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Année du Brésil en France

Camille Cabral: transsexuelle, militante associative et femme politique

Camille Cabral.(Photo: Silvano Mendes)
Camille Cabral.
(Photo: Silvano Mendes)
Camille Cabral est connue du grand public comme étant la première transsexuelle occupant un poste politique en France. C’était en 2001, lorsque les Verts décidèrent de l’inviter dans leurs rangs suite à son travail comme militante à la direction de l’association Pastt qui lutte contre le sida et aide les personnes transsexuelles.
[Ce portrait fait partie d'une série réalisée par la rédaction brésilienne de RFI]

Paris a été «un hasard» dans sa vie, comme elle le dit elle-même. Issue d’une famille de classe moyenne du nord-est brésilien, Camille Cabral débarque à Sao Paulo, capitale économique du pays, un diplôme de médecine générale sous le bras et avec l’envie de se spécialiser. Elle veut être dermatologue, et ces rêves l’amèneront au delà des frontières nationales -même si elle travaillait déjà dans l’un des plus importants hôpitaux du pays. Elle contacte plusieurs centres médicaux à l’étranger jusqu’à ce qu’elle obtienne une réponse positive de l’hôpital Saint-Louis à Paris. Le français appris à l’école va finalement servir à quelque chose.

La période, c'est les années 80. Le contexte, c'est le début de l’épidémie de sida, quand les médecins recevaient les premiers contaminés, avant même de savoir de quoi il s’agissait. Une bonne partie de ces patients était des transsexuelles qui se prostituaient au bois de Boulogne, à Paris. Plusieurs d’entre eux étaient des Brésiliens et ces rencontres ont été une sorte de nouveau départ dans la vie de Camille. Peu à peu elle s’est transformée –du moins à l’extérieur. Hormones féminines, silicone et autres interventions chirurgicales, tout pour devenir ce qu’elle a toujours pensé être: une femme. Aujourd’hui son âge est un secret presque aussi jalousement gardé que son nom de naissance. «Ma vie de garçon je l’ai effacé avec mon nom masculin», dit-elle jouant avec ses longues mèches blondes.
La transformation a été une réussite, mais cela n’a pas plu à tout le monde. Victime de discrimination, elle a dû abandonner son poste à l’hôpital. Démission qui aurait certainement pu être évitée aujourd’hui, puisqu’elle connaît par cœur les lois de protection contre l’homophobie et la transphobie en France.

Victime de discrimination, elle s’engage dans le monde associatif

Mais cette démission a pris une tournure plutôt positive. Au chômage, Camille commence une formation sur les maladies sexuellement transmissibles et, à la fin du programme, chaque participant présente un projet. Ainsi est née l’association Pastt (Prévention, action, santé et travail pour les transgenres). D’ailleurs, c’est ainsi qu’elle appelle les transsexuels, parce pour Camille la transsexualité est surtout une affaire d’identité, de genre et non de sexualité.
Parmi les actions de Pastt, notons son projet de soutien aux transsexuelles dans les prisons et un bus qui sillonne la capitale à la rencontre des prostitué(e)s pour faire de la prévention contre le sida. Sans compter le soutien juridique, médical et psychologique, ainsi que les cours de français pour les étrangers, au siège même de l’association à Paris.

Maintenant, Pastt s’est fait un nom dans le petit monde associatif  français. Son groupe mène huit projets différents, certains soutenus par des «poids lourds» du secteur public, comme le ministère de la Santé, la Commission européenne ou le Conseil régional de l’Ile-de-France. La participation du Pastt dans des événements internationaux est aussi une preuve de son succès. Comme en 2004, lorsque Camille se retrouve à Bangkok pour la conférence internationale sur le sida organisée par l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Elle en garde un bon souvenir. «On a discuté de sujets très importants et en plus j’ai connu Richard Gere !», raconte t-elle avec malice.

Un agenda très chargé mais un sens de l’écoute intact

Le quotidien de Camille Cabral a beaucoup changé depuis les débuts de Pastt. La plupart du temps elle reste au siège de l’association et n’accompagne presque jamais le bus qui sillonne les rues pour des actions de prévention. Les visites de prisons se font également rares. Son travail consiste surtout à gérer l’association et les 14 salariés de l’équipe, ainsi que la tenue de ses obligations en tant que conseillère municipale dans le XVIIe arrondissement de Paris et les réunions avec les autorités du secteur public et privé. Un véritable agenda de femme très active.

Mais cela ne veut pas dire qu’elle a perdu son âme militante ni son caractère chaleureux. Il suffit de la voir avec le drapeau de Pastt lors de diverses manifestations liées à la lutte contre le sida. Ou quand elle s’arrête -alors que nous faisions notre interview- pour écouter l’histoire d’un jeune transsexuel venu d’un pays arabe qui raconte les horreurs vécues dans sa patrie. Là, Camille n’est plus la responsable associative aux rendez-vous multiples, ni la femme politique, ni l’activiste. Mais plutôt l’amie qui connaît une partie de cette réalité. Elle comprend, partage, sourit, réconforte: «On va s’occuper de toi, ne t’inquiète pas


par Silvano  Mendes

Article publié le 14/03/2005 Dernière mise à jour le 21/03/2005 à 09:50 TU