Entreprises
Parachute doré pour patron licencié
(Photo: AFP)
Alors que l’économie française donne des signes d’essoufflement : progression du chômage, malaise social, salaires bloqués, certaines annonces peuvent choquer. Celle par exemple des indemnités de départ du PDG de Carrefour. Remercié en févier dernier pour cause de mauvais résultats, Daniel Bernard est parti avec l’assurance de toucher la coquette somme de 38 millions d’euros, soit une prime équivalant à 350 années du salaire d'une caissière. Dans le détail, Daniel Bernard bénéficie d’une «retraite-chapeau» de 29 millions d’euros, à laquelle s’ajoute une indemnité équivalente à trois ans de salaire (3,13 millions d’euros en 2004) en échange d’une clause de non-concurrence de quatre ans.
Bien que légale et assez répandue chez les dirigeants des grandes entreprises, cette somme a été jugée très choquante chez la fédération CGT-Commerce alors que de nombreux salariés du géant français de la grande distribution sont en grève et bloquent les centrales d’achat pour des augmentations de salaire. Pour la CGT, de telles pratiques démontrent «le mépris d’une direction envers ses salariés», alors que la plupart des employés sont «des femmes à temps partiel imposé n’ayant pour vivre qu’à peine plus que le seuil de pauvreté en France, soit 700 euros par mois». Même constat du côté des socialistes. Le premier secrétaire du PS, François Hollande s’est déclaré «choqué» et réclame au gouvernement «une disposition législative pour interdire les retraites-chapeaux».
«Les Français ne comprennent pas cette situation»
Cette pratique des «parachutes dorés» ou (golden parachutes) suscite également des critiques à droite, jusque dans les milieux patronaux. Le président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, Jean-François Roubaud, s’est déclaré «scandalisé» après l’annonce, mercredi 20 avril, des 38 millions d’euros d’indemnités de départ reçues par Daniel Bernard. «Je trouve que c’est scandaleux même si le patron est bon», a déclaré Jean-François Roubaud. Une allusion directe au fait que l’ancien PDG de Carrefour était de plus en plus contesté pour cause de pertes de parts de marché depuis la fusion avec Promodes. De son côté, Yvon Jacob, président du conseil de surveillance de Legris Industrie et candidat à la présidence au Medef, l’organisation des patrons français, a également critiqué le versement de ces indemnités: «je pense que les Français ne comprennent pas du tout cette situation».
Les actionnaires du groupe Carrefour n’ont également pas du tout apprécié. «Scandaleux ! Remboursez !» ont fusé lors de l’assemblée générale quand la direction s’est expliqué sur les conditions de départ de Daniel Bernard. Cette nouvelle direction -doté d’un conseil de surveillance présidé par l’ancien vice-président du groupe Luc Vandevelde et d’un directoire, présidé par l’ancien directeur financier, José-Luis Duran -revendique sa volonté de rupture par rapport à la gestion de l'équipe précédente. «Ce système de retraite-chapeau instauré chez Carrefour dans les années 90 et qui a déjà bénéficié à une dizaine d’anciens dirigeants du groupe, prendra fin avec la retraite allouée à M. Bernard», a annoncé Luc Vandevelde qui lui-même n’en bénéficiera pas.
Une annonce qui traduit les difficultés rencontrées par l’entreprise. Le résultat de 2004 (à 1,4 milliard d'euros) du géant français de la grande distribution est en baisse de près de 15% par rapport à l’année 2003. Carrefour a perdu des parts de marché, et surtout certains de ses investissements à l'étranger se sont soldés par des échec plus ou moins coûteux. Le retrait stratégique du Mexique et du Japon devrait rapporter plus d'un milliard d'euros destinés au redéploiement du groupe notamment en France.
par Myriam Berber
Article publié le 22/04/2005 Dernière mise à jour le 22/04/2005 à 20:13 TU