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Santé

Le cri d'alarme des médecins urgentistes

Patrick Pelloux, président de l'AMUHF, dénonce «l'étranglement financier du service public hospitalier» et «les dysfonctionnements du système». (Photo: AFP)
Patrick Pelloux, président de l'AMUHF, dénonce «l'étranglement financier du service public hospitalier» et «les dysfonctionnements du système».
(Photo: AFP)
Les urgentistes accusent «la déliquescence des services de permanences de soins» et supportent mal les «dysfonctionnements du système». La Bretagne (ouest de la France) fait face depuis plusieurs jours à une grève illimitée déclenchée par les urgences hospitalières et les Samu pour dénoncer la surcharge de ce secteur de soins. La forte participation fait tache d’huile, et le mouvement pourrait bien prendre très prochainement une ampleur nationale. Les professionnels sont inquiets de la réforme du statut de praticien hospitalier soumis par le ministère de la Santé qui fait état d’un «plan de Santé mentale, d’un plan Gériatrie, mais pas d’un plan Urgences».

Le mouvement a débuté le 17 mars à Rennes et dans les Côtes d’Armor à l’initiative d’un collectif rejoint ensuite par l’AMUHF et le syndicat des urgences hospitalières (SUH) : 100% des titulaires étaient en grève «pour la défense du statut du praticien hospitalier (PH)». L’association des médecins urgentistes hospitaliers de France (AMUHF) pointe le curseur sur les dysfonctionnements du système de santé qu’ils estiment subir de plein fouet, au détriment d’une qualité des soins mettant en  péril la vie même des patients: «On commence à  voir de plus en plus de gens, en France, qui décèdent faute de soins», déplore Patrick Pelloux, président de l’AMUHF. Les médecins urgentistes clament leur ras-le-bol: «des gens restent jusqu’à 48 heures sur des brancards». Aux moments des pics de risques liés aux saisons (froid rigoureux propice aux grippes, ou canicule propice aux déshydratations) ou liés au calendrier des week-ends (accidents de la route lors des grands trafics), les services sont débordés par les appels téléphoniques  (plus de 170 000 l’an dernier, jusqu’à 60 par heure le week end). Le personnel devrait être alors déployé pour faire face aux situations d’urgence.

Par ailleurs, toute personne déjà fragilisée par l’âge (nourrisson et personnes âgées) ou par la maladie (de longue durée) devrait pouvoir se tourner vers un médecin généraliste de permanence en cas d’urgence. Or, Patrick Pelloux explique qu’«avec la disparition des gardes de nuit tenues par les généralistes, le Samu est saturé et, par contre-coup, les services d’urgence se retrouvent dans l’impossibilité d’assurer leur mission». Résultat: les conditions d’accueil des patients et les prises en charge sont difficiles. D’après lui, la responsabilité en incombe aux services sociaux : «on ne s’intéresse pas à la place des personnes âgées dans notre société, et depuis la canicule (de 2003), on n’a toujours pas engagé de débat fondamental. (…) de plus en plus de personnes âgées sont dirigées sur les urgences alors que les hôpitaux ferment de plus en plus de lits, et qu’il n’y a pas assez de personnels pour les soins à domicile ou dans les maisons de retraite (…) [parce que l’] on n’a pas su prévoir l’évolution démographique».

«la maîtrise comptable et l’étranglement financier du service public hospitalier»

La coordination médicale hospitalière (CMH) a abondé dans le même sens et déclaré soutenir les mouvements des équipes des services d’urgence et des Samu bretons «qui se retrouvent dans l’incapacité de faire fonctionner normalement le service public hospitalier. (…) Cette situation est liée à un transfert de charges, notamment sur la tranche nocturne, du fait du désengagement de la médecine de ville (ndlr :libérale), des missions de permanence des soins (PDS : gardes et astreintes)». Les médecins urgentistes se révoltent: «Ni les Samu, ni les services d’urgence hospitalier n’ont vocation ni capacité à assurer la prise en charge médicale permanente de toute la population sur tout le territoire».L’AMUHF demande la limitation de la fermeture de lits dans les établissements hospitaliers à concurrence de 5% sur l’ensemble de l’année et, dénonçant «la maîtrise comptable et l’étranglement financier du service public hospitalier», demande une «rencontre avec le ministre de la Santé», tout en agitant la «menace d’un préavis de grève illimité à partir du 13 avril» si le dossier n’évolue pas favorablement.

L’union des caisses d’assurance maladie (UNCAM) souhaite définir «un cadre national pour la PDS qui sera ensuite adapté au niveau local». Dans ce texte, l’Uncam souligne qu’il n’existe pas un mode d’organisation unique de la PDS mais une diversité importante, car «la situation en montagne est totalement différente de celle d’une agglomération ou d’un département rural. (…) L’assurance maladie considère donc indispensable d’apporter une réponse organisationnelle définie au plus près des besoins».

Enfin, concernant la rémunération des médecins urgentistes des deux secteurs privé et public demandent une revalorisation de leurs honoraires. En effet, après la signature, le 12 janvier, d’une nouvelle convention nationale des médecins libéraux, le syndicat national des urgentistes de l’hospitalisation privée avait fait savoir qu’il «n’acceptait pas que la rémunération des gardes et des astreintes des médecins urgentistes libéraux n’ait pas été reconnue». Tandis que l’Uncam indique que «les médecins régulateurs qui assurent les permanences dans un centre de régulation devraient être rémunérés sur une base horaire», qui pourrait avoir pour base nationale un forfait de 60 euros de l’heure. S’agissant de l’astreinte -volontaire- des médecins, le texte indique qu’ils «devraient recevoir une rémunération forfaitaire spécifique variable en fonction de la période d’astreinte, leurs actes étant rémunérés suivant la nomenclature avec des majorations prévues dans le cadre conventionnel». Le forfait astreinte pourrait alors être proche de celui obtenu par les chirurgiens libéraux.


par Dominique  Raizon

Article publié le 28/03/2005 Dernière mise à jour le 28/03/2005 à 16:14 TU

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Patrick Pelloux

Président de l'Association des médecins urgentistes hospitaliers de France

«Le problème, c'est le début de privatisation de l'hôpital public...»