Année du Brésil en France
Maria Creuza de Souza: la conteuse d’Amazonie
(Photo: Adriana Brandão/RFI)
[Ce portrait fait partie d'une série réalisée par la rédaction brésilienne de RFI]
Officiellement, Maria Creuza de Souza a 54 ans. Mais elle affirme en avoir deux de moins. Dans sa jeunesse, passée dans un village des rives du fleuve Amazone, il était courant d’ajouter des années à l'âge des jeunes filles pour faciliter leur mariage. Maria Creuza est née sur l'île de Botija, à trois jours de bateau de Manaus, en amont de la capitale de l'Etat de l'Amazonas. Elle est issue d’une famille nombreuse et recomposée. Le père était un caboclo, c'est-à-dire originaire d'Amazonie, métis de parents blancs et indiens. Il était veuf et avait trois enfants quand il s’est remarié avec sa mère qui était, elle aussi, veuve et avait déjà sept enfants. De leur union sont nés encore trois enfants dont Maria.
L'île de Botija appartenait au grand-père maternel de Maria Creuza. Originaire d’Europe, il avait émigré au Brésil à la fin du XIXe siècle, dans l'Etat du Ceará, au nord-est du pays. C’est là qu’il a rencontré sa future femme, également d'origine européenne. Ensemble, ils se sont installés en Amazonie pendant le boum du caoutchouc, le cycle économique qui, à l’aube du XXe siècle, a apporté la richesse à la région grâce à la production du latex, récolté de l'hévéa, un arbre de la forêt tropicale.
Un imaginaire formé par le mélange des cultures indigène et européenne
Maria Creuza affirme se sentir complètement intégrée en france. (Photo: Adriana Brandão/RFI) |
De tous ses frères et sœurs, elle est la seule à avoir un diplôme universitaire. Elle possède une maîtrise de lettres modernes obtenue à l’université de Manaus où elle a donné des cours de français. En 1986, après avoir reçu une bourse d’études pour faire une spécialisation d’un an au Centre international d’études pédagogiques de Sèvres en France, elle décide de quitter provisoirement la forêt tropicale et s’installe à Paris.
Une écrivaine loin de chez elle
Comme d’autres Brésiliens venus étudier en France, Maria Creuza finit par rester à Paris pour des raisons personnelles. Pendant les six premières années, elle n’a qu’un visa d’étudiante. Vivant d’emplois précaires, elle n’arrive pas à subvenir aux besoins de ses trois enfants et encore moins à poursuivre convenablement ses études. En 1992, elle parvient à obtenir une carte de résidente, ce qui lui permet de travailler pour des institutions de prestige comme l’Ecole normale supérieure où elle peut donner des cours de portugais à des chercheurs français. Mais la régularisation de sa situation lui permet surtout de reprendre les études et de concrétiser un rêve: écrire. Suivant une démarche ethnographique, l’écrivain en herbe commence à coucher sur le papier les contes de l’Amazonie entendus dans son enfance pour promouvoir «cette terre fort célèbre et très méconnue.»
L’initiative ne retient pas l’intérêt des éditeurs français et Maria Creuza décide alors d’éditer ses livres à compte d’auteur. Elle crée une entreprise, Jatyba production et création, et publie trois ouvrages: La Source de l’Amazone murmure le roman du soleil et de la lune, Contes de Nuit et Contes et Légendes de l’Amazonie. Ses trois livres sont illustrés par Marcia Széglia, une Brésilienne du Paraná, un État situé au sud du pays. À l’exception du premier livre qui est bilingue portugais/français, elle écrit tous les autres en français. Aucun de ses ouvrages n’est publié au Brésil mais curieusement, elle vend plus de livres en Amazonie qu’en France.
Après avoir passé près de vingt ans en France, Maria Creuza affirme se sentir complètement intégrée dans son pays d’accueil. Et pourtant, elle est décidée à quitter son petit deux pièces du XIXe arrondissement de Paris pour retrouver l’immensité de la forêt amazonienne qui abrite toujours ses rêves, son œuvre et sa nostalgie.
par Adriana Brandão
Article publié le 14/03/2005 Dernière mise à jour le 21/03/2005 à 09:51 TU