Revue de presse des hebdomadaires du 13/3/2005

«Mariage, voile, lapidation, sexe, mixité. Quelle était vraiment la pensée de Mahomet ? Comment la distinguer des ajouts ou des interprétations de ses disciples ? Pour répondre à ces questions», Le Nouvel Observateur fournit un dossier d'une dizaine de pages, dont la première. Et «que découvre-t-on ? Que Muhammad est un homme droit, sincère, intègre, mais un homme. Ni prophète au départ, ni fils de Dieu à l'arrivée. Il ne fait pas de miracle. Il ne guérit personne et ne prévoit pas l'avenir. Cet homme peut être un amant, un guerrier et un homme d'Etat. Il abolit la coutume qui autorisait l'infanticide des filles à leur naissance. Il fait réduire la polygamie à quatre femmes dont il souhaite qu'on les aime toutes également. Il dit que Dieu l'a conduit à aimer les femmes. Il interdit le mariage sans le consentement de l'intéressée. Il n'a rien contre la mixité». Et l'éditorialiste Jean Daniel ajoute ici: «Ce qu'il y a de nouveau et de prometteur dans l'islam français et l'islam européen, c'est la division qui le traverse: d'un côté, ceux qui veulent moderniser l'islam en se souvenant que son émergence a d'abord été un immense progrès ; de l'autre ceux qui veulent islamiser la modernité en s'arrimant à une tradition reconstituée». D'un reportage aux Pays-Bas, un confrère de Charlie Hebdo rapporte: «Après (le cinéaste) Théo Van Gogh, les barbus veulent voiler les tulipes» ! Une «députée néerlandaise d'origine somalienne et scénariste du film de Van Gogh, Submission, est assignée en justice par deux musulmans qui demandent l'interdiction d'une suite à ce film. Procès à hauts risques, dominé par les menaces de mort sur la députée. (Et) en toile de fonds, la stratégie des Pays-Bas, divisés sur le sort à réserver à l'islam radical». Titre de cette page de reportage: «Allah lance une OPA inamicale sur le Gouda».

En couverture toujours, Le Point se demande «comment chrétiens et juifs peuvent cohabiter avec «les musulmans». «Que reproche-t-on à l'islam ?», questionne cette publication, avant de répondre: «Son intolérance, le peu de place qu'il laisse au libre-arbitre. Mais aussi ses contradictions, sa rigidité, son conservatisme et surtout sa violence. Violence du terrorisme aveugle. Violence contre les femmes. Violence des textes, aussi. Le Coran ne dit-il pas, à propos des non-musulmans: 'Dieu n'aime pas les transgresseurs ! Tuez-les où que vous les rencontriez'?» Une historienne britannique d'origine égyptienne déclare ici: «L'Europe s'est soumise à l'islam sans se battre». Par ailleurs, relève encore Le Point, «les sectes religieuses, notamment celles liées aux églises évangélistes américaines, prospèrent en Afrique. On les estime à deux cents au Congo Kinshasa, regroupant environ trente mille fidèles dans la seule capitale, et à une cinquantaine à Brazzaville. Elles ont infiltré la plupart des partis politiques».

Dans les colonnes de Témoignage Chrétien, le directeur de la rédaction de Politis affirme, je cite: «La laïcité n'a pas réponse à tout. (Elle) ne peut ni guérir les grands maux de la situation internationale, ni prévenir les grandes peurs de notre époque». A ce même chapitre, «face à la montée des intégrismes religieux, quelles valeurs les athées peuvent-ils promouvoir ? Deux philosophes répondent» via Télérama. L'un d'eux, Michel Onfray, qui vient de publier son Traité d'athéologie, s'écrie: «Je désespère que les croyants préfèrent les fictions apaisantes des enfants aux certitudes cruelles des adultes». Il poursuit: «Je ne suis pas contre les mythes, je suis contre le fait qu'on y croie. L'un des signes de notre époque est la confusion du réel et de l'imaginaire, du réel et du virtuel. Cela engendre des négationnistes, des gens qui nous disent que le réel n'est pas le réel, que le mensonge est la vérité. Alors créons des mythes parce qu'ils sont fédérateurs, fabriquons des fables, y compris politiques, musicales, littéraires, mais surtout n'y croyons pas» !

Poudrière

«Fadi le chrétien et Lama la musulmane forment l'un de ces nouveaux couples mixtes d'un Liban qui veut vivre libre et indépendant. Tous les deux ont manifesté (cette semaine), main dans la main, contre l'occupation syrienne», raconte la correspondante à Beyrouth de La Vie. Le leader druze Walid Joumblatt se déclare dans Paris-Match «prêt à rassembler les branches de toutes les communautés rivales pour soutenir le départ des troupes syriennes». Pour lui, «les services secrets du renseignement syrien contrôlent la vie de chaque citoyen. Tout est truqué, verrouillé, quadrillé». Dans L'Humanité Hebdo, le chercheur Walid Charara souligne «que les Etats-Unis et leurs dirigeants néo-conservateurs sont engagés dans une stratégie qui vise à pousser les troupes syriennes hors du Liban et à désarmer le Hezbollah, mais aussi à renverser le régime syrien». A Tel Aviv, le quotidien Haaretz, que reprend à Paris Courrier International, ironise en constatant: «Américains et Israéliens réclament le départ de la Syrie du Liban. Pourtant, ni les uns ni les autres ne sont prêts à évacuer les pays qu'ils occupent». Archives à l'appui, Le Monde 2 fait «retour sur quinze ans de guerre civile» dans «la poudrière libanaise, aux origines de la crise avec la Syrie. Un interventionnisme que la population rejette aujourd'hui».

Le même hebdomadaire décrit, «60 ans avant Al-Qaïda, le projet 11 septembre d'Adolf Hitler. Précipiter des avions dans les gratte-ciels de Manhattan, Hitler en a rêvé jusqu'à la fin de la guerre. Un ingénieur du Reich dessina même les plans de petits Jets dépourvus de train d'atterrissage, mais munis d'une forte charge explosive. Et une unité secrète entraînait les pilotes volontaires pour des missions-suicides. L'ahurissant projet «Amerikabomber», jamais mené à terme, semblait chimérique. Jusqu'au matin du 11 septembre 2001» ! En réplique à cette attaque, comme on le sait, «en mars 2003, les troupes américano-britanniques partirent à l'assaut de Bagdad. On nous annonça l'apocalypse», rappelle Denis Jeambar, l'éditorialiste de L'Express. «La rue arabe allait se lever comme un seul homme dans une révolte qui bouleverserait la paix du monde. Deux années se sont écoulées et force est de constater que rien de tel ne s'est passé. Certes, la situation en Irak demeure explosive, mais il serait temps d'abandonner nos lunettes en peau de saucisson et nos idées pré-fabriquées pour regarder le monde tel qu'il change. Les votes successifs en Afghanistan, en Ukraine, en Palestine, en Irak, la reprise des négociations israélo-palestiniennes, la révolte libanaise et la déstabilisation de Damas en sont la preuve. Qui aurait imaginé cela il y a encore quelques mois ? C'est (désormais) au tour des dictatures de se fissurer et de trembler». Se gardant de telles louanges, Le Figaro Magazine persiste à déplorer l'«immense mansuétude de la diplomatie américaine» à l'égard des dictateurs et des despotes arabes». L'éditorial est ici titré: «Un faucon ne fait pas le printemps». Non moins réservé sur la thèse osée de la «contagion démocratique», un chroniqueur du Journal du Dimanche s'interroge également sur la question ainsi formulée: «Bush, sauveur des Arabes ?». Reprenant un récent constat du Washington Post, ce confrère souligne combien «l'Irak d'aujourd'hui est aussi un fiasco politico-militaire». Résumé lapidaire du Post: «Trois cents milliards de dollars pour une théocratie».

Le cri de la semaine est poussé par le Sénégalais Sembene Ousmane dans les Inrockuptibles. Avec son film Mooladé, il ne veut «dire qu'une seule chose: qu'il faut éradiquer l'excision». Il invite les Africains à cesser de «tourner autour du pot. Quand il faut arracher une mauvaise herbe, il faut l'arracher. (Et) ne pas mettre de l'huile ou je ne sais quoi». Sur l'excision, précisément, Le Monde des Ados, rappelle que désormais ces «mutilations sexuelles féminines sont interdites par quatorze pays africains».

par Alain  Masson

[13/03/2005]