Chine
La campagne anti-japonaise s’amplifie
(Photo: AFP)
De notre correspondant à Pékin
Il y a cinq jours, l’autorisation de la publication d’un manuel scolaire par le ministre de l’éducation japonais avait provoqué la colère de Pékin. Ce livre d’histoire, destiné aux collégiens japonais, minimise la colonisation nippone en Chine et qualifie le massacre de Nankin, en 1937, « d’événement ». Ce week-end, la population chinoise est passée à l’acte dans plusieurs villes du pays. Des centaines de personnes se sont mobilisées par le biais d’Internet. Elles se sont donné rendez-vous dans le quartier des universités au nord de Pékin, puis ont marché près de quinze kilomètres avant de rejoindre le quartier des ambassades. Etudiants ou employés de bureau rejoints par des badauds, ils étaient près de 10 000 ce samedi devant l’ambassade du Japon à scander des slogans anti-japonais : « A bas le Japon ! », « si vous êtes patriotes, rejoignez nous pour lutter contre l’ennemi Japonais » criaient aussi certains manifestants. Entamant en chœur l’hymne national, ils ont campé plusieurs heures devant la représentation japonaise avant de jeter des pierres et des œufs sur l’ambassade, tentant de forcer les barrages policiers. Un rassemblement d’une telle ampleur n’avaient pas eu lieu à Pékin depuis celui des adeptes de la secte Falungong en 1999.
Le Japon choqué
Dimanche, les protestations se sont étendues à d’autres grandes villes de Chine. A Canton et Shenzhen, près de 20 000 personnes ont également manifesté devant les consulats du Japon. Hormis ces manifestations, des étudiants japonais ont été violemment agressé dans un restaurant de Shanghai.
Suite à ces manifestations, le ministre des affaires étrangères japonais Nobukata Machimura a convoqué l’ambassadeur de Chine à Tokyo pour lui demander si ces manifestations avaient été autorisées par le gouvernement chinois. Le ministre a réclamé «des excuses et des dédommagements», ainsi que la sécurité pour les entreprises et les ressortissants japonais présents en Chine. A l’université des minorités, au nord de Pékin, deux étudiantes japonaises rencontrées dimanche nous ont confirmé «avoir peur pour leur sécurité» et «ne plus vouloir sortir seules».
Laxisme volontaire des autorités chinoises
Habituellement interdites ou réprimées, les manifestations, ce week-end, ont pu avoir lieu sans que la police intervienne contre les manifestants. Les autorités ont donc fermé les yeux, légitimant ainsi le déchaînement anti-japonais. Face aux débordements et aux violences du week-end, Pékin a promis de faire régner le calme dans la capitale tout en se défendant d’être responsable de ces protestations. La Chine accuse au contraire le Japon d’être «responsable de la dégradation des relations bilatérales», a affirmé dimanche un porte parole du ministère des Affaires étrangères chinois. Et les sujets de frictions ne concernent pas uniquement les manuels scolaires. La demande du Japon d’obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies est aussi vivement critiquée par Pékin. Sur le plus grand portail Internet chinois, Sina.com ( 30 millions de visiteurs par jour ), une pétition avait même été mise en ligne il y a dix jours avec pour mot d’ordre : «Opposons nous à la demande du Japon d’intégrer le conseil de sécurité de l’ONU. Soyons patriotes !». Cette pétition, qui a recueilli près de dix millions de signatures, «doit être envoyée aux diplomates en postes à l’ONU ainsi qu’au secrétaire général de l’ONU lui-même Koffi Annan » explique le directeur de l’information de Sina.com. Depuis plusieurs jours, les médias officiels ont largement contribué à exacerber le sentiment anti-japonais déjà très présent dans la population. D’après les organisateurs des manifestations, la campagne anti-japonaise devrait se poursuivre ces prochaines semaines avec notamment un appel au boycott des produits japonais dans tout le pays.par Michael Sztanke
Article publié le 10/04/2005 Dernière mise à jour le 10/04/2005 à 16:43 TU