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Irlande du Nord

Un vol suspend le désarmement

Le numéro deux du Sinn Fein, Martin McGuinness a reproché à Londres et à Dublin d'avoir «<EM>opté pour la confrontation</EM>» et de ne pas favoriser les négociations de paix.(Photo : AFP)
Le numéro deux du Sinn Fein, Martin McGuinness a reproché à Londres et à Dublin d'avoir «opté pour la confrontation» et de ne pas favoriser les négociations de paix.
(Photo : AFP)
Désignée responsable du hold-up de la Northern Bank à Belfast commis le 20 décembre dernier, l’Armée républicaine irlandaise n’a cessé depuis de clamer son innocence. Mais ses démentis n’ont jamais pas convaincu les autorités britanniques qui exigent que ce groupe para-militaire mette fin à toute activité criminelle. Un dialogue de sourd qui a abouti mercredi à une nouvelle crise entre les différents parties, l’IRA annonçant le retrait de ses offres de la table des négociations et l’arrêt du démantèlement de son arsenal militaire, une procédure amorcée 2001. D’intenses négociations avaient pourtant permis au processus de paix en Irlande du Nord d’avancer à grands pas ces derniers mois.

Londres et Dublin ont provoqué la colère de l’IRA. «La vraie difficulté est que les deux gouvernements ont opté pour la confrontation. Je pense qu’ils sont engagés dans une politique stérile de chercher un coupable sans prendre en considération les conséquences. Et leur approche a de fait sabordé le travail énorme effectué pour persuader l’IRA de prendre des initiatives sans précédents, l’une d’entre elles étant de démanteler ses armes en quelques semaines». Les propos de Martin McGuinness, numéro deux du Sinn Fein, bras politique de l’IRA, traduisent le courroux des dirigeants de l’organisation paramilitaire catholique qui ont été la cible ces dernières semaines de nombreuses accusations. Les dernières en date avaient été prononcées par le Premier ministre britannique Tony Blair qui a rendu l’IRA responsable de la stagnation des négociations de paix. «L’obstacle à un accord durable en Irlande du Nord est maintenant l’activité paramilitaire continuelle et l’activité criminelle de l’IRA», a estimé mardi Tony Blair.

Pour les autorités britanniques, il est évident que l’IRA se cache derrière le hold-up de la Northern Bank commis le 20 décembre à Belfast. Le butin de ce vol, 38 millions d’euros, en fait le cambriolage de banque le plus important de l’histoire des îles britanniques. Une opération spectaculaire qui a eu lieu au moment même où les différents négociateurs du processus de paix tentaient de résoudre les derniers points sur lesquels achoppaient les discussions, à commencer par la procédure de démantèlement de l’arsenal miliaire de l’IRA. Cette dernière s’est certes dit prête à neutraliser les armes de ses membres. Mais elle refuse d’offrir les gages exigés par les protestants ultra du Parti des Démocrates unionistes (DUP). Leur leader, Ian Paisley, a demandé que ce démantèlement soit photographié, une requête jugée «irréalisable» par l’IRA qui la considère comme un «processus d’humiliation».

Le cambriolage de la Northern Bank a contribué à envenimer encore un peu plus les relations entre les l’IRA et le DUP. S’appuyant sur les conclusions préliminaires de la police nord-irlandaise qui a attribué cette attaque à l’IRA-Provisoire, une des principales factions issue d’une scission au sein de la mouvance républicaine à la fin des années 60, le DUP en a déduit que le Sinn Fein n’était pas prêt à avancer. «Quand nous nous sommes engagés dans les pourparlers, le gouvernement (britannique) nous avait dit que le Sinn Fein/IRA voulait en finir avec son activité paramilitaire et criminelle. Ce n’est clairement pas le cas», avait estimé Ian Paisley au début du mois de janvier.

Le spectre de la violence

Les efforts entrepris depuis pour obtenir la reprise des négociations sont restés vain. Une rencontre entre le Premier ministre irlandais Berthie Ahern et le président du Sinn Fein, Gerry Adams, a certes contribué à réduite légèrement la tension mais n’a pas permis de rétablir un climat de confiance. A l’instar du ministre de la Justice Michael Mc Dowell, le gouvernement irlandais attend de l’IRA un clair renoncement à toute forme de criminalité. «Toutes ces activités, de la contrebande (…) aux cambriolages en passant par l’extorsion de fonds, sont incompatibles avec la politique démocratique, la position du gouvernement sur ce point n’a pas changé», a expliqué Michael Mc Dowell.

Campant sur ses positions, Gerry Adams affirme que la direction du Sinn Fein n’a rien à voir dans ce hold-up historique et n’a donc aucune excuse à présenter à qui que ce soit. Elle attend désormais, au contraire, que la lumière soit faite sur les «accusations fausses et malveillantes» dont elle estime être victime. Une position qui risque de réduire à néant les efforts déployés pour parvenir enfin au démantèlement des armes, un processus amorcé en octobre 2001. Et les négociations de paix pourraient également retomber dans une phase de léthargie. Les intenses pourparlers menés à la fin de l’année dernière avaient débouché sur un projet qui s’inspirait de l’accord de paix dit du Vendredi Saint. Le texte signé en avril 1998 avait permis la création d’institutions semi-autonomes (parlement et gouvernement) au sein desquelles élus protestants et catholiques se partageaient le pouvoir. En octobre 2002, l’assemblée nord-irlandaise était suspendue en raison d’une grave crise de confiance entre les deux parties, Londres exerçant depuis à nouveau sa tutelle sur l’Irlande du Nord.

Ne doutant pas de la responsabilité de l’IRA dans le cambriolage de la Northern Bank, le gouvernement britannique se retrouve dans une situation délicate car il sait qu’aucun espoir de solution n’est possible en l’absence du Sinn Fein autour de la table. Il redoute qu’un blocage prolongé puisse entraîner le retour de la violence aveugle en Irlande du Nord, son éradication étant l’un des principaux succès politique de Tony Blair. Certains responsables nord-irlandais comme Berthie Ahern ont du coup choisi de jouer l’apaisement pour tenter d’éviter une rupture aux effets dévastateurs. «Je ne vois pas vraiment la déclaration de l’IRA d’une façon négative», a-t-il déclaré jeudi. Et il espère bien que les négociations pourront se poursuivre malgré la crispation des dernières semaines. Un désir partagé par tous ceux qui espéraient voilà six semaines qu’une paix durable pourrait enfin être signée en Irlande du Nord.


par Olivier  Bras

Article publié le 03/02/2005 Dernière mise à jour le 03/02/2005 à 17:09 TU