Arabie Saoudite
Échange de princes à Washington
(Photo: AFP)
La presse américaine l’avait surnommé le «Gatsby arabe», en référence à Gatsby le Magnifique, le personnage de dandy millionnaire imaginé par Scott Fitzgerald. De fait, Bandar Ben Sultan était devenu, en vingt-deux ans de présence dans la capitale américaine, un personnage incontournable du Tout-Washington, très présent dans les médias, mais également dans les coulisses.
Nommé au début des années 80 sous la première présidence de Ronald Reagan après 17 ans passés comme pilote de chasse dans l’armée de l’air d’Arabie Saoudite, le prince Bandar a depuis connu et fréquenté tous les présidents qui se sont succédé à
Lors de l’invasion du Koweït en 1990, il est le canal privilégié de la relation saoudo-américaine entre le président Bush et le roi Fahd. L’ambassadeur américain à Ryad et le ministre des Affaires étrangères saoudien, le prince Saoud Al Fayçal, étant alors relégués au second plan. Au lendemain de la guerre du Koweït, lorsque s’ouvre la conférence de paix à Madrid en octobre 1991, il est omniprésent dans les coulisses, recevant dans sa suite de l’hôtel Ritz les délégations arabes les unes après les autres, multipliant les promesses aux négociateurs américains qui font antichambre.
Ses relations avec l’administration Clinton seront sensiblement plus distantes. Mais lorsque George W. Bush arrive à
Peu de responsables –qu’ils soient américains ou étrangers– peuvent se prévaloir d’une telle familiarité avec l’homme le plus puissant de la planète. Plus tard, lors des préparatifs de la guerre contre l’Irak, Bandar apprendra les détails du plan d’invasion avant même le secrétaire d’État américain Colin Powell !
Pourtant, l’enfant chéri des médias américains connaît des revers lorsque Newsweek révèle que l’épouse de Bandar, la princesse Iffat (fille de feu le roi Fayçal) a versé des sommes importantes à une fondation caritative, sommes qui se sont retrouvées sur le compte en banque de l’un des pirates de l’air saoudien. Rompu aux combats politiques, Bandar monte au créneau pour défendre son honneur et celui de son épouse, mais il en est très affecté. Il est probablement aussi blessé de voir que la relation saoudo-américaine ne passe plus exclusivement par lui. Les relations de Bandar avec son oncle, le prince Abdallah qui exerce le pouvoir de fait depuis la maladie qui a frappé en 1995 le roi Fahd, n’ont jamais été faciles. Depuis quelques années, les téléspectateurs américains voyaient de plus en plus souvent le conseiller politique du prince Abdallah, Abdel Al Jubeïr, exposer dans un anglais irréprochable le point de vue saoudien à la place de l’ambassadeur.
Chef des services secrets saoudiens pendant un quart de siècle
Son successeur, actuellement en poste à Londres, n’est autre que son cousin. Mais Turki Al Fayçal est bien davantage qu’un diplomate : fils de l’ancien roi Fayçal –et frère du ministre des Affaires étrangères Saoud Al Fayçal–, le prince Turki a dirigé les services secrets de son pays pendant près d’un quart de siècle, de 1977 à
Il semble d’ailleurs que c’est son échec à obtenir des Taliban la livraison de Ben Laden qui ait conduit à sa disgrâce et à sa démission en août 2001, moins de deux semaines avant les attentats du 11-Septembre.
Pour autant, les Américains, qui connaissent Turki de longue date, savent très précisément à quoi s’en tenir à son sujet et n’auraient évidemment pas donné leur agrément à la nomination d’un ambassadeur qu’ils soupçonneraient de liens troubles avec le terrorisme.
Quant à Bandar, qui a invoqué des raisons personnelles pour sa démission et son retour au pays, il est permis d’imaginer que son avenir politique en fait partie. Fils de Sultan Ben Abdelaziz, troisième personnage du royaume voué à devenir prince héritier lorsqu’Abdallah héritera de la couronne à la mort de Fahd, Bandar veillera sans doute avec son père à préserver les intérêts de sa lignée, face aux ambitions des Al Fahd et des Al Fayçal, les fils de Fahd et ceux de Fayçal.
Car au sein depar Olivier Da Lage
Article publié le 21/07/2005 Dernière mise à jour le 22/07/2005 à 11:20 TU