Togo
Olusegun Obasanjo a reçu Faure Gnassingbé
(Photo : AFP)
S’agirait-il finalement de sauver la face de la diplomatie africaine en général et en particulier de préserver l’image d’un voisin nigérian aux prétentions de gendarme régional ? Une solution extérieure «à l’amiable» paraît en tout cas envisagée en l’absence de quelconque pourparlers entre les auteurs du coup du 6 février et leurs détracteurs togolais. Pour sa part, le président Obasanjo a tenu à présenter la rencontre d’Abuja comme «une réunion de famille dans une situation où il faut se rencontrer pour faire ce qu'il faut, de la façon qu'il faut et quant il le faut». Faire plus sibyllin étant quand même bien difficile, il s’est posé comme «un père, un frère et un leader régional» pour accueillir Faure Gnassingbé au seuil de sa résidence, avant de refermer sa porte sur un huis-clos où il a, dit-il, «vivement conseillé» à ses visiteurs «de revenir en arrière, à la lettre de la Constitution, et, suivant la Constitution d'organiser des élections libres et transparentes». On aura compris au passage qu’Olusegun Obasanjo ne voulait point donner à penser qu’il recevait un pair. C’est d’ailleurs dans une voiture «banalisée», sans drapeaux ni fanfare et encore moins honneurs militaires que Faure Gnassingbé a été conduit de l’aéroport à la présidence nigériane.
Quelle légalité constitutionnelle ?
De son côté, après les «discussions fructueuses», le 16 février à Lomé, entre ses missi dominici et le «nouveau régime», la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) attend toujours que Faure Gnassingbé annonce à ses administrés contraints comment il entend revenir dans la légalité constitutionnelle. Encore faudrait-il s’entendre sur ce que chacun appelle ainsi depuis l’annonce de la mort du général Eyadéma, le 5 février. La Constitution prévoyait en effet qu’en cas de décès du chef de l'Etat, le président de l'Assemblée nationale, Fambaré Natchaba, assure un intérim de 60 jours maximum en attendant la tenue d’une élection présidentielle. Le 6 février, une Assemblée nationale aux ordres, forte de 67 députés présents (sur 81), a déchu Natchaba de la présidence de la Chambre, nommant Faure Gnassingbé à sa place au perchoir et lui confiant un intérim présidentiel rallongé pour courir jusqu’à la fin du mandat de son père, en 2008.
Il est peu probable que Fambaré Natchaba soit restauré dans ses fonctions. Le voudrait-il d’ailleurs, lui qui connaît si bien les arcanes les plus inquiétantes du régime ? Mais encore le serait-il, et quoi qu’il en soit du titulaire à venir de la présidence de l’Assemblée nationale, ce que réclament les mécontents du 6 février, c’est «la démission de Faure Gnassingbé» et, plus largement, une alternance politique qui passe par des urnes fiables. Or, justement, comme viennent de le prouver les récents développements, les garde-fous institutionnels ont été instrumentalisés par leurs tenants, avec des ficelles finalement un peu trop grossières, il est vrai. Mais dans ces conditions, quand les partisans de Faure Gnassingbé annoncent qu’il pourrait consentir à une présidentielle, les Togolais ont toutes les raisons de craindre une fiction électorale, après la fiction constitutionnelle le sacrant «président de la République par intérim» pour de longues années.
Pour sa part, Paris compte sur ses «collègues de la Cedeao pour identifier et définir les modalités d'une sortie de crise», appelant de ses vœux «la tenue d'élections présidentielles et législatives libres et démocratiques dans les délais les plus brefs». Les opposants togolais reprochent à la diplomatie française de ne pas avoir qualifié le coup d’Etat du 6 février pour ce qu’il est et de s’en tenir à des recommandations qui ne l’engagent pas. Un certain ressentiment antifrançais commence en tout cas à s’exprimer au Togo où les plus responsables des dirigeants de l’opposition redoutent surtout que s’allume la mèche ethnique, à partir de l’installation manu militari d’un pouvoir Gnassingbé.
par Monique Mas
Article publié le 17/02/2005 Dernière mise à jour le 17/02/2005 à 18:12 TU