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Moldavie

Pas de «révolution orange» en vue

La jeunesse de Moldavie se mobilise dans les rues de Chisinau pour ces présidentielles.(Photo : AFP)
La jeunesse de Moldavie se mobilise dans les rues de Chisinau pour ces présidentielles.
(Photo : AFP)
L’orange est la couleur à la mode à Chisinau, mais il est peu probable que la petite république anciennement soviétique de Moldavie connaisse une révolution sur le modèle de la Géorgie et de l’Ukraine. Ici, le pouvoir communiste du Président Vladimir Voronin a lui-même choisi de rompre avec Moscou.
De notre correspondant dans la région

Le Président géorgien Saakashvili s’est imposé comme un hôte inattendu à Chisinau, mercredi dernier, à quelques jours des cruciales élections de dimanche. Les électeurs doivent élire en un seul tour de scrutin les 101 membres du Parlement, qui désigneront à leur tour le Président de la République.

Le Parti communiste de la République de Moldavie (PCRM), qui avait gagné haut la main les élections de 2001, part à nouveau favori, mais il a totalement changé de ligne politique. Hier favorables au compromis avec Moscou, les communistes moldaves ont engagé un bras-de-fer avec le Kremlin sur le dossier de la Transnistrie, cette bande de terre sécessionniste qui s’étend sur la rive gauche du Dniestr. La «République russe de Transnistrie» est gérée comme un bastion mafieux par le clan du Président Smirnov, qui contrôle les trafics de drogues, de cigarettes, d’êtres humains et d’armes. Les usines de Transnistrie produisent toujours massivement des armes légères, et la région est aussi un carrefour majeur du blanchiment d’argent. Les lignes de front sont gelées par la présence de deux bases militaires russes depuis le sanglant conflit de 1992.

En octobre 2003, Moscou a proposé un plan de résolution de la crise, basé sur une fédéralisation de la Moldavie. Le Président Voronin a rejeté ce plan, et parie sur l’intégration européenne pour résoudre le dossier de la Transnistrie.

L’intégration européenne de la Moldavie

Les autorités de Chisinau affichent volontiers le folklore communiste, drapeaux rouges, faucilles et marteaux, tandis que les bustes de Lénine sont restaurés dans les villages. Cependant, Vladimir Voronin a fait le choix de se rallier aux adversaires du Kremlin, à commencer par les nouveaux dirigeants géorgiens et ukrainiens. On évoque désormais la constitution d’un «axe GUAM», c’est-à-dire Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan, Moldavie, qui contesterait la suprématie de Moscou sur les républiques de la Communauté des États indépendants (CEI). L’enjeu géostratégique est majeur: il s’agit du contrôle de la Mer Noire, et de l’accès aux prodigieuses richesses énergétiques d’Asie centrale. Petit pays enclavé, sans débouché maritime, la Moldavie est cependant en train de construire, avec des capitaux azerbaïdjanais, un terminal pétrolier à Giugiurlesti, son seul accès au delta du Danube.

Divisée, l’opposition moldave dénonce l’anachronisme du régime communiste et sa corruption, mais la nouvelle stratégie de Vladimir Voronin lui coupe l’herbe sous le pied. Les plus critiques sont les nationalistes roumains du Parti populaire chrétien-démocrate (PPCD), qui ont repris les couleurs oranges de la révolution ukrainienne et affichent un grand portrait de Victor Iouchtchenko sur la façade de leur siège de Chisinau. Le PPCD espère que le vent qui a soufflé en Ukraine, mais aussi en Roumanie, avec la victoire inattendue du candidat de droite, Traian Basescu, à l’élection présidentielle de décembre dernier, finira par atteindre la Moldavie. Le parti promet des manifestations de rue en cas de fraudes électorales. L’élection de dimanche sera cependant surveillée par de nombreux observateurs étrangers.

Au cours de sa visite à Chisinau, le Président géorgien Saakachvili a, certes, rendu une visite de politesse aux démocrates-chrétiens, mais il a surtout apporté un soutien ouvert à Vladimir Voronin. Le Président géorgien a notamment déclaré que les deux pays devaient unir leurs efforts pour «casser les reins» des «brigands» sécessionnistes d’Abkhazie, d’Ossétie du Sud et de Transnistrie.

Les jours de l’entité sécessionniste pourraient en effet être comptés. Tous les accès à la Transnistrie passe par la Moldavie ou l'Ukraine. Depuis le 1er février, les autorités de Kiev ne reconnaissent plus les passeports transnistriens, et si l'Ukraine fermait totalement sa frontière, comme le réclame Chisinau, la Transnistrie serait menacée de rapide asphyxie.

Assuré du vote de l’électorat fidèle des retraités, des nostalgiques de l’ère soviétique et des populations rurales, majoritaires dans le pays, Vladimir Voronin espère s’imposer comme la seule option réaliste pour obtenir l’intégration européenne de la Moldavie, une perspective revendiquée par quasiment tous les partis politiques.

Certaines composantes de l’opposition se sont unies dans un Bloc Moldavie démocratique, mené par le maire de Chisinau. Ce bloc a été porté sur les fonds baptismaux par les USA, il y a deux ans, mais il jouirait aujourd’hui du soutien de Moscou et des autorités de Transnistrie, qui espèrent surtout une déstabilisation du pouvoir de Vladimir Voronin.

Face à ces jeux politiciens subtils et ces renversements d’alliance, l’opinion demeure perplexe. La Moldavie est le pays le plus pauvre d’Europe. On estime que 500 000 à un million de Moldaves vivent clandestinement à l’étranger, soit le quart de la population du pays. Les salaires moyens n’excèdent guère 50 euros par mois. Le montant des retraites est encore plus faible. Georges, un jeune étudiant militant du PPCD, reconnaît, malgré toute sa haine du régime de Vladimir Voronin, que «depuis que les communistes sont revenus au pouvoir, les salaires et les retraites sont versés régulièrement, et électeurs risquent d’avoir la reconnaissance du ventre».


par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 05/03/2005 Dernière mise à jour le 05/03/2005 à 10:38 TU