Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Antisémitisme

La polémique autour de Dieudonné prend de l’ampleur

Dieudonné lors de sa conférence de presse le 19 février dernier au Théâtre de la Main-d'Or à Paris.(Photo : AFP)
Dieudonné lors de sa conférence de presse le 19 février dernier au Théâtre de la Main-d'Or à Paris.
(Photo : AFP)
Dieudonné refait scandale. Lors d’une conférence de presse à Alger, l’humoriste français a parlé de «pornographie mémorielle» pour qualifier les commémorations de la Shoah. Dieudonné risque de un à cinq ans de prison et une forte amende. Le ministre français de la Justice, Dominique Perben, demande l’ouverture d’une enquête préliminaire pour «contestation de crimes contre l'humanité». Ces propos ont également fait réagir les associations antiracistes (MRAP, LICRA, SOS-Racisme). Les partis socialiste et communiste appellent au boycott de ses spectacles.

L’humoriste français Dieudonné a-t-il oui ou non associé les mots «Shoah» et «pornographie mémorielle» lors d’une conférence de presse mercredi 16 février à Alger ? Dieudonné le conteste et l’a déclaré dans une conférence de presse, samedi 19 à Paris, au théâtre de la Main-d’Or qui programme sa pièce Mes excuses. L’humoriste a essayé d’expliquer ses propos tenus à Alger, ce qu’il a comparé à de la «pornographie mémorielle» ce n’est pas la Shoah elle-même, c’est le souvenir et les commémorations autour de la Shoah. «Je n'ai jamais associé le drame de la Shoah à une pornographie mémorielle», a répété de nombreuses fois Dieudonné qui se dit victime d’une «manipulation». «Je suis innocent», a-t-il déclaré. Avant d’ajouter: «Je n’ai pas prononcé cette phrase qui est insultante pour la mémoire de la Shoah et qui tombe sous le coup de la loi».

Reste que ces mots de «pornographie mémorielle», Dieudonné les a bien prononcés. S’abritant derrière l’historienne israélienne, Idith Zerthal, qui serait l’auteur de cette expression, Dieudonné a regretté une «différence de traitement dans la mémoire» des crimes de l’humanité, et a demandé : «Pourquoi n’y a-t-il de commémoration aussi importante des 400 ans de l’esclavage ?». Il a dénoncé le vide cinématographique entourant l'esclavage et la traite des Noirs. Selon lui, c'est un vide comparativement à la Shoah, surfilmée ce qui donne lieu, selon ses propos, à une «pornographie mémorielle».

«Monter les communautés les unes contre les autres»

Le matin même, dans un entretien publié le 19 février par le quotidien algérien L’Expression, l’humoriste relançait la polémique : «Nous n’avons pas les mêmes droits que les sionistes. Eux, dans une école, il suffit qu’un petit soit traité de sale juif pour que tout le monde se lève. Pour moi, le sionisme, c’est le sida du judaïsme». Questionné sur ses critiques à l’égard du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) décrit mercredi à Alger comme une «équipe de malfrats», une «mafia qui est en train d’entraîner la République française». Dieudonné a fustigé la «soumission totale des dirigeants et responsables français à la volonté du CRIF» qu’il a qualifié «d’organisation anticonstitutionnelle et sectaire».

Dès vendredi, le ministre français de la justice, Dominique Perben, a demandé l’ouverture d’une enquête préliminaire pour «contestation de crimes contre l'humanité» au sujet des propos de Dieudonné M’Bala M’Bala qui s’est dit prêt à remettre à la justice les enregistrements de la conférence de presse d’Alger. Ces propos ont fait réagir les associations antiracistes (MRAP, LICRA, SOS-Racisme). Le député européen Harlem Désir (PS), ancien président de SOS-Racisme a réagi samedi à ces propos en affirmant qu’«il faut boycotter Dieudonné et ses spectacles comme on a boycotté, hier, l’apartheid et demander à la justice de le condamner sans ménagement». Pour sa part, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) a accusé l’humoriste de vouloir «monter les communautés les unes contre les autres en instrumentalisant la mémoire».

Les hommes politiques ont également fustigé les propos de l’humoriste, les partis socialiste et communiste appellent au boycott des spectacles de Dieudonné. Poursuivi à plusieurs reprises pour des propos jugés antisémites par des détracteurs, l’humoriste a jusqu’à présent été relaxé. Le tribunal correctionnel de Paris lui a reconnu en mai dernier le droit de critiquer la politique du gouvernement d’Ariel Sharon en Israel sans être accusé d’antisémitisme. Quelques jours plus tôt, le tribunal correctionnel d’Avignon l’avait condamné à 5 000 euros d’amende pour des «propos racistes» et des «injures raciales» visant les juifs.


par Myriam  Berber

Article publié le 21/02/2005 Dernière mise à jour le 21/02/2005 à 17:06 TU