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Togo-Burkina Faso

Au nom de la Realpolitik

Même si Faure Gnassingbé (G) venait d’annoncer la veille sa démission de la présidence de la République du Togo, lors de sa visite au Burkina Faso il a été reçu et traité par Blaise Compaoré (D) comme un chef d’État.(Photo : AFP)
Même si Faure Gnassingbé (G) venait d’annoncer la veille sa démission de la présidence de la République du Togo, lors de sa visite au Burkina Faso il a été reçu et traité par Blaise Compaoré (D) comme un chef d’État.
(Photo : AFP)
En visite de 24 heures au Burkina le 27 février dernier, Faure Gnassingbé a été traité comme un chef d’État. Blaise Compaoré confirme ainsi son soutien à celui que la CEDEAO et l’Union africaine considère comme un putschiste. Sans doute pour des raisons stratégiques, Ouagadougou a vite choisi son camp.
De notre correspondant à Ouagadougou

Il ne manquait que le tapis rouge et l’hymne national à l’aéroport pour compléter le tableau d’une visite présidentielle. À Ouagadougou, Faure Gnassingbé a eu presque tous les égards de la part du protocole burkinabé : motards, sirènes, longues files de voitures. Tout le monde était aux petits soins, à commencer par Blaise Compaoré. Il a donné l’accolade à son hôte. Et après un entretien dans ses bureaux, il l’a invité dans sa voiture pour aller déjeuner. Au palais présidentiel, les deux hommes ont pris leur repas ensemble à deux sur la même table à l’écart des autres membres de la délégation togolaise et des trois ministres burkinabés présents.

Même si Faure Gnassingbé venait d’annoncer la veille sa démission de la présidence de la République, cette visite au Burkina a pris un caractère des plus officiels. C’est en effet le ministre des Affaires étrangères Youssouf Ouédraogo qui l’a accueilli à son arrivée et l’a raccompagné à l’aéroport. Il avait à ses côtés son collègue de la défense, Yéro Boly. « C’est le dispositif d’accueil d’un invité de marque », a expliqué Youssouf Ouédraogo à la presse. « J’ai été reçu en tant que principal acteur de la transition qui s’est joué jusqu’à maintenant », a précisé de son côté Faure Gnassingbé qui s’est montré très sûr de lui et bien à l’aise devant les journalistes. De toutes les façons, l’ambiance était très détendue entre Togolais et Burkinabés.

Certes, selon certaines indiscrétions, Blaise Compaoré aurait donné à son jeune hôte d’engager le dialogue avec l’opposition. Mais face au refus de ce dernier, le président burkinabé n’aurait pas insisté. Bien au contraire, il a assuré le fils d’Eyadéma de son soutien pour la suite du processus de transition. D’ailleurs, depuis le 5 février – début de la crise togolaise – le Burkina s’est rangé dans le camp des modérés. « Il ne faut pas être ingrat dans la vie… Il était normal que je vienne remercier le président Compaoré… Je suis venu en voisin pour [lui] expliquer la situation et [le] remercier  pour la sympathie et la compassion qu’il nous a témoigné à la suite de la disparition du président Eyadéma », a déclaré Faure Gnassingbé.

Jouer la bonne carte

Il n’est pas exagéré de dire que c’est de nouveau la lune de miel entre le Burkina et le Togo après les brouilles de ces dernières années entre Compaoré et Eyadéma. Chacun accusait l’autre de vouloir le déstabiliser. Aujourd’hui, pour toutes les deux parties, l’occasion semble belle de tourner la page. D’un côté, le gouvernement togolais qui est à la recherche de la moindre reconnaissance. De l’autre, le Burkina qui veut saisir toutes les chances de rapprochement avec Lomé. Surtout que depuis le déclenchement de la crise en Côte d’Ivoire  –19 septembre 2002 – , le Togo est devenu le principal débouché maritime pour les importations et exportations burkinabé. Loin devant le Bénin et le Ghana. Lomé est en effet le principal port par où est évacué vers l’extérieur le coton du Burkina. L’année dernière, seulement 10 % de la fibre burkinabée est passé par le port d’Abidjan.

Tout comme le Ghana qui craint pour un afflux massif de réfugiés en cas dégradation de la situation à Lomé, le Burkina est aussi préoccupé par les répercussions de la crise sur ses échanges. D’autant plus qu’au delà de produits stratégiques tels que le coton et le ciment, il existe un petit commerce florissant entre le port de Lomé et le Burkina. « Une fermeture de la frontière togolaise ou une paralysie du port de Lomé nous ramènerait vers le corridor ivoirien avec ce que cela comporte comme risques et incertitudes », confie un responsable d’une société cotonnière.

Pour toutes ces raisons, Blaise Compaoré semble avoir opté face aux principes invoqués par la CEDEAO et l’Union africaine pour le parti des intérêts de son pays. Il sait malgré sa démission de la présidence Faure Gnassingbé reste l’homme fort à Lomé, le maître de la situation. Ce n’est donc pas un simple chef de parti ou simple candidat d’un parti qui s’est déplacé dimanche dernier à Ouagadougou. D’ailleurs, la longue suite de personnalités du régime composée de militaires et des proches civils du père Eyadéma qui accompagnait Faure dans cette visite explique tout. Pour Compoaré les calculs sont donc suffisamment clairs pour jouer dès à présent la bonne carte.


par Alpha  Barry

Article publié le 01/03/2005 Dernière mise à jour le 01/03/2005 à 11:10 TU