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France-Sénégal

Jacques Chirac: resserrer les liens

Jacques Chirac recevant Abdoulaye Wade sur le perron de l'Elysée, le 23 juillet 2004.(Photo : AFP)
Jacques Chirac recevant Abdoulaye Wade sur le perron de l'Elysée, le 23 juillet 2004.
(Photo : AFP)
Jaloux de leurs relations «très particulières» avec l’ancienne puissance tutélaire, les Sénégalais estiment néanmoins que la France leur rend mal la politesse. Déjà, en octobre 2003, le chef de l’Etat français alors qu’ils était en visite officielle au Niger et Mali, «n’a pas daigné faire, ne serait-ce qu’une escale, à Dakar», déplorent les Sénégalais. Ils en concluent que la visite de Jacques Chirac, du 2 au 4 février constitue une réparation et participe au réchauffement des relations entre les deux pays.

A la faveur de la visite de Jacques Chirac au Sénégal, nombre de titres sénégalais n’ont pas oublié que les plus hautes autorités françaises n’ont pas assisté aux obsèques, le 28 décembre 2001, de Léopold Sédar Senghor, premier président du Sénégal, académicien et l’un des pères fondateurs du mouvement de la francophonie. Mais «la faute» avait été réparée, quelques mois plus tard, à Paris, lors d’une cérémonie d’hommage rendu par ses pairs académiciens, à laquelle Jacques Chirac avait personnellement assisté. Cette visite officielle du président français, du 2 au 4 février, prend les mêmes airs de faute corrigée. Les Sénégalais avaient mal vécu le voyage (en octobre 2003) , «au Mali voisin» du chef de l’Etat français qui avait «snobé le Sénégal», disent-ils. 

Mais au-delà de ces considérations, ce sont des relations politiques, économiques et culturelles qui existent de longue date entre les deux pays. De nombreuses rencontres politiques saisonnières entre les ministres des Affaires étrangères, de la Défense ou de l’Intérieur tentent de déterminer les axes communs de politique entre les deux pays. L’immigration en France a souvent fait débat entre les autorités des deux pays. Les gouvernements successifs français ont orienté leurs actions sur le concept du co-développement, c’est-à-dire de l’immigration utile, par des aides au retour et à l’investissement des migrants dans leur pays d’origine. Le succès très moyen de ce concept n’a pas ralenti le flux migratoire des Sénégalais vers la France. Et, en août 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur s’était rendu à Dakar pour parler du renforcement de la politique de co-développement, mais également des moyens d’un  contrôle accru des candidats au départ du Sénégal.

Au nom des liens historiques

Les «reconduites à la frontière» des immigrés en situation irrégulière en France vers leur pays d’origine ont toujours été mal vécues par le Sénégal et qui n’a de cesse de rappeler que plus 20 000 Français régulièrement déclarés vivent au Sénégal, et que plusieurs autres milliers y séjournent sans documents consulaires précisément établis. «Oui, mais ce sont en majorité des bi-nationaux », rétorquent les autorités françaises. Ce dialogue de sourds est aussi récupéré par la presse et de nombreux intellectuels qui insistent sur les relations historiques entre les deux pays.

C’est en 1659 qu’un négociant français a établi à Saint-Louis un «fort français» qui rapidement est devenu le principal point d’appui de la pénétration coloniale de la France en Afrique. Toutes les expéditions militaires ou d’exploration et de découverte de l’Afrique de l’ouest sont parties de cette ville portuaire en empruntant les voies fluviales. Cette ville française par excellence, était naturellement devenue la capitale de l’Afrique occidentale française «AOF», de 1895 à 1902. Cette ville prospère au XVIIIe  et au XIXe siècles vit encore aujourd’hui sur les vestiges du passé. Haut lieu de tourisme, elle est appréciée pour son architecture coloniale. Jacques Chirac visitera «ce bout de France» le 3 février. Il franchira le pont Louis-Faidherbe, du nom du gouverneur français du Sénégal de 1854 à 1865. Il passera devant l’Hôtel de la Poste où résidait le pilote français Jean Mermoz. C’est au large du Sénégal que le célèbre pilote français a disparu en 1936. Saint-Louis était la base de l’Aéropostale en direction de l’Amérique latine.
Saint-Louis est aussi la ville des métis, les enfants nés de couples mixtes (père français et mère sénégalaise), comme c’était à la mode au XIXe siècle. On y cultivait et on y cultive encore une certaine manière de vivre «à la française». «On se sent ici un peu comme en France surtout sur l’île qui me rappelle à bien des égards beaucoup de bourgades françaises, comme ma ville natale d’Arcachon», rapporte le journal Walfadjri, citant un commerçant français établi à Saint-Louis. D’une manière générale, l’hôtellerie, la restauration, les garages, la banque, la santé, les échanges commerciaux sont les secteurs d’activité privilégiés par les Français.

Plus de 250 PME (petites et moyennes entreprises) sont dirigées par des Français. Les groupes industriels tels que Bouygues, Total, France Télécom, la Société Générale et la BNP (banque) sont aussi présents au Sénégal. La France est son  premier partenaire économique. Les exportations françaises se chiffrent à plus de 505 millions d’euros contre environ 50 millions d’euros d’importation de produits sénégalais, les deux-tiers des exportations globales du Sénégal. Par ailleurs, la destination du Sénégal est privilégiée par les Français qui quittent la Côte d’Ivoire, mais également par des vacanciers et des retraités qui y élisent de plus en plus domicile.

Les questions qui fâchent

Sur le plan militaire la France dispose à Dakar, depuis un accord de défense signé en 1974, d’une base militaire de près d’un millier de soldats, le 23e bataillon d’infanterie et de marine (Bima). Ce bataillon est également appelé «forces françaises du Cap-vert, FFCV». Son existence s’inscrit dans une logique de tradition militaire entre la France et le Sénégal. Elle correspond à une remise au goût du jour 23e régiment d’infanterie coloniale (RIC). Les dernières rencontres franco-sénégalaises se sont déroulées autour de la célébration du 60e anniversaire du débarquement de Provence. Les Africains et plus particulièrement les Sénégalais avaient regretté le peu de place réservée à l’action des tirailleurs sénégalais dans la mémoire de la libération de la France.

Le 6e régiment de corps avait débarqué en Provence et libéré la ville de Toulon le 23 août 1944. La commémoration de l’événement s’est tenue à Dakar, où Abdoulaye Wade, le président sénégalais, avait invité nombre de ses pairs africains. La France y était représentée par Pierre-André Wiltzer, ambassadeur en mission et haut représentant pour la sécurité et la prévention des conflits. A cette occasion, l’ambassadeur français a également souligné le traitement apporté par le gouvernement français au dossier des pensions de retraite des anciens combattants. Les autorités ont opté pour un principe «d’équité et de parité» donnant à l’ensemble des anciens combattants tous pays confondus, un pouvoir d’achat identique. En effet, les pensions actuellement sont calculées selon les niveaux de vie des pays ou résident les anciens combattants et «80 milliards de francs CFA sont déjà versés à 80 000 ressortissants étrangers répartis sur 23 pays», précise Pierre-André Wiltzer. Ce sujet continue de faire débat entre la France et les Africains qui ne se satisfont pas de ce traitement.          


par Didier  Samson

Article publié le 02/02/2005 Dernière mise à jour le 02/02/2005 à 13:30 TU

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Abdoulaye Wade

Président du Sénégal

«Il n'y a jamais eu de refroidissement entre la France et le Sénégal.»

Christophe Champin

Envoyé spécial permanent de RFI à Dakar

«Pendant un temps, le courant a eu du mal à passer entre Abdoulaye Wade et Jacques Chirac.»