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Indonésie

Les humanitaires s’organisent à Aceh

Les colis sont distribués à la population par des ONG qui ont un « savoir-faire » logistique. C’est le cas d’Action contre la faim dans la zone de Calang.(Photo : Manu Pochez/RFI)
Les colis sont distribués à la population par des ONG qui ont un « savoir-faire » logistique. C’est le cas d’Action contre la faim dans la zone de Calang.
(Photo : Manu Pochez/RFI)
Plus de 250 organisations sont impliquées dans les opérations humanitaires qui se déroulent à Aceh, la région la plus dévastée par le tsunami du 26 décembre. La coordination entre ces différents acteurs n’est pas simple à mettre en œuvre.
De notre envoyé spécial à Aceh

Les besoins en aide alimentaire restent très importants à Aceh. Le Programme alimentaire mondial (PAM) affirme qu’environ 800 000 personnes en dépendront dans les douze prochains mois, le temps de réhabiliter une partie des zones agricoles côtières et des ports de pêches dévastés par le tsunami du 26 décembre. Le PAM est le principal opérateur. Il achète les denrées en se fournissant principalement sur le marché indonésien. À Krung Sabe, sur la côte Ouest, seul le poisson conditionné était « étranger » lors de la distribution des rations mensuelles effectuée à la mi-février. Mais il était « halal » puisqu’il venait du Bangladesh, un pays musulman. « À moyen terme, notre objectif est de nous approvisionner uniquement sur le marché d’Aceh », affirme Burhanuddin Yasin, un recruté local du PAM. « La province était auto suffisante en matière de riz avant la catastrophe mais la proportion des rizières détruites (30% du total) est trois fois supérieures à celle des victimes humaines (10% de la population), il y a donc un déficit de production qu’il faut combler jusqu’à ce qu’un nombre suffisant de rizières soient réhabilitées ».

L’acheminement des colis ne pose plus de problème sur la côte est où le réseau routier fonctionne normalement. Il reste en revanche plus difficile sur la côte ouest où des portions de route et de nombreux ponts sont détruits. Le départ des armées étrangères, et de leurs moyens héliportés, est compensé par les voies navigables. Les bateaux déposent les marchandises dans les plus grandes localités avant d’être transportées par camion dans les camps de réfugiés alentours. Les colis sont alors distribués à la population par des ONG qui ont un « savoir-faire » logistique. C’est le cas d’Action contre la faim dans la zone de Calang. Les trois expatriés français, épaulés par une vingtaine de recrutés locaux, travaillent avec les autorités locales qui dressent les listes des ayants-droit. « Nous contrôlons ces listes en visitant 10% des familles inscrites pour limiter les risques de détournement » explique le responsable de la mission. « Si nous constatons une irrégularité, par exemple, que le nombre de membres d’une famille est inférieur à celui figurant sur la liste, nous suspendons la distribution et nous exigeons qu’une nouvelle liste soit dressée » poursuit cet ancien du Darfour en ajoutant qu’aucune irrégularité n’a pour l’instant été enregistrée.

Une coordination complexe

À l’heure actuelle, le problème le plus épineux reste la coordination entre tous les acteurs de l’aide humanitaire. Plus de 250 organisations sont en effet déployées à Aceh. Sans compter les initiatives individuelles… Le manque de communication entre ces différents opérateurs fut flagrant durant tout le mois de janvier. Certains camps de réfugiés ont reçu plusieurs distributions alimentaires quand d’autres n’ont rien obtenu. « Les réunions de coordination peuvent éviter ces écueils en permettant à chacun de savoir ce que font les autres », explique Joël Boutroue le coordinateur général de la mission des Nations unies. Mais le système mis en place à Aceh est complexe car les militaires veulent rester maître des opérations. Aux réunions organisées par l’ONU, se superposent celles de l’armée.

Les deux organes communiquent mais l’efficacité du dispositif humanitaire en est tout de même amoindrie. Les grandes ONG internationales s’en accommodent grâce à leur habitude de travailler ensemble. À Calang par exemple, deux d’entre-elles opèrent dans le secteur de l’eau potable sur une bande côtière d’environ cent kilomètres. Elles se réunissent chaque soir pour échanger leurs informations afin que toutes les populations de la zone soient traitée équitablement. Les plus petites structures, peu habituées à travailler sur une catastrophe de cette ampleur, mais exceptionnellement dotées de très gros moyens, éprouvent en revanche plus de difficultés à gérer les complexités de cette vaste opération humanitaire.

Victimes de l’inflation

Les Ong locales ont également quelques difficultés à se fondre dans ce dispositif. Leur connaissance du terrain et leur capacité à accéder à des régions dans lesquelles l’armée est réticente à voir circuler des internationaux, en raison du conflit qui l’oppose au Mouvement Aceh libre (GAM), les rendent pourtant indispensables. Mais beaucoup d’entre-elles ne participent qu’à la coordination de la plate-forme des ONG indonésiennes. La langue est un premier obstacle, les réunions des Nations unies sont en anglais, mais il n’est pas le seul. « Nous avons  une culture différente (…) nous n’avons pas l’habitude de nous mettre en avant comme savent le faire les ONG occidentales » explique un responsable humanitaire indonésien dont l’organisation fut l’une des rares structures autorisée à poursuivre son action en faveur des milliers de personnes déplacées par la guerre après l’instauration de la loi martiale en mai 2003. Au décalage culturel s’ajoute une pointe de ressentiment « Les ONG locales louent des maisons à des tarifs locaux que les propriétaires cherchent à renégocier depuis l’arrivée des  internationaux qui ont accepté des prix extrêmement élevés » poursuit le jeune homme en citant l’exemple d’un propriétaire réclamant à son locataire, une  ONG achénaise, un prix 200 fois plus élevées que le tarif initial.


par Jocelyn  Grange

Article publié le 01/03/2005 Dernière mise à jour le 01/03/2005 à 13:50 TU