Séismes et raz-de-marée en Asie
Le séisme sous-marin n’a pas provoqué de tsunami
(Photo : Derek Elias, ESD Coordinator Asia Pacific/Unesco)
source : brgm
Trois mois après le tremblement de terre et le raz-de-marée du 26 décembre 2004 qui ont provoqué la mort de plus de 273 000 personnes, un nouveau séisme est survenu lundi vers 23 heures (heure locale), à 200 kilomètres des côtes de l’île indonésienne de Sumatra. La secousse sous-marine a atteint une magnitude de 8,6 degrés sur l’échelle ouverte de Richter. Ce tremblement de terre sous-marin « est l’un des quatre ou cinq plus puissants séismes de ces 100 dernières années » a indiqué un sismologue de l’agence géologique américaine (USGS). Mais cette secousse a libéré quatre ou cinq fois moins d’énergie que le tremblement de terre de décembre.
Les spécialistes estiment que ce tremblement de terre est assez surprenant. Il a provoqué une cassure de la croûte terrestre, mais à une profondeur relativement superficielle. On aurait pu imaginer qu’il y ait un effet en surface, donc un tsunami, ce qui n’a pas été le cas malgré la puissance de la secousse. Les sismologues font par ailleurs remarquer que la plupart des grands séismes ne produisent pas de raz-de-marée.
Seule l’île indonésienne de Simeulue a été atteinte par une vague de trois mètres de hauteur. Cette île se situe au nord de l’île de Nias. C’est sur ces deux îles que ce nouveau tremblement de terre a fait le plus de victimes.
La plaque indienne passe sous Sumatra
Des répliques de plus faible intensité ont encore eu lieu dans la matinée de mardi, et d’autres encore pourront se produire dans les mois à venir, estiment les sismologues. Car une faille s’est réactivée à la limite de la plaque indienne et de la plaque de Burma (bloc indochinois, Birmanie et Thaïlande). La plaque indienne, ou plaque australienne, est en train de passer sous l’île de Sumatra. Cette île a déjà connu de grands tremblements de terre, en 1833 et en 1861. Cette zone est très vulnérable. Les premières observations montrent qu’il y a eu une rupture sur la ligne de faille entre les deux plaques, rupture qui s’est propagée sur plusieurs centaines de kilomètres. La puissance de la secousse a en plus déplacé la ligne de faille elle-même d’une dizaine de mètres.
Dès qu’ils ont eu connaissance de ce nouveau tremblement de terre, les géologues américains ont prévenu les autorités des pays concernés. Le Japon lui aussi a lancé une alerte au tsunami dans la région. Les responsables politiques n’ont pas voulu prendre le risque d’une nouvelle catastrophe même si un tsunami n’était pas annoncé. Alors les services météo, par exemple en Indonésie, ont envoyé par fax des messages à la presse, indiquant qu’il fallait évacuer les zones côtières. Dans tous les pays soumis au risque, l’alerte a été donnée par les radios et les télévisions. Parfois, ce sont les cloches qui ont sonné ou encore des consignes ont été diffusés par haut-parleurs, dans les temples.
L’Indonésie encore la plus touchée
Une fois encore, c’est l’Indonésie et son chapelet d’îles le long de Sumatra qui sont le plus touchés. Le pays reste mal préparé aux catastrophes naturelles et a été à nouveau « surpris » par ce nouveau séisme, a estimé le président Susilo Bambang Yudhoyono. « Nous venions d’achever la phase d’aide d’urgence à Aceh et à Nias, nous avons été pris à nouveau par surprise par le séisme à Nias et Simeulue », a déclaré le chef de l’Etat indonésien.
L’Indonésie a adopté un système d’alerte venu d’Allemagne mais le dispositif représente une dépense de 60 millions de dollars et ne sera pas mis en place avant octobre prochain. Et c’est en 2008 seulement que le système sera opérationnel. L’un des responsables de l’agence indonésienne de météorologie et de géophysique l’a admis : la plupart des gens déjà touchés par le tsunami du 26 décembre ont un accès limité aux médias et la seule alerte qu’ils ont reçu dans la nuit de lundi à mardi c’est la secousse qui les a encouragés à se réfugier sur des hauteurs.
En Thaïlande le Premier ministre Thaksin Shinawatra a estimé que « bien que notre système d’alerte ne soit pas complet, nous avons réussi à avertir la population suffisamment à temps pour qu’elle puisse se mettre en sécurité. Même 20 minutes, c’est beaucoup et dorénavant, les gens peuvent se sentir plus en sécurité car ils savent que les agences gouvernementales surveillent la situation ». 5 400 personnes ont péri dans le tsunami de décembre et cette nouvelle alerte est mal tombée pour ce pays qui vit du tourisme et qui fait tout pour faire revenir les vacanciers. Dans ce pays, le système d’alerte n’est pas encore en place. Le risque de raz-de-marée a été annoncé à la radio et à la télévision. « Le réseau de téléphonie mobile est devenu complètement saturé », a expliqué Udomsak Asawarangkura, le gouverneur de l’île de Phuket.
A chacun son système d’alerte
« Nous avons alerté tous les Etats côtiers en 10 minutes », s’est félicité le directeur de la cellule de gestion des catastrophes au ministère indien de l’Intérieur. Des messages ont été diffusés à la radio et à la télévision ; 70 000 personnes ont été évacuées pendant la nuit dans le district de Nagapattinam, dans l’est du Tamil Nadu, l’Etat indien le plus touché par la catastrophe du 26 décembre. 30 000 personnes ont également été évacuées au Kerala. Les procédures à suivre en cas d’urgence semblent avoir été bien suivies.
L’Inde est en train de mettre en place son propre système d’alerte au tsunami. « Les travaux ont déjà commencé », a indiqué S.K. Swami, directeur de la cellule de gestion des catastrophes. Des détecteurs vont être déposés sur les fonds marins. Ces équipements d’une valeur de 2,4 milliards de dollars sont déjà arrivés en Inde mais le système sera opérationnel dans trente mois seulement.
Au Sri-Lanka, des médias et des députés se sont plaints d’avoir manqué d’information et ont demandé la création d’un organisme habilité à rendre publiques les alertes lorsque des catastrophes naturelles sont annoncées. Des milliers de personnes avaient cependant évacué préventivement le bord de mer. Des sirènes ont diffusé des messages d’alerte et des véhicules de police ont ratissé le littoral demandant, à l’aide de mégaphones, à la population, de rentrer dans les terres.
Le système global sera décentralisé
Trois mois après le raz-de-marée dévastateur, les pays bordant l’océan Indien se sont montrés vigilants. Partout, des policiers, des soldats, des moines, des pêcheurs, ont utilisé des porte-voix, des téléphones, des radios, ou tout autre moyen de communication pour alerter du risque de tsunami après ce nouveau tremblement de terre. La prévention a bien fonctionné car les habitants ont encore en mémoire le désastre de fin décembre.
Pour ce qui est d’un système d’alerte à l’échelle de l’océan Indien, il ne semble pas prêt de voir le jour. Les réunions internationales ont montré que plusieurs pays sont en concurrence pour installer ce système. L’Allemagne, l’Australie, la Chine, les Etats-Unis, la France, l’Inde, l’Indonésie, le Japon et la Thaïlande ont proposé leur expertise. Résultat, la seule décision prise à l’échelle de la région c’est la mise en place « d’un réseau coordonné de capacités et de systèmes nationaux ».
L’Indonésie revendique le projet le plus avancé avec la technologie allemande. L’Inde met en place son propre système. La Thaïlande qui voulait avoir la direction du projet global va finalement, elle aussi, mettre en place son propre système pour protéger son industrie du tourisme. « L’essentiel c’est que ces systèmes nationaux, quand ils produisent des données scientifiques, soient compatibles les uns avec les autres et puissent immédiatement partager les informations en temps réel », a estimé un responsable japonais à l’issue d’une réunion, début mars, à Paris, sous l’égide des Nations unies. Réunion qui avait vu se dégager le projet décentralisé.
par Colette Thomas
Article publié le 29/03/2005Dernière mise à jour le 29/03/2005 à TU