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Fespaco 2005

L’Afrique et les nouvelles images vidéo

En Afrique, les cinématographies nationales ont toujours une part de marché mineure (moins de 10 %) tandis que l’ogre américain se taille la part du lion. Quelques pays, néanmoins, ont réussi à tracer des pistes intéressantes…

Contre Hollywood ? Alors, tout contre, aurait grincé le vieux Guitry… En Afrique, l’usine à rêves américaine tient, sinon le haut du pavé, du moins celui de l’affiche : nul ne doute que les stars les plus connues du Continent se nomment Schwarzenegger et Sharon Stone plutôt que Rasmané Ouedraogo et Hanny Tchelley… Le « doyen » Sembène Ousmane n’a qu’une dizaine de longs métrages à son actif et l’on rêve que le grand Souleymane Cissé puisse enfin mettre ses projets à exécution : depuis Waati, en 1994, il n’a plus rien tourné.

Le cinéma africain est-il en crise ? Sa photo, sur la carte cinématographique mondiale, est en tout cas singulièrement brouillée. Les guichets du Nord, qui, depuis sa naissance, assurent sa survie, sont débordés, défaillants, de plus en plus réticents à donner l’accord dont, souvent, dépend le premier tour de caméra. Quant aux États africains, leur seule constante est le non-interventionnisme : pléthore de dispositifs d’intervention, souvent hérités de la colonisation, presque tous obsolètes. Ainsi, les fonds d’aide à la production, normalement alimentés (suivant le modèle français) par l’État et une taxe sur les entrées en salles. Sachant que le taux moyen de taxation est prohibitif (de l’ordre de 35 %), la fraude sur les recettes est monnaie courante. Résultat, les fonds de soutien ne fonctionnent plus qu’en Tunisie et au Burkina, qui disposent d’une billetterie relativement fiable.

L’espoir numérique

Exception aussi, le Maroc, où le fonds de soutien est alimenté par une taxe de 5 % sur les recettes publicitaires des chaînes, qui vient s’ajouter à la taxe sur les billets et à l’aide de l’Etat. Aujourd’hui, avec une douzaine de longs-métrages soutenus par un fonds d’aide public, le royaume chérifien apparaît comme le pôle le plus dynamique du Maghreb, voire de l’Afrique tout entière. Surtout, à l’inverse de la plupart des cinématographies du continent, ses productions nationales bénéficient de véritables sorties en salles.

Ailleurs, c’est vers le numérique que se tournent les cinéastes. Au Burkina, le ministère de la Culture vient de mettre sur pied un programme spécial destiné à encourager la production de fictions vidéo, lorsque celles-ci ont déjà obtenu l’assurance d’une sortie en salles. Initiateur et coordinateur du projet, Idrissa Ouedraogo, à qui l’État vient par ailleurs de confier la gestion des salles publiques. « Idrissa a compris que faire venir des films en 35 mm coûte très cher, alors que des films comme Traque à Ouaga ont un joli potentiel commercial... Pourquoi s’obstiner à faire perdurer des schémas obsolètes ? » note le producteur burkinabè Toussaint Tiendrébeogo.

Pas de budget pellicule, une équipe réduite, une rapidité de tournage sans égale : le numérique et les énormes économies qu’il permet constituaient déjà un sérieux incitatif, la déferlante de la vidéo nigériane a fait le reste. C’est au début des années 2000 que les tournages en vidéo ont commencé à se généraliser : Paris selon Moussa (2002), du Guinéen Cheikh Doukouré, L’Afrance, d’Alain Gomis, Paris: XY, de Zeka Laplaine, Siraba, premier long métrage d’Issa Traoré de Brahima, Roues libres, de Sidiki Babaka. En Tunisie, Nadia El Fani tourne en HD (haute définition) Bedwin Hacker, fiction sur la traque d’une pirate des ondes satellites : « Pour un sujet sur la virtualité, c’était intéressant de travailler avec le numérique. Il y avait des images composites qu’il fallait importer en vidéo. J’ai même filmé un écran de télé où on a fait du zapping. Et tout ça finit en 35 mm… » Car, in fine, la pellicule récupère souvent ses droits pour que le film puisse circuler dans les circuits de distribution habituels : salles et festivals…


par Elisabeth  Lequeret

Article publié le 23/02/2005 Dernière mise à jour le 24/02/2005 à 11:36 TU