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Italie

Elections à risque pour Silvio Berlusconi

A l'approche des élections régionales le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi joue plutôt sur sa popularité que sur le bilan de son gouvernement pour tenter de convaincre les électeurs.(photo : AFP)
A l'approche des élections régionales le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi joue plutôt sur sa popularité que sur le bilan de son gouvernement pour tenter de convaincre les électeurs.
(photo : AFP)
A deux semaines des élections régionales qui constitueront un test politique important en vue des législatives de mai 2006, tant pour l’opposition que pour la majorité de centre droit, le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, se retrouve dans une position délicate. Plus que sur les résultats de son gouvernement, il compte, encore fois, sur sa très grande popularité pour tenter de convaincre les électeurs.
De notre correspondante à Rome

Silvio Berlusconi ne s’est pas contenté de «rassurer toutes les mamma d’Italie» lorsqu’il a annoncé, au cours de la célèbre émission Porta Porta (*) qu’il souhaitait «réduire, dès le mois de septembre, le contingent italien en Irak», quitte à devoir démentir ses propos le lendemain, sous la pression conjuguée de son «ami» George Bush, et de son homologue britannique, Tony Blair. Lorsque le présentateur de cette émission, Bruno Vespa, a souligné que les ménages consommaient moins, il a rétorqué : «Ah ! mais ce n’est pas pour les raisons que vous croyez, c’est parce que nous avons un ministre de la Santé exceptionnel, qui a persuadé les Italiens de se mettre au régime 

Il est vrai que Girolamo Sirchia, médecin de formation, use et abuse de la communication institutionnelle pour mettre au pas de la vie saine l’Italie toute entière et donc réduire les dépenses en matière de santé publique. D’ailleurs, parmi les lois récentes qui sont entrées en vigueur dans le pays, force est de constater que celle qui interdit de fumer dans les lieux publics est étonnamment appliquée à la lettre.

Mais au prix du kilo de la dorade -entre 25 et 30 euros selon les arrivages- ses conseils diététiques auront du mal à être suivis par les familles. Contrairement aux affirmations du chef du gouvernement, si l’on enregistre une baisse de la consommation c’est parce que les Italiens n’arrivent plus à boucler leur fin mois, des Italiens particulièrement pessimistes : 96% de la population affirme craindre un renchérissement de la vie, selon une enquête réalisée pour la  Confcommercio, la confédération des commerçants.

«L’année 2005 s’annonce préoccupante»

De fait, la péninsule est au bord de la récession. Le dernier trimestre 2004 a vu le produit intérieur brut (PIB) se contracter de 0,3%, en raison d’une demande intérieure très hésitante, et à cause de l’euro fort qui pèse lourdement sur les échanges extérieurs, les exportations, qui représentent 28% de l’activité italienne, étant principalement orientées vers des pays qui paient en dollars.

 «L’année 2005 s’annonce préoccupante et le risque est sérieux que le déficit public ne respecte pas le plafond de 3% », a récemment averti le chef de l’Unione, (nom de la coalition de centre gauche), Romano Prodi, qui tentera de battre Silvio Berlusconi aux législatives de 2006, et qui espère que la coalition qu’il mène remportera « au moins 7 des 14 régions» qui vont devoir renouveler leur président le 3 et 4 avril.

Par ailleurs, l’Office européen des statistiques a annoncé, le 18 mars, qu’il refusait de valider les comptes publiques présentés par l’Italie en 2003 et 2004. Eurostat conteste tout particulièrement les chiffres communiqués sur divers point techniques tels que la catégorisation de certaines entités détenues par l’Etat ou des transferts de fonds communautaires.

«Les chantiers, mieux vaut  en ouvrir moins mais les achever 

Silvio Berlusconi a réagi sur un ton très agacé «Nous sommes fatigués par cette bureaucratisation absurde (...)». Mais, dès le lendemain, à l’occasion d’un congrès de la Confindustria (patronat italien) à Bari (sud) il a été contraint d’admettre: «C’est vrai que l’économie me préoccupe», avant de promettre «une grande bataille à Bruxelles pour rendre plus élastique le pacte de stabilité de façon à relancer l’économie  (...). L’Europe doit faire savoir si elle entend ou non sacrifier sur l’autel de la stabilité de la monnaie les exportations et la productivité» a-t-il précisé.

Fidèle à son grand optimisme, il s’est cependant déclaré «absolument gazé» (…).Nous allons abolir l’Irap  (l’impôt régional sur les activités productives, fortement critiqué par la Cour de justice européenne) et nous ouvrirons de nouveaux chantiers pour un montant de 74 milliards d’euros». Un optimisme tempéré par le Président de la Confindustria et patron de Ferrari, Luca Cordero di Montezemolo: «Il n’y a pas de croissance en Italie, ce n’est pas une affirmation politique c’est une constatation fondée sur des statistiques», et d’ajouter : «La concurrence déloyale, celle qui est soutenue par les aides publiques et qui est basée sur le dumping économique est illégale et doit être sanctionnée. Quant aux chantiers il vaut mieux en ouvrir moins mais les achever !».

Campagne électorale pour les régionales dans un climat de lacération

Luca Cordero di Montezemolo s’est également penché sur le climat politique, à deux semaines des élections régionales qui concerneront plus de 41 millions d’électeurs : «Je demande aux forces de la majorité et à celle de l’opposition une politique de haut profil, de grande cohérence, je demande de retrouver le sens de l’Etat et de l’engagement civil, nous avons opté pour le dialogue et la confrontation sans réserve, mais malheureusement, je vois un pays qui semble se diviser sur tout».

De fait, la campagne électorale pour les régionales se déroule dans un climat de lacération. Après l’union de tout un peuple, et de tous les partis, autour du  «héros » des services secrets italiens, Nicola Calipari, qui a sacrifié sa vie pour sauver celle de la journaliste Giuliana Sgrena, «c’est une atmosphère de marchés aux bestiaux qui marque la fin de la législature» observe le quotidien La Republica.

Il est vrai que Silvio Berlusconi doit également affronter de multiples mécontentements. En témoigne la récente manifestation à Rome des fonctionnaires qui réclament le renouvellement de leur contrat ou encore la colère du ministre des Réformes, Roberto Calderoli, membre de la Ligue du Nord qui a brandi la menace de sa démission. Ce dernier se plaint des lenteurs dans l’adoption du projet de réformes constitutionnelles visant à donner davantage de pouvoirs aux régions.

Nouvelles agitations des alliés populistes

Face à cette menace, Silvio Berlusconi a assuré que le Sénat adoptera la réforme avant Pâques et donc avant les élections régionales. Ce qui permettrait à La Ligue du Nord de se présenter à ses électeurs avec des résultats concrets, obtenus sur le plan du fédéralisme. Mais pour le chef du gouvernement italien cette nouvelle agitation de ses alliés populistes tombe très mal, dans la mesure où il sera plus difficilement crédible quant il affirmera que le centre droit au pouvoir marche main dans la main. De fait, même si le centre gauche ne parvient pas à donner une image d’une coalition unie et harmonieuse, les derniers sondages le donne légèrement favori.

Cependant, il ne faut pas sous évaluer l’immense force que détient le président du Conseil grâce aux médias qu’il contrôle, plus ou moins directement, et à son savoir faire en tant qu’homme de télévision. Sans aucun doute, au cours de ces prochains jours, il continuera de distribuer aux «télespectateurs-électeurs» le maximum de messages positifs, quitte à devoir faire de nouveaux pas en arrière… hors du petit écran.

En dépit de tous les coups durs qu’il a du, et doit, affronter, Il Cavaliere demeure très populaire. Selon une enquête réalisée à l’occasion de la fête des pères (le 19 mars), neuf jeunes sur dix, âgés de 15 à 24 ans, sont insatisfaits de leur propre père et préfèrent au Dustin Hoffman de «Kramer contre Kramer» le Berlusconi de «Porta Porta». Plus qu’une présence assidue, ils réclament un présent prospère et un avenir de fils à papa.


par ANNE  Le Nir

Article publié le 20/03/2005 Dernière mise à jour le 20/03/2005 à 12:27 TU

* Porta Porta, qui vient de recevoir l’oscar de la meilleure émission d’approfondissement de l’actualité est diffusée par la chaine publique Rai Uno, 5 soirs par semaine, c’est sur le plateau de cette émission que Silvio Berlusconi avait signé son fameux «contrat avec les Italiens» en 2001.

*3200 hommes sont déployés au sud de l’ Irak.