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Europe

L’industrie textile face à la déferlante chinoise

Boutique de tissus sur un marché à Shangaï.(Photo : AFP)
Boutique de tissus sur un marché à Shangaï.
(Photo : AFP)
Les entreprises européennes de textile ont tiré la sonnette d’alarme. Depuis l’abolition des quotas mondiaux au 1er janvier 2005, les importations chinoises au sein de l’Union ont connu une augmentation exponentielle dans ce secteur. Cette situation est particulièrement préoccupante dans une dizaine de pays, parmi lesquels la France et l’Italie, qui ont demandé à la Commission européenne de prendre des mesures rapides pour lutter contre cette concurrence.

Protéger les entreprises de textile européennes au risque de fâcher Pékin, voilà le dilemme face auquel se trouve la Commission de Bruxelles. Peter Mandelson, le commissaire européen au Commerce, a essayé de prendre en compte les deux aspects du problème en annonçant son intention de recommander l’ouverture d’une enquête sur les importations de neuf catégories de produits textiles en provenance de Chine. Il répond ainsi à la demande des industriels qui


Le bond des importations chinoises dans l'Union européenne au 1er trimestre 2005, par rapport au 1er trimestre 2004.
(Source : Euratex)

 

craignent que la progression vertigineuse et brutale de ces produits sur le marché européen (+534 % pour les pull-overs, +413 % pour les pantalons masculins, +257 % pour les tissus de lin, par exemple, au premier trimestre 2005) ne condamne de nombreuses entreprises à mettre la clef sous la porte.

Peter Mandelson a choisi la riposte la plus progressive et la moins agressive vis-à-vis de Pékin. Cette procédure permettrait, en effet, l’octroi d’un délai de deux mois pour mener des négociations informelles avec la Chine et essayer d’obtenir qu’elle restreigne d’elle-même le rythme de ses exportations vers l’Europe. Elle ne signifie pas l’ouverture immédiate de négociations dites «formelles», préalables à la mise en œuvre de mesures de sauvegarde, autorisées par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui permettraient de plafonner les importations. La Commission devrait se prononcer sur cette proposition d’ici le milieu de semaine.

Mais d’ores et déjà les Chinois ont fait part de leur opposition à toute mesure de limitation des importations en provenance de leur pays, en rejetant la responsabilité de la situation actuelle sur les Européens eux-mêmes, qui n’ont pas su se préparer aux conséquences de la levée des quotas sur le textile le 1er janvier 2005, négociée dans le cadre de l’OMC. Bo Xilai, le ministre chinois du Commerce, a ainsi déclaré qu’«avant la mondialisation, il y a eu une période transitoire de dix ans, durant laquelle certains pays n’ont pris aucune mesure. C’est ainsi qu’est apparue une situation d’augmentation brutale des exportations de produits textiles chinois» depuis le début de l’année 2005.

Sept mille emplois menacés

Pékin ne semble donc pas disposé à accepter de bonne grâce la riposte envisagée par certains pays européens pour limiter l’afflux de produits textiles chinois. D’autant que la Chine estime avoir déjà fait un effort en établissant des droits de douane à l’exportation pour ralentir les flux vers l’Europe. Le ministre des Affaires étrangères, Li Zhaoxing, n’a d’ailleurs pas hésité à rappeler aux Européens qu’il était un peu tard pour crier au loup. Il a déclaré : «Que ce soit avec l’Europe, les Etats-Unis, ou d’autres pays, les exportations de produits textiles chinois se font selon des accords préalablement négociés». Il a aussi ajouté de manière à ce que les responsables européens prennent conscience de tous les enjeux du problème : «La coopération sino-européenne est globale et stratégique».

Et c’est bien là que la bât blesse. Comment faire la guerre au textile chinois sans remettre en question les échanges commerciaux globaux avec un pays qui est devenu le premier partenaire économique de l’Europe. Le Premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, soucieux de ne pas mettre de mauvaise humeur ses interlocuteurs auxquels il était venu vendre des produits français, a pour cette raison eu des mots très mesurés lorsqu’il a abordé le problème du textile pendant sa récente visite en Chine. Il a estimé que ce pays était «un acteur économique responsable» et «conscient de l’enjeu de ces dossiers». Une manière de mettre la pression sur Pékin sans pour autant passer le cap de la menace et compromettre la signature des contrats attendus entre les deux Etats.

Et pourtant, la France est au premier rang des pays qui demandent à la Commission européenne de prendre des mesures pour limiter les importations de textile chinois. Le ministre français de l’Industrie, Patrick Devedjian, a d’ailleurs utilisé un langage beaucoup moins diplomatique que celui de Jean-Pierre Raffarin pour expliquer les dangers liés à l’augmentation incontrôlée de ces importations. Il a décrit une «situation très grave» qui pourrait aboutir à la perte d’au moins 7 000 emplois en France dans les prochains mois.

Ce point de vue alarmiste est partagé par les industriels européens du textile. Guillaume Sarkozy, le président de l’Union des industries textiles, estime même pour sa part que les licenciements pourraient concerner en France de 15 000 à 20 000 personnes. Et il attaque sans détour la politique de Pékin : «Pourquoi est-ce que les importations augmentent à ce point-là, multipliées par six, par sept, par huit ? Parce que les prix de vente baissent de 50 % ; ça correspond à une volonté stratégique et non pas aux règles simples de l’économie de marché». C’est pour cette raison que les industriels européens demandent à la Commission de Bruxelles de prendre des mesures d’urgence pour protéger leur secteur.


par Valérie  Gas

Article publié le 25/04/2005 Dernière mise à jour le 25/04/2005 à 18:14 TU