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Côte d'Ivoire

Accord minimum à Pretoria, Mbeki doit trancher

(de gauche à droite) Le président de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo, l'ancien président, Henri Konan-Bédié, le Premier ministre, Seydou Diarra, l'ancien Premier ministre, Alassane Ouattara et l'ancien chef rebelle Guillaume Sorro, co-signataires de l'Accord de Prétoria.(Photo: AFP)
(de gauche à droite) Le président de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo, l'ancien président, Henri Konan-Bédié, le Premier ministre, Seydou Diarra, l'ancien Premier ministre, Alassane Ouattara et l'ancien chef rebelle Guillaume Sorro, co-signataires de l'Accord de Prétoria.
(Photo: AFP)

Le marathon engagé dimanche, à Pretoria, par Thabo Mbeki s’est clos le 6 avril avec un «Accord de Pretoria sur le processus de paix en Côte d’Ivoire». Au fil de ses 18 points, le document final élude la question de l’éligibilité à la magistrature suprême mais engage les signataires sur la voie de compromis politiques. Le médiateur sud-africain se prononcera «d’ici une semaine» sur les critères des candidatures à la présidence de la République, après avoir consulté le président de l’Union africaine, Olusegun Obasanjo, et le secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan. L’Accord convient que les prérogatives du Premier ministre sont suffisantes et renforce la participation au processus électoral de ceux des signataires qui ne disposent pas de représentation à l’Assemblée nationale. Il déclare «la cessation immédiate et définitive de toutes les hostilités et la fin de la guerre dans toute la Côte d'Ivoire».


De «déclaration de fin de guerre» en accommodements pré-électoraux, la question très attendue de «l’amendement de l’article 35 de la Constitution» arrive en fin d’accord, dans un point 14 consacré à «l’éligibilité à la présidence de la République». Son contenu laisse le lecteur sur sa faim, du moins l’observateur extérieur, car dans le huis-clos de Pretoria, chacun des protagonistes de la crise ivoirienne a pu faire la revue de ses revendications devant Thabo Mbeki. Le texte annonce que, sur ce point officiellement non réglé, «la décision issue [des] consultations» de Thabo Mbeki avec Olusegun Obasanjo et Kofi Annan «sera communiquée aux leaders ivoiriens». «Il faut laisser le temps au temps» commente le président Gbagbo, aussi laconique que le texte. «Nous sommes entre les mains du président Mbeki», lance Alassane Ouattara, candidat jusque là évincé du Rassemblement des républicains (RDR).

La question de l'éventuel référendum renvoyée à plus tard

La seule épine dans l’amendement de l’article 35, c’est la brûlante question du référendum constitutionnel cher au président Gbagbo. Le texte se garde bien d’en parler comme son prédécesseur d’Accra III qui avait fait rebondir la polémique en n’écartant pas l’idée d’une consultation populaire comme le prévoit du reste la charte fondamentale dans ce cas de figure. Mais foin de légalisme constitutionnel, car c’est d'un accord politique que le pragmatique Thabo Mbeki veut accoucher. Certes, l’accord de Pretoria inscrit les promesses de désarmement en préambule. Sans démilitarisation de la crise, les élections auxquelles il aspire sont en effet impossibles. Mais entre les deux extrémités de la pelote ivoirienne, le texte inscrit les partis déjà signataires de Marcoussis et d’Accra, à égalité dans le jeu politique, quelle que soit leur représentativité parlementaire. A l’issue de cette transition de la guerre vers la paix, ce pourrait être aux urnes et non plus aux armes de faire le tri.

Référendum ou pas, le FPI (parti présidentiel), le RDR, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Henri Konan-Bédié et les Forces nouvelles de Guillaume Soro voient dans ce texte leurs chefs s’engager plus ou moins avant dans la préparation de la joute présidentielle. Au passage, chacun reçoit peu ou prou son viatique. Les anciens rebelles obtiennent par exemple six représentants dans la Commission nationale indépendante (CEI). Le bénéfice du «principe du financement des partis politiques» est accordé à tous, qu’il dispose ou non d’une légitimité parlementaire. Il faudra quand même accepter que les Nations unies veillent au grain dans la CEI, mais aussi au Conseil constitutionnel.

600 ex-rebelles pourront devenir gendarmes ou policiers

En échange d’égratignures faites à la souveraineté nationale ou à la rigueur constitutionnelle, les adversaires du président Gbagbo n’ont plus lieu de lui réclamer une plus ample délégation de pouvoirs au Premier ministre. Le texte juge suffisantes les prérogatives dont Seydou Diarra dispose déjà. De leur côté, «les Forces nouvelles acceptent de réintégrer le gouvernement de réconciliation nationale». Ceci fait, «le ministre d’Etat, Guillaume Soro» pourra soumettre au président Gbagbo le nom de ses candidats au conseil d’administration de la radio-télévision ivoirienne, «une institution importante» qui doit servir «l’unité et la réconciliation nationale» et dont «les émissions doivent couvrir immédiatement l’ensemble du territoire national». 

Pour retirer tout grain sécuritaire à moudre aux anciens rebelles, l’accord prévoit que «dès le début de l’opération de cantonnement» de ses hommes, 600 d’entre eux «recevront une formation accélérée par la section de la police de l’Onuci», l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire. Ils seront «déployés aux côtés des forces de l’Onuci» pour «garantir la sécurité des biens et des personnes» au Nord. Une future carrière de gendarme ou de policier leur est promise «dès que l’administration de l’Etat sera rétablie sur l’ensemble du territoire national».

Le succès dépendra de la bonne volonté des protagonistes

Dans la «déclaration commune de fin de guerre» qui ouvre le texte, les anciens belligérants confient «l’opération de désarmement et du démantèlement des milices» au Premier ministre. Reconnu dans son statut présidentiel de «chef suprême des armées», Laurent Gbagbo «désignera des unités des forces de défense et de sécurité» chargées de l’assister dans cette mission d’autant plus délicate que ses cibles (les milices) ne sont pas explicitement identifiées. Pour le gros des troupes, les états-majors des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci) et des Forces nouvelles (FEANF) doivent reprendre leurs concertation sur le «plan national de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (PNDDR)», dès le 14 avril.

«Nous avons un accord sur le processus de paix en Côte d'Ivoire», se félicite Thabo Mbeki, reprenant le titre du document. Celui-ci ne constitue pas un accord de paix, mais un pas vers une dynamique politique dont le succès dépend de la bonne volonté des protagonistes. Après le cessez-le-feu de 2002, leur «déclaration commune de fin de guerre» entend visiblement marquer un passage du terrain militaire au règlement politique. Pour leur part, ministres et députés sont appelés à finaliser et à adopter les textes conformes à l’Accord de Marcoussis (janvier 2003) fin avril «au plus tard». Reste la très indigeste pomme de discorde de l’éligibilité. Pour le moment, Thabo Mbeki la garde dans sa besace de médiateur.


par Monique  Mas

Article publié le 06/04/2005 Dernière mise à jour le 07/04/2005 à 10:05 TU

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Bruno Minas

Correspondant de RFI à Johannesburg

«Laurent Gbagbo est celui qui a fait le plus de concessions dans ces négociations. »

Henri Konan Bédié

Ancien président ivoirien et président du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire

« Le mot ivoirité n’est jamais utilisé dans ces accords »