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Asie centrale

Les dirigeants craignent des «révolutions organisées de l’extérieur»

Le président kirghize Askar Akayev multiplie mises en garde et actions préventives.(Photo: AFP)
Le président kirghize Askar Akayev multiplie mises en garde et actions préventives.
(Photo: AFP)
Alors que les ex-républiques soviétiques d’Asie centrale entament deux années électorales, leurs dirigeants dénoncent les révolutions qui pourraient être fomentées «de l’extérieur» pour les renverser à cette occasion. À l’instar de celles de Georgie, en 2003, et d’Ukraine, en décembre dernier.
De notre envoyé spécial en Asie centrale

Pas une semaine ne se passe sans qu’un chef d’État d’Asie centrale ne dénonce les risques de «révolution de velours» dans sa république. Les exemples géorgiens et ukrainiens sont dans toutes les têtes. Une véritable obsession. Surtout au Kazakhstan, en Ouzbékistan et au Kirghizstan. Dans ce dernier pays de cinq millions d’habitants, les élections législatives du 27 février sont jugées de première importance. À cause de cette «menace», c’est tout le Kirghizistan qui vit à l’heure révolutionnaire. Les journaux spéculent sur la couleur que prendra ladite révolution, en référence à celle, orange, qui a secoué l’Ukraine en novembre-décembre dernier. À moins qu’elle ne porte le nom d’une fleur, les tulipes dit-on, comme celle «des roses» en Géorgie en novembre 2003.

C’est surtout le président Askar Akaïev qui, depuis qu’Edouard Chevardnadzé a été contraint à la démission, multiplie mises en garde et actions préventives. Le leader kirghize prétend écrire un livre où il analyse «la technologie de la révolution des roses géorgienne». La chose est plausible tant il semble avoir saisi, plus finement que ses homologues de la région, le fonctionnement desdites révolutions.

Askar Akaïev, qui fut au milieu des années 90 considéré comme un exemple de président démocrate en Asie centrale, rappelle notamment que les cas géorgien et ukrainien n’ont été possibles que parce que les «bases de la démocratie» y existaient, comme au Kirghizstan. «Je suis sûr qu’elles [ce qu’il appelle les «technologies»] ne marcheront pas au Turkménistan.» Saparmurat Niazov, président à vie d’un pays qui compte parmi les plus dictatoriaux et fermes du monde, peut dormir tranquille.

Le chef d’État kirghize a certainement raison. Ces «révolutions», aussi encouragées soient-elles par des organisations non gouvernementales (ONG) souvent américaines, comme le National Democratic Institute (NDI) ou la Freedom House, supposent un réel mécontentement social, l’existence d’un minimum de société civile, un pouvoir prêt à se plier au moins partiellement aux exigences internationales en termes d’élections, une opposition qui n’a pas été réduite à néant etc. La théorie du complot pur et simple ne tient pas.

On comprend donc d’autant moins la peur d’un Islam Karimov, président de l’Ouzbékistan. Toute opposition et presse libre ont été supprimées dans le pays. Plusieurs ONG étrangères, déjà rares, ont dû mettre la clef sous la porte. À commencer par l’Open Society Institute du milliardaire américain George Soros, en avril 2004. Une décision manifestement prise après la «Révolution des roses» ou la fondation Soros avait joue un grand rôle. Elle a eu récemment des soucis similaires, n’allant pas jusqu’a la fermeture, au Kazakhstan et au Tadjikistan. Comme la plupart des autres républiques centre-asiatiques, l’Ouzbékistan a durci les conditions d’enregistrement des ONG.

Resserrement des liens avec la Russie

À l’approche de nouvelles échéances électorales, notamment des présidentielles, cet automne et en 2006, les dirigeants de la zone donnent un tour de plus en plus anti-démocratique à leur mandat. Interdiction de partis politiques, manoeuvres visant à les diviser comme au Kazakhstan ce mois-ci, voire emprisonnement d’opposants politiques. Mainmise accrue sur les médias, soit par fermeture, soit par prise de contrôle financière. Restriction du droit de manifester.

Sur la scène internationale, ces craintes conduisent les dirigeants d’Asie centrale à resserrer leurs liens avec la Russie. Moscou étant soucieuse d’arrêter l’hémorragie et de perdre de l’influence dans son «étranger proche». Depuis une bonne année, les organisations qu’elle promeut et qui regroupent des pays de la région fonctionnent réellement. Citons l’Organisation de coopération de Shanghai (dont fait partie la Chine), la Communauté des États indépendants ou l’Organisation du traité de sécurité collective.

De leur côté, les Etats-Unis perdent du terrain, gagné en 2001 lors de l’intervention en Afghanistan. Ce mois-ci, le Kirghizistan a, par exemple, répondu par la négative à une requête de Washington de pouvoir poser des avions espions Awacs sur la base de Manas, occupée par l'armée américaine depuis 2001, à 25 km de Bichkek, la capitale.

 «Je me demande si l’Occident ne va pas trop vite avec ces pays, explique Boris Petric, chercheur au CNRS et spécialiste de l’Asie centrale, on leur demande de changer du tout au tout en quelques années. La présence d’un très grand nombre d’ONG étrangères sur leur sol pourraient être ressenties comme une ingérence et finir par susciter un rejet total

par Régis  Genté

Article publié le 25/02/2005 Dernière mise à jour le 22/03/2005 à 11:27 TU