Mexique
L’adieu des Mexicains au « Pape-ami »
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Mexico
Dans le sanctuaire de la Vierge de la Guadalupe, les Indiens Concheros qui dansent tous les jours sur le parvis de la basilique pour cette vierge, ont fait taire leurs tambours, leurs danses se sont arrêtées et le son sourd de leurs coquillages s’est tu lorsqu’ils ont appris la mort de Jean-Paul II qu’ils accompagnaient dans son agonie. Un pape avec qui ils partageaient une même dévotion : la Vierge de la Guadalupe. Les Concheros, parés de leurs plus beaux panaches, lui ont offert une dernière danse. La même que celle qu’ils ont exécutée sur le maître-autel de la basilique lors de la messe de béatification des martyres de Oaxaca le 1er août 2002.
Les Mexicains ont commencé à se rassembler sur l’immense esplanade, au pied du Mont Tepeyac. Un énorme nœud de tissus noir a été accroché au dessus du porche central de la basilique. Les bras chargés de fleurs, des lys, des glaïeuls, des roses blanches et jaune, aux couleurs du Vatican, les Mexicains se sont rendus toute la journée du samedi et du dimanche au pied de l’immense statue de bronze doré de Jean-Paul II. A la tombée du jour, des milliers de petites veilleuses solitaires clignotaient.
Devant cette imposante statue, les fidèles lui ont fait un parterre de pétales de fleurs. Tout autour, une foule de gens, tous différents mais tous d’une grande tristesse. Par moment, quelques chants, à capella, s’élèvent spontanément pour un ultime adieu. Certains pleurent doucement, un groupe d’hommes entonnent Amigo, la chanson de Roberto Carlos chanté à Karol Wojtyla lors de sa première visite à Mexico, d’autres encore, les yeux levés lui adressent une dernière prière, une promesse. Des gens qui témoignent de leur infinie tristesse comme cet homme au visage rude qui leva son poing en signe d’adieu comme lorsque l’on perd un ami.
Dans la basilique, le recteur du sanctuaire, Mgr Diego Monroy a célébré une messe solennelle pour son repos éternel, puis de 9h du soir jusqu’à 7 heures du matin, adultes, jeunes gens se sont relayés pour une veillée funèbre. Le dimanche, la foule était encore plus dense. Vers midi, des ballons blancs ont été lâchés depuis l’esplanade. Dans la cathédrale, les fleurs s’amoncellent sur les reposoirs latéraux. Dans la foule, beaucoup de paysans, d’ouvriers, d’indigènes en costumes traditionnels de deuil se recueillent, à genoux sur les dalles de lave noire. Dans le chœur, des chants religieux emplissent l’immensité de la basilique.
Les visites du Pape-pèlerin
Cette ferveur pour Jean-Paul II remonte au 1er février 1979 lorsque le Pape atterrit au Mexique. C’est le pays qu’il choisit de visiter en priorité pour manifester sa vénération pour la Vierge de la Guadalupe, la vierge du métissage. C’est sans doute pour cette raison que le courant est immédiatement passé entre Jean-Paul II et les Mexicains.
Après avoir baisé le sol, Jean-Paul II est accueilli à l’aéroport par le président Lopez Portillo qui lui serre la main : l’État mexicain n’entretenant pas à l’époque de relations diplomatiques avec le Vatican. Réception officielle courtoise mais déjà le peuple mexicain veut lui témoigner son attachement. Ils sont une centaine qui viennent au petit matin sous ses fenêtres, lui chanter les « Mañanitas », Cielito lindo et d’autres chansons populaires. Au second voyage, le 6 mai 1990, il pleut à verse. Un million de Mexicains l’attendent au pied de l’avion. Comme par miracle, la pluie cesse dès qu’apparaît le Saint-Père. C’est l’euphorie. Il vient béatifie Juan Diego et les enfants martyres de Tlaxcala. Les relations s’améliorent avec le gouvernement de Carlos Salinas de Gortari qui ouvre des négociations pour reconnaître officiellement le Vatican. Lorsque la délégation officielle passe devant la place Garibaldi, les Mariachis lui offrent une sérénade. Le Pape s’arrête, salue, bénit. A chaque voyage – il y en a eu cinq – des millions de personnes lui ont fait des haies d’honneur comme dans aucun pays. Pour les Mexicains c’est un « pape-ami » qui comprend leur foi, leurs traditions. Cette relation particulière trouve son expression maximum lors de la canonisation du premier indigène, Juan Diego Cuauhtlatoatzin, ce jeune berger à qui est apparue plusieurs fois la Vierge de la Guadalupe. Il aura fallu attendre plus de 500 ans pour que l’église catholique accepte en son sein un saint indigène !
Jean-Paul II est aussi celui qui a donné aux Mexicains de l’espoir ; il a rappelé que c’était par le dialogue et la solidarité qu’il serait possible de trouver une solution au conflit du Chiapas et qu’il fallait construire une société plus juste et fraternelle.
Aujourd’hui, ce sont tous ces fidèles à qui il a dit lors de sa dernière visite« je m’en vais, mais je ne pars pas, je m’en vais mais je ne m’absente pas, parce que même si je pars, mon cœur reste avec vous » Ceux sont donc tous ces Mexicains qui ont défilé devant sa statue pour le saluer une dernière fois dans ce sanctuaire de la Guadalupe.
par Patrice Gouy
Article publié le 04/04/2005 Dernière mise à jour le 04/04/2005 à 16:03 TU