Culture Bantoue
Le Ciciba redéfinit ses missions
(Photo: Bernard Nageotte/RFI)
De notre correspondant à Libreville
En Afrique, on appelle cela un « éléphant blanc », un projet pharaonique mort-né. On peut en voir un superbe spécimen à Libreville, à deux pas de l’aéroport, dans le quartier Angondjé. L’expression ne peut d’ailleurs mieux convenir puisque deux immenses… défenses de pachyderme « stylisées » donnent accès à des milliers de tonnes de béton formant un vaste palais de trois niveaux, avec moult salles de conférences, courettes, terrasses, escaliers, fontaines, et même un théâtre de verdure. Tout cela est à l’abandon, gagné par les herbes folles, portant les stigmates colorés des amateurs de paintball (combat aux billes de peinture) qui y trouvent un terrain de jeu idéal. Voilà le siège du Centre international des civilisations bantu (Ciciba), dont la construction a coûté quelque 10 milliards de francs CFA dans les années 80.
Le Ciciba, « fruit de la volonté politique du président Omar Bongo Ondimba », créé par
L’idée avait tout de suite subjugué les grandes organisations internationales comme l’Unesco, le Pnud, l’OUA ou l’Union européenne. L’actuelle Union africaine avait offert au projet quelque 4 milliards de FCFA. Tandis que
Hélas, en quelques années le Ciciba a sombré corps et biens : conflits armés, endettement, crises sociales en Afrique Centrale ont eu raison du colossal projet.
Un audit de l’Unesco révèle que le Ciciba a réalisé, au mieux, 10% de ses objectifs.
« Faute de moyens » affirme le directeur général sortant, l’Angolais Vatomene Kukanda, en place depuis 12 ans. De fait, les arriérés de cotisations des États membres s’élèvent aujourd’hui à 2,7 milliards de FCFA. Le budget annuel faisait tout juste vivre la dizaine de cadres de l’Institution.
Aujourd’hui, le Ciciba ne peut guère se vanter que de la mise au point d’une méthode ethnolinguistique en vue de retracer l’histoire d’une région à partir des noms de villages, ou d’actions de vulgarisation de la culture bantoue dans divers forums.
Corriger le tir« Le projet du Ciciba était surdimensionné », a reconnu le ministre gabonais de
Pourtant, on a décidé de corriger le tir en changeant toute l’équipe dirigeante : une gestionnaire congolaise de Kinshasa, Marie-élène Mathey-Boo est chargée de donner un nouveau souffle à l’organisation. L’Unesco va aider à la redéfinition de ses missions. On espère aussi un soutien du Japon pour rebâtir le siège, et l’entrée de l’Afrique du Sud comme nouveau contributeur.
Le Gabon veut encore croire à son rêve : « Le Ciciba est un symbole de paix, une richesse africaine qui ne doit pas mourir », a déclaré le vice-Premier ministre gabonais tout en lançant une mise en garde à la clôture de la réunion : « Nous devons éviter que ces assises constituent une fin en soi » a-t-il dit. « Pour que les espoirs né de ces travaux ne s’en aillent pas en eau de boudin », a conclu pour sa part le journal gouvernemental gabonais L’Union.par Bernard Nageotte
Article publié le 06/07/2005 Dernière mise à jour le 06/07/2005 à 11:02 TU