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Violence des mineurs

La prudence s’impose face aux chiffres

«Sur dix ans on constate plus de faits et de comportements violents. Mais il faut rester d’une prudence de Sioux dans l’analyse des chiffres.», selon le juge Jean-Pierre Rosenczveig, spécialiste de la délinquance juvénile.(Photo: AFP)
«Sur dix ans on constate plus de faits et de comportements violents. Mais il faut rester d’une prudence de Sioux dans l’analyse des chiffres.», selon le juge Jean-Pierre Rosenczveig, spécialiste de la délinquance juvénile.
(Photo: AFP)
Selon un rapport de l’Observatoire national de la délinquance, les chiffres concernant les délits gratuits, crapuleux et sexuels commis par les mineurs explosent: 23 906 mineurs ont été impliqués dans des actes de violence physique en 1996, et 37 042 en 2003, soit une hausse de 54,95%. Le document, constituant l’un des volets d’une étude exhaustive sur l’évolution de la délinquance en France, doit être remis au président de la République en mars prochain. Les chiffres révélés doivent être commentés avec «prudence», estime Jean-Pierre Rosenczveig, juge pour enfants de Bobigny.

Un rapport établi par l’Observatoire national de la délinquance, créé fin 2002 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et confié à la présidence d’Alain Bauer, distingue quatre grandes catégories de violences physiques: les violences crapuleuses, associées à une appropriation, les violences non crapuleuses ou «gratuites», les violences à caractère sexuel, et les «menaces» :

- Les violences gratuites s’avèrent être les plus nombreuses. Le rapport établit une hausse de 63,06%, le nombre de leurs auteurs âgés de moins de 18 ans étant passé dans le même temps de 10 678 à 19 620 (soit + 83,74%).

- Les mineurs sont de plus en plus impliqués dans les violences crapuleuses comme, par exemple, les homicides pour vol. On enregistre une hausse de 38,30% de délits en 2003, soit plus de 10,69% par rapport à 1996. Dans cette catégorie, la proportion de mineurs parmi les auteurs a grimpé de 37,57%.

- En ce qui concerne les violences sexuelles, le nombre de mineurs auteurs de viols a augmenté de 55,12%, et celui des mineurs auteurs d’autres agressions sexuelles de 77,67%. Et, les agressions exercées sur d’autres mineurs sont en augmentation de 116,96%.

- Le nombre d’agressions sous forme de menaces ou de chantage a connu une progression de 57,80%.

Les chiffres doivent être nuancés

En somme, les chiffres rendent compte de constats édifiants: l’étude précise qu’une personne sur cinq impliquée dans une agression depuis 1996 est âgée de moins de 18 ans, et les actes commis par les mineurs a quasiment doublé en sept ans. Ce constat conforte Delphine Batho, secrétaire nationale à la sécurité au Parti socialiste, à penser que: «le gouvernement, qui n’a de cesse de faire croire à une amélioration de la sécurité des Français, semble ainsi rattrapé par les faits». Pourtant, ces chiffres sont tempérés par d’autres: 

-         La proportion de mineurs sur la population totale d’auteurs d’actes violents ne cesse de chuter, passant de 21,99% en 2000 à 18,96% en 2003 (contre 18,40% en 1996).

-         Par ailleurs, note l’OND, l’évolution du nombre de mineurs mis en cause «épouse en partie l’évolution croissante d’actes de violences constatés»: les chiffres globaux s’élevaient à 228 030 en 1996, contre 389 172 en 2003, ce qui statistiquement représente une augmentation générale de 70,67%.

-         Dans la catégorie des violences sexuelles, la proportion des délits effectués par les mineurs a augmenté de 37,57%, alors que le nombre absolu a littéralement explosé, soit + 67,67% entre 1996 et 2003.

-         Quant aux agressions liées à des menaces ou des chantages, leur implication relative a baissé de 8,87%.

-         Les appropriations violentes avec armes blanches ou armes à feu marquent un repli, respectivement de –28% et moins 45%.

«la réponse sociale a changé»

Outre le fait que les statistiques enregistrées attestent d’une réduction des violences émanant des mineurs depuis 2000, leur évolution est donc à mettre en parallèle avec l’augmentation générale des violences. Elles doivent aussi prendre en compte une augmentation de l’enregistrement des faits.

Le juge pour enfants de Bobigny, Jean-Pierre Rosenczveig, spécialiste de la délinquance juvénile le souligne: «D’une année sur l’autre, on ne constate pas franchement d’augmentation (de la violence). C’est même plus calme ces dernières années. En revanche, si on fait une comparaison sur dix ans, alors oui, on constate plus de faits, de comportements violents. Mais il faut rester d’une prudence de Sioux dans l’analyse des chiffres». Par exemple, en ce qui concerne les violences sexuelles,  «on est peut-être face à des faits qui auparavant étaient banalisés dans le champs familial, social, à l ‘école, et qui aujourd’hui ne le sont plus. Ce ne sont pas les faits qui ont changé, mais la réponse sociale».

La société génère globalement de plus en plus de violences. «On ne peut pas nier que le mode de communication de trop de jeunes actuellement est la violence, notamment verbale. Ils parlent comme des mitraillettes, leurs mots sont des mots chocs, agressifs, parfois triviaux. Et quand ce ne sont pas les mots, ce sont les injures, ce sont les coups. C’est vrai qu’auparavant pour voler une mobylette, on attendait la nuit, et on coupait le cadenas. Aujourd’hui on vire celui qui est sur le scooter pour s’en emparer».

Au final, si la croisade poursuivie par le ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin, contre la violence émanant des enfants et des adolescents s’avère incontestablement impérieuse, ces données ne constituent qu’«une base d’un document de travail qu’il convient de compléter par une enquête de victimation en cours d’analyse», a déclaré Alain Bauer au Figaro. D’ici à la fin du mois un rapport exhaustif sera rendu au président de la République. «Epais de plus de 450 pages, il balaiera tous les champs de la sécurité intérieure, passant au crible des thèmes aussi variés que le crime organisé, les violences urbaines ou scolaires, ainsi que l’épineuse question de la sécurité dans les transports». Jean-Pierre Rosenczveig, pour sa part, trouve que «la jeunesse de France est relativement peu violente alors que [selon lui] les conditions de vie dans certains quartiers pourraient déclencher des réactions plus violentes».


par Dominique  Raizon

Article publié le 11/02/2005 Dernière mise à jour le 11/02/2005 à 15:22 TU

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