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Otages en Irak

Les enlèvements de journalistes se poursuivent

La chaîne qatariote de télévision satellitaire Al-Jazira a diffusé une vidéo montrant les trois journalistes roumains et l'homme d'affaires qui les accompagnait, enlevés tous les quatre en Irak le 28 mars.(Photo : AFP)
La chaîne qatariote de télévision satellitaire Al-Jazira a diffusé une vidéo montrant les trois journalistes roumains et l'homme d'affaires qui les accompagnait, enlevés tous les quatre en Irak le 28 mars.
(Photo : AFP)
Vingt quatre heures après la diffusion d’une première vidéo, une photo des trois journalistes roumains pris en otages en Irak a été diffusée, vendredi, par une chaîne de télévision. Ils sont aux mains d’un mystérieux groupe qui n’a, jusqu’à présent, exprimé publiquement aucune revendication. L’inquiétude sur le sort des journalistes roumains s’ajoute à celle générée par la situation que vivent la Française Florence Aubenas et son guide irakien Hussein Hanoun al-Saadi, retenus en otages depuis 86 jours.

La solidarité avec les trois journalistes roumains enlevés lundi en Irak s’organise peu à peu en France. Vendredi, Antoine de Gaudemar et Serge July, respectivement directeur de la rédaction et directeur de la publication du quotidien Libération, ont tenu à Paris une conférence de presse en compagnie de Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF) et Razva Martin, responsable de l’ONG Media Monitoring Agency avec laquelle travaille RSF en Roumanie. «Nous ne faisons pas de différence entre les journalistes roumains, comme nous n’en avons pas fait entre les journalistes de Libération et (la journaliste italienne) Giuliana Sgrena», a expliqué Serge July. De son côté, Razva Martin a précisé que son ONG avait «besoin de tous les soutiens des organisations de journaux dans le monde, de tout journal» dans sa lutte pour la libération des trois journalistes roumains.

Eduard Ohanesian, correspondant du quotidien Romania Libera, Marie-Jeanne Ion et Sorin Miscoci, qui travaillent tous deux pour la chaîne de télévision Prima TV, ont été enlevés le 28 mars dans la banlieue de Bagdad. Tous les trois étaient arrivés la semaine précédente en Irak pour réaliser une série de reportages. Selon Petre Mihai Bacanu, directeur de Romania Libera, leur déplacement avait été payé et organisé par un homme d’affaires américain d’origine irakienne, Mohammed Munaf, un homme qui possède également la nationalité roumaine. Ce dernier a lui aussi été enlevé et est apparu, en compagnie des trois journalistes, sur une vidéo diffusée mercredi par la chaîne de télévision al-Jazira. Dans ce document, deux hommes, la tête recouverte d’un keffieh, pointent leurs armes en direction des quatre otages assis sur le sol, avec en arrière-fond une couverture fleurie accrochée au mur. S’exprimant en anglais, Marie-Jeanne Ion affirme devant la caméra : «J’ai entendu qu’une somme d’argent avait été demandée en échange de notre libération. Cela n’est pas vrai».

Si l’identité et les exigences des ravisseurs ne sont pas encore connues, certains indices laissent penser qu’il s’agit d’une organisation déjà rôdée à l’exercice de l’enlèvement. «A mon avis, il s’agit d’un groupe armé expérimenté car ils ont vite trouvé les moyens pour diffuser cette vidéo», estime Dan Dimitru, directeur de la chaîne Prima TV. Et ce média recevait vendredi une nouvelle preuve de vie des otages, une photo prise devant la même couverture sur laquelle apparaissent les trois journalistes roumains, debout, encadrés par deux ravisseurs armés, et montrant à la caméra leurs cartes de presse et leurs passeports. Le président roumain Traian Basescu, qui a rendu visite en Irak aux quelque 800 militaires déployés dans ce pays vingt-quatre heures avant l’enlèvement des journalistes, a assuré diriger directement les efforts en vue de leur libération. Une gestion jugée opaque par certains médias roumains qui n’hésitent pas à remettre en question la compétence des autorités roumaines dans cette affaire.

La France mobilisée pour Aubenas et Hanoun

Comme ils l’avaient fait avec le portrait de la journaliste Giuliana Sgrena, libérée le 4 mars après un mois de détention, RSF s’apprête à accrocher dans le centre de Paris les portraits de Eduard Ohanesian, Marie-Jeanne Ion et Sorin Miscoci. Ceux de Florence Aubenas et de son guide irakien Hanoun al-Saadi sont, eux, toujours accrochés place de la République, à quelques dizaines de mètres des locaux du quotidien Libération. La mobilisation visant à obtenir leur libération ne fléchit pas en France, les actes de soutien se multipliant. L’un des derniers en date s’est déroulé mercredi au Trocadéro où s’étaient rassemblés quelque trois cents parlementaires de toutes tendances. «Il s'agit pour nous tous, sans distinction, d'apporter la preuve de notre cohésion nationale(…). La liberté de la presse, comme toute liberté, ne s'emprisonne pas», a affirmé Christian Poncelet, président du Sénat.

Les autorités françaises ont également fait le point cette semaine sur les efforts déployés en vue d’obtenir leur libération. «Nous avons maintenant des contacts qui semblent stabilisés, ce qui nous permet d’avoir quelque espoir», a indiqué mardi le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin devant l’Assemblée nationale. «Les services ont aujourd’hui des informations rassurantes», a ajouté Jean-Pierre Raffarin en expliquant que l’appel lancé le 3 mars aux ravisseurs pour qu’ils s’adressent aux autorités françaises avait porté ses fruits. De son côté, Michel Barnier, ministre français des Affaires étrangères, précisait que des contacts avaient certes été noués mais pas directement avec les ravisseurs. «Nous cherchons le contact avec ceux qui détiennent Florence Aubenas et Hussein Hanoun, nous avons noué des fils et nous essayons de tirer ces fils pour obtenir leur libération», indiquait mercredi Michel Barnier, tout en insistant sur la nécessité de faire preuve de la plus grande discrétion pour garantir la sécurité des otages. Et il a affirmé dans une interview réalisée pour l’émission de télévision Vivement dimanche, qui sera diffusée dans quarante-huit heures, que les autorités françaises possédaient «des preuves de vie».


par Olivier  Bras

Article publié le 01/04/2005 Dernière mise à jour le 01/04/2005 à 17:28 TU

Audio

Luca Niculescu

Correspondant de RFI à Bucarest

«Mobilisation en Roumanie après la prise d'otages»

Robert Ménard

Secrétaire général de Reporters sans frontières

«Ce que l'on pensait être une prise d'otages crapuleuse a peut-être des raisons politiques.»