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CAN/CM 2006

L'avenir de Kanouté en équipe du Mali compromis

par Gérard Dreyfus

Article publié le 31/03/2005 Dernière mise à jour le 07/04/2005 à 08:57 TU

14 mois après avoir effectué ses grands débuts en équipe nationale, Frédéric Kanouté a peut-être fait ses adieux aux Aigles du Mali le 27 mars.(Photo : AFP)

14 mois après avoir effectué ses grands débuts en équipe nationale, Frédéric Kanouté a peut-être fait ses adieux aux Aigles du Mali le 27 mars.
(Photo : AFP)

La défaite du Mali chez lui contre le Togo lors de la première journée des matches retour des éliminatoires CAN/CM 2006 a laissé des traces visibles et d'autres qui le sont moins. Les premières ont eu une effet dévastateur: voitures brûlées, petits hôtels, bar-restaurants incendiés, mobilier urbain dégradé, vols etc. Les secondes seront les plus difficiles à effacer, car elles ont créé un fossé entre le public en rêve de Coupe du monde et de Coupe d'Afrique, et une équipe pourtant composée des meilleurs éléments professionnels qui n'a pas fait mieux que ses devancières. Les pros, Kanouté, Diarra, Sissoko, Bagayoko et autres reviendront-ils? Pas sûr.

Le 18 janvier 2004 Frédéric Kanouté endossait, pour la première fois, le maillot des Aigles. Une intronisation heureuse; le Mali lors d'un match amical de préparation à la CAN l'emportait face à l'Algérie sur la marque de deux buts à zéro. A 27 ans, l'ancien international espoirs français venait de bénéficier des nouvelles règles édictées par la FIFA. Né de père malien et de mère française, il possédait la double nationalité. Après une tentative sans suite du côté français, il était autorisé à changer de nationalité sportive et de défendre les couleurs paternelles. «C'est une sorte de retour aux racines, confiait-il ce jour-là. Mon père m'avait demandé de bien réfléchir et quand j'ai choisi le Mali, il a été content».

L'est-il encore aujourd'hui alors que son fils a été hué, conspué, voué aux gémonies comme tous ceux qui étaient à ses côtés au stade du 26 mars? Difficile de répondre. De toute façon, il est trop tard pour avoir des regrets. Frédéric affirme que cela a été «l'expérience la plus effrayante» de sa carrière. «J'ai eu vraiment peur. Je n'ai jamais pensé que j'allais mourir (on a prétendu que certains spectateurs, au stade, l'avaient menacé de mort, lui et Mamadou Bagayoko), mais c'était une situation dangereuse pour nous tous». Ce match du 27 mars sera peut-être le dernier sous le maillot des Aigles. «Je ne sais pas si je jouerai encore pour le Mali». D'autres joueurs, encore sous le choc, sont dans le même état d'esprit. Mohamed Lamine Sissoko à son retour à Valence (Espagne) abondait dans la même interrogation: «Si cela ne s'arrange pas, je n'irai plus». Lui n'a que vingt ans et doit constituer une des pièces maîtresses de l'équipe pour les années à venir. Pour Mamadou Bagayoko, le mauvais sort, au moins par les paroles, réservé aux joueurs, ne leur était pas destiné, mais aux dirigeants. Aux politiques tout autant qu'à ceux qui ont en charge la fédération.«Il y a beaucoup de problèmes dans cette équipe, des problèmes de dirigeants, des problèmes de détournements...» Bagayoko reste évasif quant aux problèmes des joueurs. Il se dit que l'entente serait loin d'être parfaite - c'est souvent le cas quand une équipe perd (son bilan en six matches est de deux nuls et quatre défaites) - et que les non-dits mineraient le groupe. Mamadou Bagayoko écarté de la CAN en Tunisie peut se demander s'il a bien fait de revenir. Et d'autres avec lui. La venue de Pierre Lechantre au dernier moment n'a pas pu transformer une équipe qu'il ne connaissait pas. «Ce n'est pas en cinq jours qu'on bâtit une équipe» lui avait dit Bagayoko. L'avenir immédiat du Mali est bouché; il doit déjà penser à 2008 et 2010, des échéances plus proches qu'on ne le pense dans le pays. Il convient désormais de revoir l'organisation du football dans le pays et ne pas s'en remettre exclusivement aux professionnels.

C'est étrange que le Mali qui a réussi de remarquables performances en Coupe d'Afrique des Nations chaque fois qu'il l'a disputée (finaliste en 1972, demi-finaliste en 1994, 2002 et 2004) connaisse des trous brutaux alors que tout paraissait devoir lui sourire.
C'est étrange que le Mali qui s'était découvert, depuis dix ans, des jeunes de grand talent - cadets et juniors - confirmés au niveau international soit brutalement arrêté alors que les plus folles espérances, celles d'une Coupe du monde, pouvaient l'habiter.
Les responsables sont nombreux. Et tous sont coupables, joueurs, dirigeants, public. Faire reposer ses échecs sur les autres n'a jamais permis de les résoudre.