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Sécheresse

La France commence à avoir soif

Source : BRGMDR
Source : BRGM
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Agriculteurs, pêcheurs, pompiers, compagnies d’approvisionnement d’eau, redoutent le déficit en eau annoncé. Il pourrait diminuer le volume des récoltes et provoquer des incendies. La France n’est pas touchée dans sa totalité mais plusieurs régions souffrent déjà.

Des restrictions dans les usages de l’eau viennent d’être imposées par les préfets dans six départements : Oise, Morbihan, Deux-Sèvres, Charente, Charente-Maritime et Vienne. C’est ce qu’indique le ministère de l’Ecologie, après la publication du tout dernier bulletin de situation hydrologique du pays. Cet état des lieux concerne le mois de mars, et il est alarmiste pour les mois à venir : La situation sèche que connaît l’ensemble du territoire semble se renforcer par rapport au mois de février. L’application de mesures de limitation des prélèvements (d’eau), déjà effective dans six départements, est donc prévisible si l’absence de précipitations se poursuit », indique le bulletin de l’administration.

Si les premiers départements à connaître des restrictions d’eau sont situés dans le grand ouest, le reste de la France est proche du déficit. Ce sont les pluies d’automne et d’hiver qui ont manqué dans la grande majorité des régions. Le déficit est de 30% par rapport aux moyennes établies durant les dernières décennies. Dans le Sud-Ouest, l’Ouest, et le Sud-Est, le manque par rapport aux années passées atteint 90%, ce qui a fait dire au ministre de l’Ecologie Serge Lepeltier : «la situation est très préoccupante».

«Nos nappes ont un niveau identique à celui que nous connaissons généralement à la mi-août », indique la préfecture des Deux-Sèvres. Ce département a tout de même un peu de réserve puisque ses deux barrages sont à moitié pleins. Dans le Finistère, réputé comme toute la Bretagne pour son temps pluvieux, le débit des cours d’eau n’a jamais été aussi bas. Cette région n’a pas de solution de rechange car la Bretagne ne possède pas de nappes d’eau souterraines. Un peu plus au sud, dans la Vienne, toutes les rivières ont, elles aussi, un niveau d’eau inférieur à la normale.

«La sécheresse n’est pas la pénurie»

La crise couve également dans le sud-est de la France. Pour la quatrième année consécutive, la sécheresse frappe la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. « C’est la plus mauvaise année depuis 1948 du fait d’un déficit sérieux en termes de pluviométrie et d’enneigement », indique le préfet de région. Dans cette région, l’état des réserves est une fois encore, jugé préoccupant. La sécheresse concerne surtout l’arrière-pays et le département des Hautes-Alpes, qui joue habituellement le rôle de réservoir pour toute cette région méditerranéenne dont les besoins en eau sont énormes en été, pour l’agriculture et le tourisme. La préfecture ne parle encore pas de crise mais note que le niveau des nappes souterraines baisse régulièrement, année après année. Du côté de la Société du canal de Provence, qui vend de l’eau aux communes de la région et aux irrigants des plaines de Provence, on se montre réaliste : « Nous sommes confrontés à une année particulièrement sèche, mais pour le moment ce n’est pas problématique. La sécheresse n’est pas la pénurie ».

Avant d’arriver à une situation de crise, les maires, les agriculteurs, les administrations savent désormais comment prendre les devants. Dans le Gard, par exemple, le maire de Belvézet ne délivre plus de permis de construire tant qu’il n’aura pas résolu la question de l’approvisionnement en eau de sa commune. « Durant l’été 2003, pendant plusieurs semaines, j’ai été obligé de faire venir des camions-citernes. L’an dernier, avec un forage supplémentaire, j’ai tout juste réussi à satisfaire les besoins de la population. Pour les mois à venir, avec la sécheresse qui sévit, je crains le pire et plus tôt que prévu, car ici on a notre propre réseau d’alimentation et il ne suffit plus ». Ce village tranquille des Cévennes attire les citadins mais l’administration locale et régionale ont fait le bilan des usages de l’eau, de son coût. Potable, elle est indispensable mais sa «fabrication» revient de plus en plus cher. En réserve dans les lacs et les rivières, elle est un élément important de la sécurité incendie.

Des réserves souterraines considérables

Les agriculteurs, eux aussi ont anticipé la pénurie en semant, s’ils le pouvaient, des cultures moins gourmandes en eau que le maïs. Certains, comme dans le Maine-et-Loire (ouest de la France), ont demandé  à Bruxelles l’autorisation d’utiliser des terres normalement en jachère. Les exploitants agricoles peuvent parfois s’adapter pour les récoltes, mais ils redoutent le manque de fourrage qui compromettra les provisions hivernales pour le bétail. Ces dernières années, les régions qui n’avaient pas manqué d’eau ont joué la solidarité avec les autres. De la paille a été envoyée aux exploitants sinistrés. Cette année, les régions qui n’ont pas manqué de pluie enverront peut-être du fourrage vers les régions déficitaires. En Ile de France, en Bourgogne, en Corse, en Roussillon, les nappes souterraines se sont bien rechargées cet hiver, offrant souvent un niveau supérieur à la normale.

Globalement, les nappes phréatiques françaises représentent des réserves d’eau considérables. Le Bureau de recherche géologique et minière (BRGM) estime à 2 000 milliards de mètres cubes le stock théoriquement mobilisable. Pour les nappes de faible profondeur (moins de 300 mètres), ce stock se renouvelle par l’apport direct des pluies et par l’écoulement de l’eau dans le milieu naturel. Les nappes de grande profondeur mettent plusieurs années à se remplir et il est de tradition d’entamer le moins possible ces réserves.

Le Portugal, lui aussi connaît une sécheresse prolongée qui a commencé à la fin de l’année dernière. Plus de la moitié du territoire portugais se trouve en situation de «sécheresse extrême ou sévère». En Chine, la province de Guangdong, tout au sud du pays, est confronté à la plus grave sécheresse depuis cinquante ans. Durant les trois premiers mois de l’année, le déficit en pluie a atteint 40% par rapport à l’année dernière. Les responsables de cette province très agricole ont cherché par tous les moyens à trouver de l’eau pour que les semis de printemps ne soient pas compromis.


par Colette  Thomas

Article publié le 13/04/2005 Dernière mise à jour le 13/04/2005 à 17:15 TU