Arabie saoudite
Le régime saoudien assure avoir liquidé le noyau dur d'al-Qaïda
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Doha
C'est sans aucun doute l'opération la plus violente que les forces de sécurité saoudiennes aient menée depuis qu'elles se sont lancées, fin 2003, dans la traque des combattants d'al-Qaïda, ces centaines de djihadistes rentrés au pays après la chute du régime taliban à Kaboul. Dimanche 3 avril à l'aube, elles ont encerclé plusieurs villas d'un quartier résidentiel d'al-Rass, petite bourgade située à 300 Kms au nord de Riyad, dans la région d'al-Qassim. A l'intérieur des bâtiments s'était retranché le noyau dur d'al-Qaïda en Arabie saoudite. Une quinzaine d'hommes surarmés qui ont tenu tête aux forces spéciales pendant trois jours.
Pour venir à bout de ces «égarés», comme les désigne le régime saoudien, l'état-major avait d'abord opté pour une stratégie de harcèlement «afin de minimiser les pertes, d'épuiser leurs moyens militaires et de les arrêter vivants», selon le général Mansour al-Turki, porte-parole du ministère de l'Intérieur. Mais la détermination de ces militants a eu raison de la patience des policiers. Après trois jours de siège, ils ont finalement donné l'assaut, tuant 15 personnes, parmi lesquels au moins deux hommes clés d'al-Qaïda dans la région dont les identités ont été confirmées samedi soir.
Le premier s'appelle Abdelkrim al-Mejjati. Agé de 36 ans, il est né à Casablanca d'une mère marocaine et d'un père français qui lui a aussi transmis sa nationalité. Malgré ses origines bourgeoises, il a rejoint les camps d'entraînement d'Afghanistan au début des années 90. Après la chute du régime taliban, il est rentré dans son pays d'origine, le Maroc, d'où il aurait organisé les attentats de Casablanca d'abord en mai 2003, puis de Madrid en mars 2004. Recherché par les polices marocaine et espagnole, cet expert dans la fabrication de bombes était aussi fiché par le FBI après deux voyages suspects aux Etats-Unis entre 1997 et 2000. Selon le ministère de l'Intérieur saoudien, il aurait rejoint Riyad grâce à un faux passeport français.
Décapitation
Le second individu est un Saoudien : Saoud Homod al-Oteibi. Qualifié par les autorités de «chef de la bande», lui aussi a fait ses classes en Afghanistan. Il était considéré comme l'un des principaux chefs d'al-Qaïda dans le royaume, l'un des commanditaires de la vague d'attentats perpétrés depuis 2003.
D'après le ministère de l'Intérieur, il aurait même directement participé à l'enlèvement et à l'assassinat par décapitation en mai 2004 de Paul Johnson, un ressortissant américain travaillant à Riyad pour le fabricant d'armes Lockheed Martins. Saoud Homod al-Oteibi figurait d'ailleurs en bonne place sur la liste des 26 membres du réseau d'Oussama ben Laden les plus recherchés en Arabie saoudite.
Autre activiste figurant sur cette liste publiée fin 2003 et qui aurait été abattu dans l'opération d'al-Rass, Saleh al-Oufi. Egalement saoudien, il est devenu le chef d'al-Qaïda pour l'ensemble de la péninsule arabique, après la mort d'Abdelaziz al-Mokrine, tué à Riyad en mai 2004. Il est l'auteur de nombreux messages diffusés sur les sites Internet islamistes. Dans le dernier, mis en ligne en février, il appelait «les Lions du Djihad dans les pays du Golfe à attaquer, chacun dans le pays où il se trouve, les croisés» et leurs intérêts. Bien qu'aucun lien n'ait pu être établi avec cet appel, un attentat avait visé quelques semaines plus tard un théâtre fréquenté par la communauté britannique au Qatar, faisant un mort et une dizaine de blessés. L'annonce de sa mort a été faite par un groupe d'opposition basé à Londres, le Mouvement islamique pour la réforme en Arabie (MIRA), mais pas encore confirmée par les autorités qui attendraient les résultats d'analyses ADN.
Menaces persistantes
Deux ans après le début de la vague d'attentats en Arabie saoudite qui a fait 90 morts et plus de 200 blessés, en majorité des occidentaux, le régime remporte, avec ce coup de filet, un réel succès dans sa lutte contre les ramifications d'al-Qaïda sur son territoire. Des 26 membres du réseau qu'il avait identifiés en novembre 2003, seuls deux seraient encore en fuite aujourd'hui. Pour autant, la menace n'a pas définitivement disparue. D'abord, les centaines de combattants saoudiens qui ont rejoint la guérilla irakienne depuis 2003, repasseront la frontière si la pression des forces américaines et irakiennes devient trop forte.
Ensuite, l'idéologie développée par al-Qaïda, qui entend provoquer la chute d'un régime saoudien accusé de corruption et de collaboration avec les Etats-Unis, rencontre un écho favorable dans certaines couches sociales de la population saoudienne, un terrain propice à de nouveaux recrutements.
par Aurélien Colly
Article publié le 12/04/2005 Dernière mise à jour le 12/04/2005 à 11:49 TU