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Israël

Un nouveau Musée de l'Holocauste

L'impressionnante «crypte des noms» présente les photos de 600 victimes de l'Holocauste.(Photo : AFP)
L'impressionnante «crypte des noms» présente les photos de 600 victimes de l'Holocauste.
(Photo : AFP)
Le mémorial Yad Vashem à Jérusalem, dédié à la mémoire des six millions de juifs d’Europe exterminés par les nazis, inaugure son nouveau Musée de l’Holocauste dont l’ambition est de retracer l’histoire du génocide des juifs à travers des témoignages individuels de victimes et de survivants des camps. Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, ainsi qu’une quarantaine de dirigeants européens –parmi lesquels le Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin– participent aux cérémonies d’inauguration qui se déroulent sous très haute protection policière. Des colons, opposés au désengagement israélien de la bande de Gaza, ont en effet l’intention d’organiser une manifestation pour dénoncer une telle évacuation à leurs yeux comparable à celle qui a conduit les juifs européens vers les camps de la mort.

Le nouveau Musée de l’Holocauste de Yad Vashem s’est donné pour ambition de maintenir vivant le souvenir du génocide des juifs d’Europe lorsque les derniers témoins de cette page noire de l’Histoire auront disparu. Car si il y a peu, on pouvait encore rencontrer dans les rues d’Israël des rescapés des camps de la mort –reconnaissables à leur bras tatoués– leur nombre est aujourd’hui infime. Et pour que cette tragédie ne devienne pas un événement abstrait le musée a volontairement choisi de jouer la carte de la personnalisation des témoignages. «Yad Vashem doit apprendre à fonctionner dans un monde sans survivants de l’Holocauste», explique en effet le directeur du mémorial Avner Shalev. «Ce nouveau musée est destiné à la troisième, quatrième génération. C’est une part de notre héritage et non pas un chapitre en marge de l’Histoire, une part de notre culture, y compris avec ses aspects universels», souligne-t-il avant de résumer la démarche qui a présidé aux dix années de travaux qui ont  donné le jour au musée : «c’est l’Histoire racontée par les gens, et non pas par le commissaire du musée».

Cette histoire, faite de six millions de tragédies individuelles, est donc racontée sur les  4 200 m² d’espace que compte le nouveau musée construit dans la roche et surmontée d’une immense voûte triangulaire. Quatre fois plus d’espace que n’en comptait l’ancien édifice qui doit fermer ses portes le mois prochain. Le visiteur découvre ainsi en arrivant, sur le mur d’entrée, un vidéo réalisée à partir des rares documentaires filmés racontant la vie quotidienne des juifs d’Europe de l’Est avant 1939, l’idée étant de dévoiler des images ordinaires du peuple juif avant la guerre. «Les nazis n’ont pas seulement exterminé six millions de juifs. Ils ont tenté de faire oublier leur existence et, après avoir perpétré leur crime, ils ont voulu en effacer les traces», tient en effet à rappeler Avner Shalev. Puis le visiteur s’engouffre dans un long couloir en béton qui le mènera dans neuf galeries rassemblant chacune des témoignages de cette histoire douloureuse. Ici la reconstitution d’une rue du ghetto de Varsovie avec des pavés d’origine en provenance de la capitale polonaise. Ici celle d’un appartement bourgeois d’une famille juive de Berlin. Un peu plus loin sont relatées, à travers des photographies prises par des soldats allemands, les humiliations subies par les juifs. Et à travers une exposition d’argenterie, de chandeliers et de tableaux volés, la spoliation de leurs biens.

«Honte à ceux qui ont choisi la complicité avec les bourreaux» 

Puis vient l’horreur des camps de la mort, des chambres à gaz et des fours crématoires. Un wagon à bestiaux, de ceux-là qui ont transporté des centaines de milliers juifs vers Birkenau, est exposé. Des cannettes de Zyklon, ce gaz mortel, sont également présentées ainsi que des chaussures de victimes empilées dans une simple fosse recouverte d’une plaque en verre. La visite se termine dans l’impressionnante «crypte des noms» dont la coupole est tapissée de quelque 600 photos des victimes de l’Holocauste. Cette salle, qui laisse entrer la lumière du jour, présente deux cônes –l’un dirigé vers le ciel, l’autre vers la terre–, abrite les noms et les fiches d’identité de deux millions de victimes sur les trois millions recensées par le mémorial de Yad Vashem.

Une quarantaine de dirigeants européens, parmi lesquels le Premier ministre français, ont participé mardi à l’inauguration de ce lieu de mémoire. Intervenant quelques heures avant le début des cérémonies, Jean-Pierre Raffarin a tenu à réitérer «la détermination» de Paris «à lutter contre le fléau» de l’antisémitisme. «Le devoir de mémoire est aussi un devoir d’agir», a-t-il déclaré affirmant vouloir promouvoir une initiative européenne sur la question de l’antisémitisme en milieu scolaire et sur la coordination des forces de polices et des autorités judiciaires des pays membres de l’Union. «La France, terre des droits de l’Homme, a parfois été la complice de cette infamie» qu’a été l’extermination des juifs, a également rappelé Jean-Pierre Raffarin lors d’une visite à Roglit, le mémorial dédié aux 76 000 déportés juifs de France. «Honte à ceux qui ont choisi la complicité avec les bourreaux», s’est-t-il indigné. 

Le Premier ministre français, dont c’est la première visite en Israël en tant que chef de gouvernement, a par ailleurs eu des entretiens avec son homologue Ariel Sharon. Leur rencontre, qualifiée de «cordiale» même si «des approches différentes» ont été constatées de part et d’autre, semble mettre entre parenthèse la tension qui a dominé ces derniers mois les rapports entre Paris et Tel Aviv. Alors qu’il y a une quinzaine de jours encore il fustigeait «la politique proarabe de la France», le Premier ministre israélien a en effet «tenu à saluer les efforts des autorités françaises» dans la lutte contre l’antisémitisme.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 15/03/2005 Dernière mise à jour le 15/03/2005 à 18:20 TU