Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Fespaco 2005

L’exception nigériane

Plus de 650 films sortis légalement chaque année : le Nigeria, colosse démographique du Continent (120 millions d’habitants), est-il en passe de devenir le géant africain des images ?

Tournés en vidéo dans les principales langues du pays – ibo, yorouba, haoussa et, le cas échéant, en pidgin –, ces films connaissent un succès populaire foudroyant dans le pays, et, au-delà, dans les Etats voisins (Cameroun, Togo, Bénin, où une salle spéciale, à Cotonou, leur est réservée) et parmi la diaspora nigériane vivant aux Etats-Unis (3 millions de personnes). Produits en des temps records (une semaine, deux au plus), dans des conditions techniques on ne peut plus précaires par des « cinéastes » qui pour la plupart n’avait jamais vu une caméra avant leur premier film, ils s’inscrivent dans un terreau culturel spécifiquement nigérian (celui du théâtre de rue yorouba) métissé d’influences diverses (telenovetas, brésiliennes, films d’horreur indonésiens...).

C’est au début des années 1990, en pleine dictature militaire, que la home video nigériane prend son essor. L’insécurité qui règne dans le pays vide les salles de cinéma et galvanise les ventes de magnétoscopes (45 millions). En 1992, Living in Bondage (une histoire de pacte avec le diable) est le premier d’une longue série de films d’horreur qui trouvent le plus souvent leur inspiration dans les « faits divers » relatés par la presse populaire (enfants transformés en chiens ou en légumes, envoûtements, sacrifices humains, pratiques vaudous et animistes...). L’économie de la home video est aussi éloignée qu’on peut l’être du système qui prévaut en Afrique francophone (très dépendant des financements institutionnels). Elle repose sur les épaules de producteurs privés (les « marketers ») qui font aussi office de distributeurs et se chargent de diffuser les cassettes via le très dynamique réseau des commerçants ibo. Dans le même temps, la production de films celluloïd a quasiment disparu. Faute d’argent, faute de salles (une seule salle de projection en 35 mm à Lagos, capitale économique du pays : les autres ont fermé, ont été transformées en églises, etc.), les rares cinéastes ont baissé les bras ou travaillent dans des conditions infiniment précaires. Aux yeux des producteurs nigérians, ils passent pour des marginaux.


par Elisabeth  Lequeret

Article publié le 23/02/2005 Dernière mise à jour le 24/02/2005 à 11:37 TU