François Pinault
Adieu l’île Seguin, bonjour Venise
(Photo : AFP)
«Enlisement administratif de l’opération», «plan d’urbanisation approximatif», et surtout, incertitude quant à la date d’ouverture du musée : «Je dois constater que je n'ai plus la patience de persévérer dans le projet de doter la France du musée conçu par Tadao Ando», a annoncé lundi François Pinault dans une tribune publiée en première page du quotidien Le Monde daté de mardi. L’homme d’affaires est très virulent à l’égard de la municipalité de Boulogne. Il fustige «le temps de l’administration», celui des «procédures», «qui s’accommode des inerties, des remises en cause politiques ou budgétaires», soulignant que par ailleurs «le temps d’un projet culturel privé ne peut pas être celui d’un projet public»,et que «le temps d’un entrepreneur, c’est celui de son existence, de son âge, de son impatience à concrétiser son rêve».
Le projet ne sortait pas de terre
La France va se séparer d’une prodigieuse collection de quelque 2 000 oeuvres couvrant tous les champs des arts plastiques, de la peinture à la sculpture, en passant par la photographie et la vidéo : adieu les Mondrian, Rebeyrolle, Warhol, Rauschenberg ; adieu aussi les Rothko, Twombly, Murakami, Hirst, Serra, Koons, Sherman ou Cattelan. Une perte dommageable pour la France car cette Fondation d’art contemporain aurait été la plus importante en Europe avec la Fondation Maeght. Ancien conseiller de François Pinault, Jean-Jacques Aillagon a exprimé son amertume : «Je regrette cependant qu'une nouvelle fois que la lourdeur des 'machines' ait eu raison de l'enthousiasme d'un homme. On a manqué de réactivité à Boulogne. Il aurait fallu que, de façon plus volontaire, l'ensemble de ceux qui ont la responsabilité de ce projet se rendent compte que c'était pour la France une très grande chance», une inertie que l’ancien ministre de la Culture attribue à «l'aveuglement» face à «un monde qui bouge et la compétition entre les projets culturels» en Europe.
L'ïle Seguin à Boulogne-Billancourt. (Photo : AFP) |
«Un tien vaut mieux que deux tu l’auras»
Se souvenant peut-être du vieil adage selon lequel : «Un tien vaut mieux que deux tu l’auras», François Pinault, lassé de promesses non honorées, a conclu avec Venise en reprenant pour 29 millions d’euros (soit 9 de plus que la somme investie à fonds perdus) le palais Grassi, une propriété à vocation culturelle de la famille Agnelli (Fiat), et une première exposition se tiendra d'ici la fin de l'année sur le Grand Canal. Certes la surface de ce palais est plus modeste que ce qui était envisagé à l’île Seguin ; mais la surface d'exposition actuelle de 2 500 m², pourra probablement être doublée par la construction d'une annexe sur le domaine foncier du palais. Toutefois la dimension ne sera pas suffisante pour accueillir toute la collection de François Pinault qui envisage donc déjà d'associer «d'autres villes en Europe» et même en France «pour constituer un réseau international dans lequel circuleront les œuvres» au gré d’expositions itinérantes. Jean-Jacques Aillagon a démarché d'autres villes, telles Lille (France) ou Berlin (Allemagne).
par Dominique Raizon
Article publié le 10/05/2005 Dernière mise à jour le 10/05/2005 à 16:35 TU