et de deux vice-présidents. Ce Conseil aura ensuite deux semaines pour choisir à l'unanimité un Premier ministre qui formera alors un gouvernement que les trois membres du conseil devront valider.

Rien ne garantit, cependant, que ce scénario idéal aboutisse. En cas de désaccords au sein du Conseil présidentiel, le chef du gouvernement devra être désigné à la majorité des deux tiers par les membres de l'assemblée nationale transitoire, qui devra, ensuite, investir le gouvernement qui aura été mis sur pied. En cas d'échec, enfin, toute la procédure sera à recommencer, le chef de l'Etat et ses deux vice-présidents devant se résigner à proposer un nouveau candidat au poste de Premier ministre.

Ces différentes procédures devraient prendre plusieurs semaines et se poursuivre au moins jusqu'à la fin du mois de mars, voire au début du mois d'avril. La tâche qui attend le futur Premier ministre désigné sera monumentale dans la mesure où il lui faudra prendre en compte les desiderata de la majorité chiite, qui pendant des décennies a été écartée du pouvoir, ceux de la minorité kurde, qui en tant que deuxième force du pays n'a pas l'intention de renoncer à la moindre parcelle de l'autonomie qu'elle a chèrement acquise, et ceux, enfin, de la minorité sunnite, qui bien que n'ayant pas participer aux élections de dimanche devrait tout de même siéger dans l’assemblée nationale transitoire

Une constitution d’ici le 15 août 

Pendant toute cette période de négociations, le Premier ministre sortant Iyad Allaoui –qui vient de prolonger d'un mois l'état d'urgence qu'il avait décrété en novembre dernier avant l'assaut lancé sur la ville rebelle de Falloujah– continuera à gérer les affaires courantes. Sa priorité, comme celle de son successeur d'ailleurs, sera toujours de lutter contre l'insécurité et tenter d'empêcher que le chaos, qui ne touche actuellement que six provinces sur les dix-huit que compte l'Irak, ne s'étende à tout le pays.

Mais aussi épineuses qu’elles promettent d’être, les négociations qui doivent aboutir à la désignation du nouvel exécutif irakien ne seront sans doute rien au regard de ce qui attend les 275 députés de l’assemblée nationale transitoire au moment de la rédaction de la Constitution. Car bien qu’ayant jusqu’à présent rejeté l’idée de la mise en place en Irak d’une théocratie à l’iranienne, rien ne garantit que la communauté chiite, donnée largement majoritaire dans cette instance, ne fasse pas pression pour que le religieux soit prédominant dans la nouvelle loi fondamentale. Le grand ayatollah Ali Sistani, pourtant opposé à la participation du religieux dans la vie politique –il fait partie de l’école quiétiste qui s’oppose au velayet-e-faqih ardemment défendu par l’ayatollah Rouhollah Khomeyni–, n’avait-il pas empêché au printemps dernier l’adoption de la constitution provisoire parce qu’elle ne faisait pas directement référence à la charia, la loi islamique ?

Les députés irakiens devront également prendre en considération les revendications de la minorité kurde qui se bat depuis la chute du régime de Saddam Hussein pour que soit instauré en Irak un pouvoir fédéral qui leur garantisse une large autonomie. La majorité chiite n’est d’ailleurs pas hostile à ce fédéralisme du moment que l’unité de l’Irak reste préservée tandis que la minorité sunnite estime, elle, qu’un tel pouvoir conduira fatalement à l’éclatement du pays.  Le travail de l’assemblée nationale transitoire, qui doit rendre sa copie d’ici le 15 août, promet donc d’être des plus laborieux. Un référendum pour approuver la nouvelle constitution devra ensuite être organisé avant le 15 octobre.

Pour être entérinée, la nouvelle loi fondamentale devra être approuvée à la majorité des voix à condition qu’elle ne soit pas rejetée par trois des dix-huit provinces irakiennes à une majorité des deux tiers. Dans ce cas des élections générales seront organisées au plus tard le 15 décembre et un nouveau gouvernement mis en place au plus tard le 31 décembre 2005. Mais si cette constitution est rejetée, une nouvelle assemblée devra être élue au plus tard le 15 décembre qui aura pour mission de rédiger une nouvelle loi fondamentale dans l'année qui suit.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 31/01/2005 Dernière mise à jour le 31/01/2005 à 18:11 TU