Paris 2012
L’épreuve olympique des syndicats
(Photo : AFP)
Le ton de la presse britannique a radicalement changé en l’espace de quarante-huit heures. Lundi, le quotidien The Guardian faisait preuve de beaucoup pessimisme pour la candidature de Londres, qui a reçu la semaine dernière la visite de la commission d’évaluation du Comité international olympique (CIO). Car malgré l’élan né en Angleterre autour de la candidature de Londres, Paris restait, d’après ce journal, le principal favori pour les olympiades d’été de 2012. Chiffres à l’appui, The Guardian donnait même le combat perdu d’avance, Londres ne disposant, selon lui, que de «35 voix» contre «45 à 50» pour Paris parmi les 117 membres du CIO. Mais l’espoir est subitement revenu dans les colonnes de ce quotidien de centre-gauche qui écrivait mercredi que la candidature de Paris se trouvait «affaiblie par le spectre des grèves» qui pourraient, au contraire, «renforcer» celle de Londres».
L’ensemble des médias britanniques n’a pas laissé passer la polémique née au détour d’une déclaration du ministre de l’Education, François Fillon. Il a invité mardi les syndicats à éviter toute cacophonie lors de la venue de la délégation olympique. «Qu'on ne se méprenne pas, le gouvernement n'entend pas utiliser cet argument (...) mais un dialogue entre les organisateurs de la candidature de Paris et les organisations syndicales pour faire en sorte qu'il n'y ait pas d'interférence serait le bienvenu», a déclaré François Fillon sur les ondes de RMC. Et il lançait ainsi un appel du pied aux syndicats en les invitant à différer le mouvement de protestation lancé par les principales centrales syndicales pour protester contre la remise en cause des 35 heures.
Sa demande a été entendue par la CFDT, un syndicat qui ne s’était rallié que du bout des lèvres à la mobilisation générale du 10 mars. Son secrétaire général, François Chérèque, a soutenu le fait que les organisations syndicales s’engagent à ce que les manifestations ne perturbent pas la visite de la commission olympique, et a même émis l’idée de déplacer la date de la manifestation. Mais après une série de discussions qui se sont déroulées mercredi entre les différentes centrales syndicales, un porte-parole de la CFDT a confirmé que la grève aurait bien lieu le 10 mars. «Il n’y avait pas moyen de faire autrement», a explique de son côté René Vallon, secrétaire confédéral de Force Ouvrière. «On ne voit pas pourquoi on perturberait le CIO. On va faire en sorte que tout le monde puisse défiler sans le perturber», a-t-il ajouté.
Le maire de Paris défend la «démocratie sociale»
Les bonnes intentions affichées par les organisations syndicales ne suffit pas à rassurer certains membres du gouvernement qui redoutent que ce mouvement social ne nuise à la candidature de Paris. «Il serait probablement extrêmement néfaste à la candidature française que le CIO puisse se dire que c’est un pays dans lequel des grèves ou des manifestations peuvent porter atteinte à un déroulement normal des Jeux olympiques», a déclaré mercredi la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie. Ardent défenseur Paris 2012, Jean-Claude Killy, qui est membre du CIO, était allé, la veille, encore plus loin en dénonçant le «mauvais coup» porté à la candidature française. «L’un des points faibles de notre dossier, c’est justement la capacité de la France à se mettre en grève facilement, en dégainant plus vite que Lucky Luke», a explique l’ancien champion olympique qui a défendu avec succès par le passé la candidature d’Albertville aux Jeux d’hiver. «Nous sommes dans une compétition qui va se jouer au centième de seconde. Nos quatre adversaires, qui sont redoutables, ne vont pas se gêner pour mettre en exergue ce problème qui figurera dans le rapport final», a-t-il ajouté.
Opposée à Madrid, Londres, New-York et Moscou, la ville de Paris doit effectivement s’efforcer de rendre une copie parfaite à l’occasion de la visite que réalisera entre le 9 et le 12 mars la délégation olympique emmenée par la Marocaine Nawal El Moutawakel. Battue en 1992 et 2008, la capitale française espère enfin décrocher ses Jeux aux retombées économiques mirifiques, la création de plusieurs dizaines de milliers d’emplois étant notamment attendue. Et son édile, Bertrand Delanoë, a tenu à rappeler que la décision du CIO s’appuyait avant tout sur des critères techniques et financiers. Réagissant rapidement à la polémique née du télescopage des deux calendriers, il a convoqué mardi une conférence de presse au cours de laquelle il a expliqué que la «démocratie sociale» ne pouvait pas s’arrêter à cause des Jeux. Il a insisté sur le consensus qui existe derrière la candidature de Paris et s’est dit persuadé de la volonté des syndicats de ne pas gêner le déroulement de cette mission.
Les semaines à venir laissent en tout cas augurer d’une bataille acharnée entre les cinq villes candidates, le CIO devant désigner le 6 juillet celle qui accueillera les Jeux dans sept ans. Et de part et d’autre de la Manche, les attaques directes, ou indirectes, ne devraient cesser d’augmenter. Ainsi, tandis que différents médias britanniques prédisent un véritable «chaos» en France le 10 mars, d’autres ne se privent pas, dans l’hexagone, de souligner l’état de délabrement du métro londonien ou diverses faiblesses du dossier de la capitale anglaise, considérée comme la principale rivale de Paris. Et la reine Elizabeth II en personne est accusée de participer à cette campagne de désinformation. La presse britannique a en effet rapporté qu’elle avait récemment pronostiqué la victoire de Paris. Des propos interprétés par certains comme une manœuvre destinée à «endormir» les membres du Comité Paris 2012 en leur laissant croire que les Jeux sont déjà faits.
par Olivier Bras
Article publié le 23/02/2005 Dernière mise à jour le 23/02/2005 à 17:23 TU