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Santé

A la recherche du virus de la grippe égaré

Confusion à grande échelle dans l'envoi du virus de la grippe H2N2.(Photo : AFP)
Confusion à grande échelle dans l'envoi du virus de la grippe H2N2.
(Photo : AFP)
Des échantillons du virus de la grippe asiatique de 1957/58 (H2N2), qui a fait de un à quatre millions de morts, ont été envoyés par mégarde dans plus de 6 400 laboratoires dans le monde. Ces expéditions réalisées par la firme américaine Meridian Bioscience ont eu lieu entre septembre 2004 et février 2005, mais l’erreur n’a été découverte que très récemment. Le gouvernement américain a donné l’alerte le 8 avril et a demandé aux laboratoires concernés de détruire tous les échantillons. Cette requête a été relayée par l’Organisation mondiale de la santé.

Le H2N2 n’aurait jamais dû se retrouver dans le kit d’échantillons de virus expédié aux laboratoires par la firme américaine Meridian Bioscience. Selon le Collège américain des pathologistes (CAP) –l’organisme responsable de ces envois d’échantillons aux laboratoires internationaux, destinés à leur permettre de tester leur capacité à identifier les souches virales– la commande passée à son sous-traitant, Meridian, concernait uniquement la version la plus commune du virus grippal de souche A, et non le H2N2. C’est donc, semble-t-il, par erreur que des échantillons du dangereux virus de la grippe asiatique de 1957 ont été intégrés dans les lots.

Aucune explication n’a été donnée par Meridian concernant l’origine de cette bévue qui provoque beaucoup d’émoi dans la communauté scientifique internationale et une grande préoccupation des autorités américaines. Le porte-parole de la Maison Blanche, Scott McClellan, a d’ailleurs précisé que le président Bush lui-même considérait cette affaire comme une «haute priorité». Il est vrai que le fait de savoir que plus de 6 000 laboratoires, dont 60 hors des Etats-Unis, sont en possession de souches d’un virus particulièrement mortel, a de quoi inquiéter. D’autant que dans certains de ces établissements, les virus ont été acheminés dès le mois de septembre 2004 et ont donc largement eu le temps d’être manipulés, puisque la découverte de l’erreur ne remonte qu’à quelques jours.

Une erreur passée inaperçue pendant plusieurs mois

Il a, en effet, fallu attendre les tests de routine effectués au mois de mars par le laboratoire canadien de Winnipeg pour que la présence du virus H2N2 soit finalement identifiée et signalée aux Centres américains de contrôle et de prévention des maladies infectieuses (CDC). L’alerte a alors été donnée. Et l’ensemble des laboratoires concernés se sont vu demander de détruire immédiatement tous les échantillons dont ils disposaient. Un certain nombre d’entre eux ont déjà pris les dispositions nécessaires : au Mexique, au Chili, au Brésil, au Canada, à Singapour, à Hong Kong, en Corée du Sud, par exemple. En France, un seul établissement a fait partie des destinataires de ces expéditions à haut risque. Les autorités nationales ont précisé qu’il avait reçu la souche en février 2005 et que des contrôles étaient actuellement effectués pour s’assurer de la destruction des échantillons dans de bonnes conditions «de confinement et de traçabilité internes au laboratoire».

Ces mesures sont indispensables car le danger lié à ces expéditions réside aussi dans le fait que le niveau de sécurité requis pour le transport et la manipulation d’échantillons d’un virus aussi dangereux n’était pas adapté. Les souches étaient, en effet, présentées comme nécessitant des précautions de «niveau 2», à savoir celui qui correspond à un danger «de gravité intermédiaire». Alors que le H2N2 est potentiellement mortel, puisqu’il a été à l’origine du décès d’au moins un million de personnes dans le monde, entre 1957 et 1968, date à partir de laquelle il n’a plus été détecté dans la nature. Il aurait donc dû faire l’objet de précautions bien plus importantes.

Les responsables des CDC et de l’Organisation mondiale de la santé ont relativisé le danger en expliquant que le risque de déclencher une épidémie était «faible». On ne peut néanmoins pas considérer pour autant qu’il est nul. Notamment pour les personnes nées après 1968 qui n’ont jamais été exposées à ce virus puisqu’il n’est plus utilisé pour fabriquer les vaccins contre la grippe, et n’ont donc pas eu la possibilité de développer d’immunité face à lui. C’est pour cette raison que les employés des laboratoires où les souches ont été manipulées vont faire l’objet d’une surveillance médicale. Pour le moment, aucune contamination n’a été déclarée. Mais le gouvernement américain a tout de même demandé que tout cas de maladie respiratoire identifié parmi les membres du personnel des laboratoires soit immédiatement signalé. Julie Gerberding, la directrice des CDC, a expliqué la mise en place de ces mesures en indiquant : «Bien que les risques soient faibles, nous ne voulons prendre aucun risque avec la santé humaine».

par Valérie  Gas

Article publié le 14/04/2005 Dernière mise à jour le 14/04/2005 à 17:20 TU