Année du Brésil en France
Maria: vivre et travailler sans papiers à Paris
(Foto: Daniela Fernandes/RFI)
[Ce portrait fait partie d'une série réalisée par la rédaction brésilienne de RFI]
Bien qu'elle n'ait aucun bagage scolaire, Maria a toujours rêvé de découvrir un jour l’étranger. Il y a deux ans, elle a décidé que le moment était venu de quitter sa banlieue de São Paulo et son métier de démonstratrice en lingerie pour conquérir la France. C'était un véritable défi pour cette femme d'une quarantaine d'années qui a grandi dans une famille modeste au milieu de ses six sœurs avec son père agent de sécurité et sa mère cuisinière dans un restaurant.
En arrivant en France elle espérait qu'elle pourrait s'instruire et se cultiver. Mais son premier emploi a été employée de maison dans une famille brésilienne venue s'installer à une cinquantaine de kilomètres de Paris. Au début elle pensait qu'elle n'aurait qu'à s'occuper des enfants et qu'elle pourrait consacrer du temps à l'étude du français et aux promenades dans Paris. Elle a dû déchanter. Car en plus des enfants elle a dû s'occuper de toutes les tâches ménagères, au point de n'avoir jamais pu se payer le moindre ticket de train pour admirer Paris.
La hantise du logement
Le couple qui l'employait a fini par rentrer au Brésil. Maria n'a pas voulu les suivre. Elle est allée vivre avec une amie brésilienne avec laquelle elle partageait déjà le loyer avant que sa famille d'accueil ne rentre au Brésil. Elle se souvient alors de sa hantise de ne pas trouver d'endroit pour se loger, «la chose la plus difficile à Paris», soupire-t-elle. C'est à ce moment qu'elle a vraiment fait l'expérience de la condition de femme immigrée sans papier et ne connaissant que deux ou trois mots de français. Sa copine avait eu la chance de trouver un studio grâce à son travail d'employée de maison chez une famille qui l'hébergeait. Et elle continue d'occuper ce logement bien qu'elle elle ne travaille plus régulièrement pour cette famille. Maria partage ce petit deux pièces au septième étage sans ascenseur avec cette amie brésilienne qui fait aussi des ménages. Aujourd'hui ce dont souffre le plus Maria c'est de ne pas avoir d'assurance médicale. Elle doit donc payer ses consultations et ses examens. Et elle prie dieu chaque jour pour qu'il ne lui arrive rien. Elle redouble de prudence pour ne pas attirer les ennuis sur elle. Vivant dans une relative clandestinité elle guette le moindre uniforme dans la rue pour échapper à une éventuelle vérification de papiers.
Durcissement de la politique
À la différence de l'Espagne ou de l'Italie, qui ont annoncé des mesures pour régulariser ses clandestins, la France envisage de durcir sa politique en matière d'immigration. Le ministre de l'Intérieur, Dominique de Villepin, a déclaré récemment qu'il espérait porter le nombre d' expulsions de 16 000 à 20 000 cette année. Maria essaie de ne pas trop penser à tous ces risques. Elle n'en a d'ailleurs pas beaucoup le temps. Elle travaille 40 heures chaque semaine pour 10 euros de l'heure. A ce tarif Maria a dû trouver d'autres activités comme préparer et servir des repas, même si elle n'a ni la formation ni l'expérience d'une cuisinière. Après tout elle se souvient des spécialités traditionnelles brésiliennes, or ses employeurs sont surtout des Brésiliens. Mais elle travaille aussi chez quelques Français malgré sa difficulté à communiquer avec eux dans leur langue. Bien qu'elle habite près de la tour Eiffel, la paulista n'a jamais visité le monument le plus célèbre de la capitale française. Jusqu'à présent elle n'a d'ailleurs jamais visité un musée à Paris ou une tout autre attraction touristique. Elle a beaucoup d'amis brésiliens à Paris. Des femmes de ménage, des manucures et des cuisinières. «Tous travaillent beaucoup et notre temps libre c'est pour se reposer», dit-elle. Maria, se contente de regarder la télé, même si son français encore précaire ne lui permet pas encore de comprendre toutes les émissions. Elle ne connaît donc presque rien de Paris en dehors de ce qu'elle peut regarder à travers les vitres du bus qui la conduit chaque jour chez les quelques personnes pour qui elle fait des ménages.
Payée comme une diplômée
Pour autant, Maria ne se plaint pas. «Le travail de femme de ménage est plus respectée et beaucoup mieux payée ici qu'au Brésil. Et la journée de travail n'est pas la même. Au Brésil, on est payé par jour, quel que soit le nombre d'heures.» Pour l'instant Maria n'a pas l'intention de retourner au Brésil. Même si sa mère ne cesse de le lui réclamer. «Ce n'est pas encore le moment. Je gagne ici en France comme une personne qui a fait plusieurs années d'études au Brésil. Et même pour ceux-là ce n'est pas très facile de trouver du travail en ce moment», se défend Maria, qui aimerait s'acheter une maison et vivre avec plus de confort le jour où elle décidera de retourner définitivement au Brésil. Pour encore un bon moment, la France représente une chance d'avoir un meilleur avenir, et elle veut la saisir au maximum.
par Daniela Fernandes
Article publié le 17/03/2005 Dernière mise à jour le 21/03/2005 à 09:47 TU