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Terrorisme

Londres de nouveau d’accord pour extrader Ramda

Croquis de l'Algérien Rachid Ramda.  Emprisonné en Angleterre depuis 1995, il est présenté comme le «financier» de la vague d'attentats de 1995 en France.(Photo: AFP)
Croquis de l'Algérien Rachid Ramda. Emprisonné en Angleterre depuis 1995, il est présenté comme le «financier» de la vague d'attentats de 1995 en France.
(Photo: AFP)
Près de dix années après son arrestation à Londres où il bénéficiait du statut de réfugié, l’Algérien Rachid Ramda, soupçonné d’être le financier de la campagne d’attentats qui a ensanglanté l’Hexagone en 1995, pourrait enfin être remis aux autorités françaises. Le gouvernement britannique avait déjà dans le passé accepté d’extrader cet islamiste âgé aujourd’hui de 35 ans mais la Haute cour de Londres avait annulé cette décision. Et rien n’indique aujourd’hui qu’elle ne le fera pas de nouveau.

L’affaire Ramda est devenue au fil des années emblématique des limites de la coopération britannique en matière de lutte contre le terrorisme. Cet Algérien, incarcéré depuis bientôt dix ans dans la prison de haute sécurité de Belmarsh –surnommée le «Guantanamo britannique»– et considéré par Paris comme le principal financier de la campagne d’attentats qui a ensanglanté en 1995 l’Hexagone, échappe en effet toujours à la justice française. Les attaques terroristes, perpétrées entre juillet et novembre et dont la plus meurtrière avait frappé la station de RER (train de banlieue) de Saint-Michel à Paris, avaient fait une dizaine de morts et plus de 250 blessés. La France, qui avait lancé, dès novembre 1995, deux mandats d’arrêt internationaux –l’un établi pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste», l’autre pour «assassinat en relation avec une entreprise terroriste»– contre cet islamiste algérien âgé à l’époque des faits de 25 ans, a trouvé porte close chez son voisin d’Outre-Manche.

Pourtant le dossier Ramda contient de nombreux éléments à charge. Les polices française et britannique ont en effet établi que l’Algérien avait expédié des fonds, par le biais de la banque Western Union, à l’un de ses compatriotes Boualem Bensaïd –considéré comme le coordinateur de la campagne d’attentats– qui lui téléphonait avant et après chaque attaque d’importance. Une perquisition au domicile londonien de Rachid Ramda a en outre permis de découvrir des ordres écrits du GIA –le Groupe islamique armé algérien qui avait revendiqué les attentats perpétrés dans l’Hexagone– sur le jihad en France ainsi que le texte d’un ultimatum envoyé le 27 août 1995 par le GIA au président Jacques Chirac.

Les attentats du 11 septembre ont changé la donne

Mais malgré tous ces éléments, le gouvernement britannique a longtemps hésité à donner suite aux demandes d’extradition françaises. Certains observateurs ont expliqué cette attitude par le fait que la Grande-Bretagne –qui n’a jamais été la cible d’attentats islamistes– ne souhaitait pas voir se perpétrer de telles attaques sur son sol. Mais depuis les attentats du 11 septembre 2001, la donne a considérablement changé et Londres, qui a longtemps donné asile à des extrémistes religieux, a revu son attitude à l’égard du radicalisme musulman. Les autorités britanniques ont en effet depuis adopté une loi antiterroriste beaucoup plus rigoureuse qui leur a permis de mettre sous les verrous et sans inculpation plusieurs extrémistes. Elles ont également fermé la célèbre mosquée de Finsburry Park dans le nord de la capitale et arrêté son imam extrémiste Abou Hamza.

Autre signe de ce changement d’attitude, quelques semaines après les attentats du 11 septembre, Londres a également, et pour la première fois, accepté d’extrader vers la France Rachid Ramda. Le ministre de l’Intérieur de l’époque David Blunkett avait même signé l’ordre d’extradition avant d’être désavoué quelques mois plus tard, en juin 2002, par la Haute cour de Londres au motif qu’«en tant qu’Algérien suspecté de terrorisme, Rachid Ramda était confronté à un risque de traitement inhumain en France». Cette décision avai, comme il fallait s’y attendre, soulevé un tollé en France où l’hebdomadaire le Nouvel Observateur avait ouvertement affirmé que l’islamiste algérien avait été «retourné» par les services secrets britanniques et bénéficiait d’une protection en échange d’informations sur la mouvance islamiste internationale –et notamment le réseau al-Qaïda d’Oussama Ben Laden– avec qui il avait été en contact pour le financement du GIA.

Trois ans plus tard, le gouvernement britannique vient donc de relancer l’idée d’une extradition de Rachid Ramda. La décision a été prise par le ministre de l’Intérieur Charles Clarke le 6 avril dernier mais rendue publique seulement deux mois plus tard. «Nous sommes très préoccupés par le temps qu’a pris ce dossier et nous voulons mettre fin à cette affaire très importante», a expliqué une de ses porte-parole qui a justifié le retard pris dans ce dossier par les multiples recours prévus par la loi de 1989 sur l’extradition. Cette loi a depuis été remplacé par un autre texte moins contraignant en 2003 qui reconnaît notamment un mandat d’arrêt européen. Seul problème, et non des moindres, elle n’est pas rétroactive. L’affaire Ramda continue donc de dépendre de l’ancienne législation et rien n’indique que l’islamiste algérien –dont les avocats ont l’intention de déposer de nouveaux recours devant la Haute cour de Londres– ne continuera pas d’échapper à la justice française.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 09/06/2005 Dernière mise à jour le 09/06/2005 à 17:55 TU