Togo
Navette diplomatique africaine
(Photo : AFP)
Les envoyés de la Cedeao et de l’UA n’avait pas de projet de règlement politique en poche. La délégation a donc sermonné et écouté, entendant le parti du pouvoir, le Rassemblement du peuple togolais (RPT) répéter que son candidat Faure Gnassingbé tendrait «la main à l'opposition pour la formation d'un gouvernement d'union nationale» tandis que les partisans de son adversaire Emmanuel Bob Akitani demandaient une protection panafricaine pour les civils ainsi que «la constitution d'une structure pour vérifier la conformité des résultats provisoire proclamés par la Ceni (la Commission électorale nationale indépendante) et la confrontation de ces résultats avec ceux sortis d'urnes».
Jusqu’à présent, la Cedeao n’est pas revenue sur sa validation du scrutin présidentiel, qui a mis le feu aux poudres, estimant que les «anomalies et les incidents» relevés au cours du vote ne remettent pas en cause sa «crédibilité». L’organisation régionale juge également toujours que «l'autoproclamation» du candidat de l’opposition Akitani a été «faite en violation de la Constitution et des lois de la République» togolaise. C’est donc sans surprise, que la délégation a suggéré aux uns «le dialogue» et aux autres «les voies légales de recours».
Le Pape ému par les «luttes internes»
Bien évidemment, la délégation africaine a déploré «la violence [qui] ne peut que nuire aux efforts déployés pour bâtir une démocratie stable», avec une mention spécialement indignée pour les «ratonnades» qui paraissent avoir tout particulièrement visé les ressortissants de la Cedeao. Pour faire bonne mesure, les envoyés de Mamadou Tanja et d’Olusegun Obasanjo ont «invité les autorités togolaises, les leaders de la coalition de l'opposition, du RPT ainsi que les autres partis politique à s'abstenir de mener des actes qui pourront provoquer de nouvelles violences, des pertes en vie humaines et des destructions de biens». L’Allemagne est plus que contrariée par la mise à sac de son centre culturel de Lomé. Plus gravement, le Mali demande des comptes pour ses ressortissants assassinés au Togo de manière atroce, le 27 avril. En ce dimanche de 1er mai, le nouveau pape Benoît XVI s’est ému pour sa part de la tragédie «des chères populations du Togo, bouleversées par de douloureuses luttes internes».
Selon le Haut commissariat aux réfugiés de l’Onu, plus de 11 000 Togolais sont allés chercher refuge au Bénin et au Ghana voisin. Sur les conseils diplomatiques de leur ministre des Affaires étrangères, Joschka Fischer, certains des quelque 300 ressortissants allemands du Togo ont eux-aussi franchi la frontière. Les 3 000 Français en revanche n’ont pas reçu «de mot d'ordre incitant à quitter le pays». Pour le moment les Togolais pansent les plaies infligées par l’onde de choc électoral. Du côté des opposants, le bilan des morts et des blessés est lourd. Du côté du pouvoir, outre des pertes humaines, les autorités se plaignent du saccage d’une quarantaine de maisons appartenant à des dignitaires du régime parmi lesquels le ministres de la Défense ainsi que ceux de l'Hydraulique et de la Fonction publique.
L'Allemagne souhaite «qu'une porte de sortie soit trouvée»
Déjà bien installé dans le fauteuil présidentiel de son père, Faure Gnassingbé revendique la victoire aux urnes pour offrir un gouvernement d’union nationale qui fait ricaner l’opposition. Celle-ci demande l’invalidation du scrutin. Alors que la délégation africaine a rejoint ses quartiers de Niamey dès samedi soir, au Togo, les deux parties continuent donc de camper sur leurs positions, se rejetant mutuellement la responsabilité des violences de la semaine passée. Elles ont marqué le pays et n’ont pas encore été complètement recensées. Pour sa part, le chef de la diplomatie allemande, Joschka Fischer, estime urgent de «s’assurer qu'une porte de sortie soit trouvée pour mettre un terme à cette escalade de violence et d'anarchie». Il comptait beaucoup sur la mission de la Cedeao à Lomé.
L’essentiel dépend quand même des Togolais. Qu’ils appartiennent à l’un ou l’autre camp, ils n’ont cessé tour à tour de vilipender la presse étrangère, l’Allemagne, la France, la Cedeao et les autres, allant même parfois jusqu’à joindre le geste brutal à la parole. Pourtant, la démocratie est introuvable au Togo sans eux tous. Avant d’imaginer d’éventuels compromis, il vaudrait quand même mieux savoir exactement à qui les proposer, bref identifier plus précisément les protagonistes du rapport de force si, comme le dit l’opposition, les principaux piliers du pouvoir ont la main sur l’armée.
par Monique Mas
Article publié le 01/05/2005 Dernière mise à jour le 01/05/2005 à 15:33 TU