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Nomades au Mali

Andéramboukane : festival au milieu du désert

Un millier de participants pour cette 5e édition du festival.(Photo : Christine Muratet / RFI)
Un millier de participants pour cette 5e édition du festival.
(Photo : Christine Muratet / RFI)
La 5e édition du Festival Tamadacht s’est déroulée fin janvier à Andéramboukane dans le nord du Mali. Un festival culturel et social qui a rassemblé, deux jours durant,  les populations nomades, essentiellement touaregs, de la vaste région de l’Azaouagh.

De notre envoyé spécial à Andéramboukane

«Le tende est une sorte de blues du désert, une musique au chant lancinant et à l’accompagnement simple.»
La 5e édition du festival Tamadacht
Par Frédéric Couteau  [04/02/2005] 3 min 25 sec
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L'épicerie ambulante du festival. La commerçante arrive de Gao.
(Photo : Christine Muratet / RFI)
Il faut en avaler de la poussière avant d’apercevoir à l’horizon la fameuse colline noire d’Andéramboukane. En attendant la construction hypothétique d’une route goudronnée, les 400 kilomètres de piste depuis Gao se parcourent malgré tout à toute allure, en véhicule 4x4, avec des pointes à 80 km/h. Peu à peu, la verdure qui borde le fleuve Niger cède la place à une végétation rase. Ici, le désert n’est plus qu’une étendue plate, parsemée de quelques maigres arbustes, qui s’étend à l’infini.

La «mare» d'Andéramboukane.
(Photo : Christine Muratet / RFI)
Après 6 heures de route, au mieux, la récompense est là. Face à la colline noire, théâtre de violents affrontements au début du siècle entre les troupes coloniales françaises et les tribus touaregs insurgées, se dresse une vaste dune de sable ocre, ultime rempart avant l’immensité désertique des grands ergs du nord. Au pied de cette éminence, se nichent les maisons éparses et ombragées du village d’Andéramboukane, bordé par la « mare », comme l’appellent les habitants, en fait un véritable lac de 25 kilomètres de long.

Des chanteuses traditionnelles touaregs.
(Photo : Christine Muratet / RFI)

Danseurs touaregs durant le festival Tamadacht.
(Photo : Christine Muratet / RFI)
Préserver la culture dans sa diversité

Depuis des siècles, les populations nomades de cette région, aux confins du Mali et du Niger, ont l’habitude de se retrouver chaque année dans ce havre de paix. Communautés touaregs, arabes, peuls bororos, ou encore djermas, du Nord-Mali, mais aussi du Niger ou de l’Algérie, tous sont réunis pour partager un instant de fête,  pour évoquer leurs difficultés, et aussi régler certaines affaires, comme des mariages ou des problèmes de vols de troupeaux.

Le festival : lieu de rencontre des populations nomades, notamment peule et touareg.
(Photo : Christine Muratet / RFI)

Cette rencontre traditionnelle a été remise au goût du jour, il y a 5 ans, par Aroudéni Ag Hamati, le maire de la commune, également l’un des chefs de la tribu touareg des Ioulimiden. L’objectif était de faire revivre le Tamadacht - «échange sur le plan culturel et artistique» en tamachek, la langue touareg - pour aborder les questions cruciales auxquelles sont confrontées depuis ces dernières années les communautés nomades : sécheresse, exode rural, insécurité, scolarisation. Cette renaissance avait pour but également de préserver la culture nomade dans toute sa diversité, en organisant des concerts de musique traditionnelle, des courses de chameaux et d’ânes, ou encore en ressuscitant des sports ancestraux comme la lutte ou le «caré», un jeu de balle qui l’on pousse avec un bâton, une sorte de hockey sur sable. Dernier objectif et non des moindres : s’ouvrir au monde extérieur, en attirant des touristes et d’éventuels partenaires au développement.

La course d'ânes d'Andéramboukane.
(Photo : Christine Muratet / RFI)

Ici, pas d’eau, pas d’électricité, pas de téléphone

Le pari a été gagné au fil des ans, avec l’aide de plusieurs partenaires ; des organisations internationales, comme le Programme

Le maire d'Andéramboukane, Aroudéni Ag Hamati (D), est également l'un des chefs traditionnels de la tribu Ioulimiden.
(Photo : Christine Muratet / RFI)
alimentaire mondial de l’ONU, le tour opérateur Point Afrique ou encore RFI. Pour sa 5e édition, le Tamadacht a réuni plus d’un millier de visiteurs, dont une cinquantaine de touristes amoureux de l’Afrique. L’occasion pour les artisans locaux de réaliser des bénéfices inespérés… Mais l’aspect commercial reste limité. A Andéramboukane, il n’y a pas d’électricité, pas de téléphone, pas d’eau courante. D’ailleurs, attirer les touristes n’est pas du tout la priorité d’Aroudéni Ag Hamati. Pour lui, ce festival reste avant un lieu de rencontre entre communautés et c’est aussi l’occasion de faire parler de l’Azaouagh, région longtemps ignorée par le pouvoir central de Bamako. Une publicité bien nécessaire pour montrer la volonté de dynamisme de cette zone déshéritée.

Dernier exemple en date : la construction de plusieurs écoles avec l’aide d’un groupe automobile allemand. Lorsque cette marque célèbre a décidé de lancer le premier 4x4 de son histoire, elle a consulté les différents chefs traditionnels touaregs et pour cause, elle souhaitait baptiser cette voiture : «Touareg». Aroudéni Ag Hamati a alors proposé au constructeur, en échange de l’utilisation du nom de son peuple, la création d’un fonds de développement. Proposition acceptée. Et les financements sont très vite arrivés.

par Frédéric Couteau

Article publié le 05/02/2005 Dernière mise à jour le 05/02/2005 à 15:01 TU