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Togo

Faure Gnassingbé, président par intérim ou candidat

Six partis politiques togolais demandent des «<i>accords politiques avant des présidentielles ouvertes à tout le monde.</i>»(Photo: AFP)
Six partis politiques togolais demandent des «accords politiques avant des présidentielles ouvertes à tout le monde.»
(Photo: AFP)
Le Conseil de paix et sécurité de l'Union africaine (UA) reprend à son compte les sanctions décidées le 19 février par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao). Il demande au Conseil de sécurité de l'Onu de soutenir ce train de mesures qui comporte la suspension du Togo des deux organisations africaines, l'interdiction de voyager pour les dirigeants togolais, le rappel des ambassadeurs en poste à Lomé et un embargo sur les armes. Face aux pressions internationales, Faure Gnassingbé avait annoncé le 18 février qu'il allait organiser une élection présidentielle d'ici 60 jours, tout en gardant la présidence par intérim. Le 24 février, l’Union européenne a demandé sa démission immédiate et déclaré nul et non avenu tout scrutin qui se tiendrait sous son contrôle. Le président de l’Assemblée nationale déchu, Fambaré Natchaba propose de reprendre sa place tandis que le parti au pouvoir soutient la candidature de Faure Gnassingbé à la magistrature suprême.

«Le président autoproclamé n'a qu'à me rétablir dans mes fonctions de président de l'Assemblée nationale», expliquait vendredi Fambaré Natchaba, dans les colonnes de l'hebdomadaire togolais Crocodile. «Je veillerai à ce que les élections présidentielles se fassent dans la transparence où tous les partis pourront se présenter», promettait-il au moment même ou son parti, l’ancien parti unique qui continue de monopoliser l’Assemblée nationale, le Rassemblement du peuple togolais (RPT) s’affichait en congrès pour appeler Faure Gnassingbé a être son candidat à la présidentielle qu’il a finalement jugé utile de porter sur son agenda, aux alentours d’avril. Bien évidemment, Fambaré Natchaba ne se risquera pas à jouer les trouble-fête. Il promet, s’il en était besoin, qu’il ne sera pas lui-même candidat à la magistrature suprême.

En reprenant du service comme président de l'Assemblée nationale, Fambaré Natchaba pourrait en effet tirer une épine du pied de Faure Gnassingbé qui l’avait destitué le 6 février pour prendre sa place dans un intérim présidentiel de très longue durée. Sa proposition tombe en tout cas au moment où d’Amérique, d’Europe et d’Afrique, opprobre, exclusion et menaces de sanctions personnalisées se conjuguent pour exiger un retour à l’ordre constitutionnel, c’est-à-dire, ni plus ni moins la démission de Faure Gnassingbé. Pour éviter de revenir à la case départ, ou au moins pour faire semblant d’y revenir en garantissant ses arrières, face à un scrutin qu’il avait jugé incertain le 5 février, à la mort de son père, Faure Gnassingbé est allé chercher conseils et soutiens hors de la Cedeao qui le traite en putschiste. Juste avant la réunion du Conseil de paix et sécurité de l'UA, jeudi, il s’est rendu au Gabon et en Libye, tablant et sur les visions très personnelles du pouvoir des présidents Bongo et Kadhafi. En les quittant, le Togolais avait annoncé qu’il allait prendre «des mesures importantes à partir de vendredi» dans le sens d’une normalisation politique conforme à la Constitution.

Guerre d’usure

Finalement, comme l’a annoncé vendredi le commissaire à la paix et sécurité de l'UA, Saïd Djinnit, à Addis-Abéba, «le Conseil a soutenu et avalisé les sanctions prises par la Cedeao et a demandé à tous ses Etats membres d'appliquer scrupuleusement ces sanctions». Il a en particulier «confirmé la suspension des autorités de fait du Togo de toutes les activités de l'Union africaine jusqu'au retour de l'ordre constitutionnel». Désormais, les «autorités de fait» sont donc au ban des Nations africaines, mais aussi européennes et bien au-delà, puisque même Washington a dit toute sa réprobation la semaine dernière. Le retour à l’Etat de droit passe par la démission de Faure Gnassingbé, comme l’a clairement dit Alpha Konare, au nom de l’Afrique tout entière, même si nombre de ses dirigeants ricanent sans doute en sourdine des difficultés du fils à s’imposer dans les chausses de son putschiste de père. Les mêmes ont tenté d’infléchir le Conseil de paix de l’UA en suggérant «qu'une fois que l'UA aura sanctionné le Togo, il sera plus difficile pour Faure Gnassingbé de faire marche arrière et de se retirer. Nous avons toujours essayé de régler les problèmes de manière consensuelle. Nous gagnerions à essayer de négocier un départ de Faure par un dialogue politique».

Ceux qui connaissent le genre de musique militaire en vogue à Lomé savent d’expérience qu’elle annonce une guerre d’usure. Face aux pressions internationales, Faure Gnassingbé a cru pouvoir en quelque sorte incarner le retour à la légalité constitutionnelle, en tant que président par intérim bientôt légitimé par une élection sous sa haute surveillance. Il prétend d’ailleurs avoir déjà restauré cette légalité en renonçant à poursuivre sans autres formalités le mandat de son père qui courait jusqu’en 2008. Pour autant, Faure Gnassingbé risque de ne pas être quitte des sanctions africaines et européennes en se contentant d’accélérer le pas vers un scrutin présidentiel pour lequel son parti au pouvoir vient de le sacrer candidat. La ficelle politique paraît en effet un peu grosse après sa mainmise militaro-parlementaire sur le fauteuil présidentiel, à titre intérimaire, en attendant une consécration électorale dans un scrutin organisé à ses conditions, ou même le cas échéant sous l’œil de son serviteur malmené, Fambaré Natchaba.

Président par intérim auto-investi, ou plus modestement postulant à la magistrature suprême, Faure Gnassingbé n’est pas encore parvenu au bout de ses peines. Il est vrai qu’après les tours de passe-passe précédents, personne n’est tenu de le croire sur parole. Mais nul non plus n’a de bonnes raisons de faire confiance aux urnes qu’il veut maintenant faire parler. C’est le cas de l’un des principaux trésoriers du Togo, l’Union européenne qui «ne reconnaîtra la validité d'aucune élection organisée sous l'autorité d'un président illégitime issu d'un coup d'Etat militaire», comme l’indique la résolution adoptée le 24 février par les parlementaires des 25 qui demandent aussi la «démission immédiate» de Faure Gnassingbé. Pour leur part, six partis politiques de l'opposition togolaise réclament désormais «des accords politiques avant des élections présidentielles ouvertes à tout le monde». Ils ne veulent pas d’élection organisée sur la base de la Constitution en cours, mais un scrutin fondé sur un consensus autour des quelque 22 engagements pris par le gouvernement togolais, le 14 avril 2004, devant l’UE en échange de la reprise de la coopération européenne. Bref sous quelque angle qu’on le regarde, le retour à «l’ordre constitutionnel» ne règle pas tout. Les enchères montent.


par Monique  Mas

Article publié le 25/02/2005 Dernière mise à jour le 25/02/2005 à 18:44 TU

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Alpha Oumar Konaré

Président de la Commission de l'Union africaine

«Cet acte du 5 février [au Togo] est un acte irresponsable. C’est un coup- d’Etat.»

Akyere Orimissan

Sociologue nigérian

«Je ne pense pas que le Nigeria puisse intervenir au Togo, puisque le Nigeria a toujours eu une certaine méfiance à intervenir dans les pays francophones en Afrique.»