Algérie
Code de la famille: la version pragmatique de Bouteflika
(Photo: AFP)
De notre correspondant à Alger, Belkacem Kolli
La nouvelle mouture du code de la famille maintient l’obligation du tuteur légal pour le mariage de la femme. Le microcosme associatif qui a toujours milité contre cette disposition est très déçu. Et cela, d’autant plus que la commission nationale qui a planché, depuis octobre 2003, sur la révision de ce texte avait proposé sa suppression, endossée ensuite par le Conseil du gouvernement. Cela avait provoqué la réprobation des courants islamistes et traditionalistes. En conseil des ministres, le président Bouteflika a tenu compte de leurs critiques et a rectifié le tir. Sachant que le tuteur légal, le wali, qui intervient dans le mariage de la femme, est très enraciné socialement, il a arbitré en faveur de son maintien. Au sein de l’opinion, le projet initial de suppression du wali avait été mal perçu, celle-ci ne comprenant pas pourquoi le gouvernement tenait à ce que le père, le frère ou un proche parent soit écarté lors de la conclusion du mariage.
Wali, polygamie et garde des enfants
En règle générale, avant d’aller devant le maire, il est d’usage dans les mariages de procéder au rituel de la lecture de la Fatiha (verset du Coran) en présence des wali des deux époux et de deux témoins, pour exprimer le consentement mutuel. Dans la société algérienne, au delà de l’union d’un homme et d’une femme, le mariage est également perçu et conçu comme l’union de deux familles. Socialement, le groupe prime sur l’individu. La tendance qui voudrait faire prévaloir l’inverse est largement minoritaire. Pour autant, les cas de mariage imposé à la femme sont de moins en moins fréquents.
La nouvelle mouture du code de la famille retient la polygamie. Mais celle-ci est assortie d’une double condition. Désormais, le consentement de la première épouse est requis. Le juge vérifie la réalité de ce consentement et effectue une enquête sur les capacités matérielles du mari à «assurer l’équité et les conditions nécessaires à la vie conjugale». Sur environ quatre millions d’adultes, à peine 1% sont polygames. Il s’agit souvent de personnes fortunées et de quelques dignitaires du régime. En réalité, le seul progrès notable à attendre des amendements adoptés concerne les femmes divorcées et leurs enfants qui jusqu’à présent se retrouvaient souvent à la rue.
L’ordonnance Bouteflika met l’époux dans l’obligation d’assurer, en cas de divorce, le logement à ses enfants mineurs dont la garde est confiée à la mère. A l’avenir devrait donc s’effacer le spectacle affligeant des femmes et des enfants, sans domicile fixe où passer la nuit et dormant dans les artères principales des grandes villes. Abdelaziz Bouteflika s’est également voulu pragmatique concernant la question de la garde des enfants mineurs. En cas de divorce, la priorité est maintenant accordée à la mère, alors qu’auparavant elle revenait automatiquement au père. Un autre petit changement a été introduit au sujet de l’âge du mariage qui consacre l’égalité des deux sexes en étant désormais fixé à 19 ans pour tous contre 21 ans pour l’homme et 18 ans pour la femme dans le code de 1984.
Cette évolution à petit pas a été généralement bien accueillie. Certaines associations féminines comme le Rassemblement des femmes démocrates (Rafd, proche du parti Ettahadi) ont toutefois dénoncé le maintien du statut de mineure de la femme, mais la plupart ont été surtout satisfaites du renforcement de la protection de la femme en cas de divorce. Sur la scène politique, les plus satisfaits sont les islamistes. Le président du Mouvement de la société pour la paix (ex-Hamas), Aboujorra Soltani, a répondu à ceux qui dénonçaient un lifting du code de la famille en lançant : «C’est un code pour la famille et non un code pour la femme».
par Belkacem Kolli
Article publié le 26/02/2005 Dernière mise à jour le 26/02/2005 à 10:53 TU